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Les Intore du Rwanda, un endoctrinement qui inquiète

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Contribution externe: Article d’opinion soumis pour publication par Jules GAHIMA

Pour la communauté rwandaise, le terme intore n’évoque plus d’ambiguïté. C’est effectivement l’attribut des chauvins fanatiques du régime post-génocide de Paul Kagame. La pratique d’itorero, au bout de laquelle l’on devient intore, tient ses racines dans l’histoire précoloniale rwandaise. Dans le Rwanda ancien, l’itorero était utilisé pour désigner une sorte de service national où de jeunes nobles se rendaient pour recevoir une formation civique. Dans le Rwanda actuel, le programme a été réinstauré pour des fins politiques de structuration de l’histoire en faveur du régime en place. Pour le Rwanda d’aujourd’hui, l’itorero est devenu un service national obligatoire dans lequel des centaines de Rwandais sont rassemblés suivant des catégories sociales ou professionnelles pour recevoir une rééducation civique. Ceci se fait sous forme de formation politico-militaire, avec des modules qui tournent autour de la bravoure du FPR ainsi que la version pro-FPR de l’histoire du pays. L’itorero n’est-il pas un cadeau empoisonné pour la communauté rwandaise ?

Boniface Rucagu, l’ancien président de l’itorero, en tenue personnalisée mettant en valeur des portraits du général Kagame. Il est actuellement membre du conseil des sages, organe consultatif du président de la République.

Le piège le plus grave que le régime FPR a tendu aux Rwandais est d’avoir occulté la vérité sur les faits historiques, fabriqué et structuré pour ses intérêts, une histoire du conflit hutu-tutsi qui vise à dissimuler ses propres responsabilités criminelles. Cette histoire appelée par le régime Kagame ‘vraie vérité’ s’accompagne d’une stratégie de diabolisation, de traque, voire d’élimination de tout Rwandais qui ose la contrarier et la critiquer. En effet, par rapport à la tragédie rwandaise de 1990 à 1994, le FPR a bien déterminé ce qui doit être dit et ce qui ne doit pas l’être, alors qu’il est lui-même accusé d’avoir commis des crimes de guerre et que ces crimes sont documentés par plusieurs organisations de défense des droits humains, certains pouvant être qualifiés de crimes de génocide selon l’ONU[1]. Dans un contexte dictatorial rwandais, empêcher les gens de parler, identifier ceux qui doivent pleurer et ceux qui ne peuvent pas pleurer, c’est bien possible. C’est autour de cette structuration de l’histoire que s’articule tout discours du dictateur Kagame et des dirigeants par rapport à l’unité et la réconciliation. Cette stratégie structuraliste de l’histoire rwandaise met au centre la commission national d’itorero comme un organe de propagande, de sensibilisation et de mobilisation populaire. 

Lors de son installation, les autorités rwandaises affirmaient que l’objectif d’itorero s’inscrivait dans le cadre de replacer le fonctionnement du service national dans le contexte de la tradition précoloniale rwandaise. Ce n’était qu’une stratégie de légitimation pour mieux faire accepter sa perception au sein de la population. Restaurer un tel élément de la culture précoloniale n’évoque aucun problème. Le grand souci réside dans la façon dont l’itorero est métamorphosé et instrumentalisé pour consolider la domination du général Kagame et son parti FPR tout en combattant sans scrupule toutes les opinions libres et contraires.  

Intore dans le Rwanda ancien et le Rwanda actuel

Au cours de la période précoloniale, les jeunes nobles du Rwanda participaient aux camps d’itorero pour s’initier à diverses activités culturelles et civiques. Il s’agissait notamment des danses guerrières (guhamiliza), tir à l’arc (kurasa), jet de lance (gutera icumu), lutte (gukirana), déclamation de poèmes pastoraux et épiques (kuvuga amazina y’inka n’ibyivugo). En effet, ces exercices préparaient les jeunes nobles tutsi à remplacer leurs pères dans l’exercice politique et militaire du pouvoir au royaume du Rwanda précolonial.[2] Le pouvoir du général Kagame réutilise aujourd’hui itorero pour désigner un service national où toutes les composantes de la société doivent se rendre, pour leur formation idéologique et leur rééducation civique. Le nouvel itorero a été établi en 2007 sous forme de groupe de travail (task force) et a pris plus de valeur en devenant une commission nationale permanente reconnue par la loi no 41/2013 du 16/06/2013 afin de recevoir un budget plus important et avoir plus de personnel. Selon sa loi créatrice, la mission de l’itorero est de former les Rwandais au patriotisme et à la contribution au développement national afin qu’ils aient tous une ‘même compréhension’ des valeurs et des tabous qui leur sont communs dans leur cohabitation.[3] Tous les Rwandais sont supposés être rééduqués pour devenir membres actifs de l’itorero, ou plus précisément pour obtenir le grade de ‘vrai Rwandais’ appelé communément intore. Les lauréats de l’itorero font le serment de rester fidèles et concluent des contrats de performance qui les obligent à l’obéissance au chef de l’Etat, considéré comme leur guide suprême (‘Intore izirusha intambwe’), puis aux autres intore de haut grade, mis en place par le guide suprême lui-même. 

En termes de différences, l’on peut noter que dans le Rwanda ancien seuls quelques jeunes futurs cadres de la monarchie étaient formés, dans le but de remplacer leurs pères dans les fonctions de responsabilités politiques et militaires. A noter également, les soldats précoloniaux intervenaient surtout dans le cadre des conquêtes pour l’expansion du territoire national. Pour le Rwanda actuel, toute la population doit obligatoirement devenir intore et s’engager politiquement et militairement au combat contre d’autres Rwandais, ceux non alignés à l’idéologie du dictateur Paul Kagame. Selon le langage récent au Rwanda, le mot Intore veut dire les fidèles au régime post-génocide du chef Paul Kagame. Il renvoie à la conception que les leaders politiques de Kagame se font du citoyen modèle : le citoyen qui acclame le régime, ne le critique jamais, et combat coûte que coûte quiconque ne voit pas les choses de la même façon que le régime en place. 

Pour ce qui est de son organisation et de son fonctionnement, l’itorero actuel reflète un programme bien décentralisé pour inculquer dans la population l’idéologie du FPR, de façon très efficace. Il se consolide par sa forme pyramidale qui va de la présidence de la république aux ministères et établissements publics, aux provinces, aux districts, aux secteurs, aux cellules et aux villages (collines). Au sein même des villages, les intore se forment en groupuscules appelés amasibo (groupes de soldats), un mot emprunté à la terminologie militaire qui fait normalement référence à un peloton. Au sommet se trouve donc le guide suprême (‘Intore izirusha intambwe’), en l’occurrence le président de la république Paul Kagame. C’est de l’inspiration ‘exceptionnelle’ de celui-ci que découlent toutes les vertus que doivent exhiber tous les autres intore. C’est lui qui dit en principe les vertus d’un citoyen idéal rwandais. Ses dires sont suprêmes et plus lourds qu’une institution. Ils viennent au-dessus de toute loi et font loi dès qu’ils sont verbalisés. Ni le parlement ni les cours et tribunaux ne peuvent contrer les dires du guide suprême. Au cas où une loi en vigueur les contredit, c’est cette loi même qui est subséquemment amendée, parce c’est elle qui devient automatiquement problématique. 

Le guide suprême est incritiquable, sa réputation est protégée à l’extrême. Lorsqu’il a rendez-vous en milieu rural, les routes sur son passage sont construites ou reconstruites en avance, les questions que les paysans lui poseront sont préalablement censurées par les pouvoirs locaux. Plusieurs artistes et compositeurs rwandais sont notamment spécialisés dans l’acclamation des accomplissements du guide suprême. Par exemple un extrait de la chanson des compositeurs chanteurs Eric Senderi et Tuyisenge dit : « Il a dit, il a dit, mais qui est-ce qui a dit ? C’est le guide suprême qui a dit que nous devons travailler ensemble. »[4] Une autre chanson consacrée exclusivement au guide suprême par le compositeur chanteur Ibrahim Cyusa dit :« Le plus fort de tous, […] celui dont les dires sont indiscutables, tu es fort, continue de nous guider. »[5]

Acclamation de Kagame par les membres de l’itorero ‘Indangamirwa’ qui réunit les Rwandais étudiant dans des universités internationales[6]

De telles chansons animent les évènements publics et surtout ceux des intore. Elles entrent dans la vie simple et quotidienne des paysans. Les enfants les chantent à la maison, dans la rue, à l’école et au cours de leurs jeux comme des chansons à la mode. Les autorités étatiques n’y manquent pas lors des réunions officielles dans les villages. En plus des chansons, d’autres pratiques montrent combien l’itorero marque la vie quotidienne des Rwandais. Par exemple, des expressions comme « ukwiye ingando », utilisé pour dire qu’il te faudrait passer par un camp pour bien comprendre certaines choses, ou encore « twe turi intore », qui peut se traduire par « nous sommes loyaux, nous », font partie du langage quotidien. En effet, de telles expressions développent et structurent une certaine vérité qui forme insidieusement un sentiment partagé d’inclusion pour certains Rwandais, et d’exclusion pour d’autres.

Selon le document politique de la commission rwandaise d’itorero, le programme d’initiation à l’itorero vise les enfants à partir de 7 ans et devient obligatoire pour tous ceux qui terminent l’école secondaire à l’âge de 18 ans[7]. Les fonctionnaires de l’Etat, les salariés du secteur privé, la société civile se forment eux aussi en groupes intore. En effet, l’endoctrinement d’itorero vise tous les Rwandais, et est aussi ouvert à ceux qui vivent à l’étranger et se veulent fidèles au régime du général Kagame. Toutes les composantes de la société doivent donc participer dans l’objectif d’avoir un peuple intore, solidaire et unanimement fidèle au général. Le droit de ne pas participer au service d’itorero n’existe pas au Rwanda, sous peine d’être taxé d’opposant politique et/ou ennemi du pays, une accusation qui fait trembler tout Rwandais. Les camps intore suivent une discipline de fer, plus ou moins militaire. Les animateurs d’intore sont des hommes du pouvoir. Ils sont formés comme formateurs et sont exhortés à servir comme des soldats du FPR. Ceci peut être démontré par la déclaration de l’ancien président de la commission d’itorero, Edouard Bamporiki lorsqu’il clôturait la formation des formateurs au niveau des villages en 2018 : « Pour être un bon formateur d’Intore, tu dois être sage, être satisfait, et tu dois servir comme un soldat du FPR […] Nos collaborateurs qui vous ont formés se sont dépensés pour contribuer au bon fonctionnement d’itorero au niveau de chaque village. Ce fonctionnement doit s’inspirer de la culture de nos héros d’ancêtres et des instructions de notre guide suprême. »[8]

Contrat d’allégeance à Kagame, une nouvelle forme de citoyenneté en émergence

Il convient de noter que la citoyenneté rwandaise est en train de se redéfinir de plus en plus par le statut d’être intore. La pratique d’itorero définit et détermine un vrai Rwandais et l’inclut dans la nation, en même temps qu’il identifie tout Rwandais critique, non-aligné pour l’exclure de cette nation. Le fait d’être intore est donc devenu une caractéristique essentielle de la citoyenneté vertueuse prônée par Kigali, puisque devenir intore c’est être un vrai Rwandais, conformément aux souhaits du régime. Ceci requiert d’entrer en contrat civique avec le guide suprême, contrat par lequel le guide s’engage à protéger un intore en tant que citoyen ‘vrai’ tandis que le citoyen intore s’engage en contrepartie à l’allégeance envers l’Etat dirigé par ce guide. Cette allégeance se traduit par le respect de Kagame. Ce dernier s’impose comme un homme fort que les Rwandais craignent plus qu’ils craignent la loi et les institutions. Voilà pourquoi tous les intore n’acclament jamais ni les lois, ni les institutions rwandaises ni les autres hommes de pouvoir du pays. Ils louent uniquement leur guide suprême Kagame et le défendent contre toute critique ou opinion dissidente. Les intore sont ainsi devenus des outils de traque des non-alignés au général Kagame. Ils sont endoctrinés pour la seule raison de protéger la version vérité du général, et combattre tous ceux qui la contrarient. 

La citoyenneté innovée par Kagame s’acquiert et peut se perdre comme toute autre forme de citoyenneté politique. En principe, elle s’acquiert par la participation au camp d’itorero, la prise du serment que l’on devient intore, et l’engagement à respecter le contrat de performance qui découle de ce statut. Elle peut aussi se perdre, par le non-respect du contrat, la prison ou par tout autre acte perçu comme dénigrant l’image ou la performance du guide suprême. Comme tout contrat de citoyenneté, celui basé sur le statut d’intore entraîne la jouissance du droit aux autres droits socio-économiques et politiques. Les droits qu’on ne peut pas acquérir sans être passé par l’itorero sont notamment le droit à l’éducation de niveau supérieur, l’accès aux postes de cadres de la fonction publique (parmi les plus prestigieux au Rwanda), et le droit d’éligibilité. Les dissidents ou critiques à l’encontre du statut d’intore sont communément appelés ceux qui ont dépassé la ligne rouge tracée par Kagame, ou ibigarasha, ou encore ennemis du Rwanda, et sont politiquement exclus de la vraie citoyenneté et du droit qui en découle. Le mot ibigarasha (pluriel de ikigarasha) veut dire ‘qui ne comptent pas’. Les intore se mobilisent pour les traquer, les faire taire ou les éliminer.

Camp itorero du personnel du district de Rutsiro[9]

Nous noterons donc que, contrairement aux formes de citoyenneté développées et pratiquées dans d’autres pays, comme le ius soli, soit le droit à la citoyenneté par le fait d’être née sur le sol du pays (ex. USA), ou le ius sanguinis, soit la citoyenneté acquise par descendance familiale (ex. Allemagne), formes qui octroient donc aux titulaires le droit d’élire et d’être élu pour des postes politiques, la simple nationalité rwandaise ne garantit que le droit d’être élu, car il faut le statut d’intore pour avoir le droit d’être élu. Les ibigarasha peuvent élire mais sont donc politiquement privés du droit d’être élu. Ce sont des personnes à combattre à tout prix parce qu’ils ne s’alignent pas à la même idéologie que le guide suprême et ses intore. Parmi les ibigarasha on compte surtout les opposants politiques avérés et toute autre critique du régime, notamment ceux qui se trouvent à l’étranger. Tous ceux-ci sont constamment diabolisés par les intore et sont étiquetés d’ennemis du Rwanda, ou ils ne sont simplement pas comptés comme vrais Rwandais.    

Comme tout lien de citoyenneté politique, entre le régime du guide et le citoyen se bâtit un lien fort. Un lien dont l’objet principal est le respect et la protection de la version de l’histoire et de la vérité reçues au cours de la rééducation de l’itorero. C’est en réalité une forme d’alliance à vie qui une fois trahie peut entrainer des conséquences graves pouvant aller jusqu’à la mort. Cette alliance joue un rôle très important dans la structuration de ce qui peut être dit ou non, surtout sur les actes du guide suprême et de son régime.

Le fait de s’imposer comme homme fort au-dessus des institutions et des lois et de se servir de ce statut pour structurer l’histoire rwandaise en sa propre faveur est une stratégie qui devrait inquiéter tous les Rwandais. L’expérience des intore nous montre que le Rwanda n’a pas d’institutions durables car toutes les institutions étatiques sont soumises à la seule personne du général Kagame qui se hisse au-dessus de tout. Même sur les dossiers plus importants, les juges ne vont jamais à l’encontre de la position de Kagame. Récemment le journal Financial Times s’étonnait que même les statistiques suivent la ligne du dictateur[10]. Le pays dépend donc effectivement de la propre personnalité de Paul Kagame. 

En conclusion, il sied de souligner que l’itorero est une stratégie structuraliste de la vérité et de l’histoire favorable au régime post génocide du Rwanda. C’est un endoctrinement idéologique qui définit les ‘vrais’ Rwandais pour les placer sous la protection de Kigali et identifie les dissidents comme des ennemis du Rwanda qu’il faut combattre à tout prix. De nombreux politologues spécialistes de la région des Grands Lacs convergent sur le fait que l’objectif de cette structuration est de voiler la part présumée de la responsabilité criminelle de l’ancien groupe rebelle du FPR dans le conflit qui a donné lieu au génocide en 1994 au Rwanda. La structuration de la vérité et de l’histoire masque la complexité de la réalité des faits historiques rwandais et cherche à les assimiler au modèle structural favorable au FPR. Pour la commission itorero il est question de continuer à former/rééduquer et à sensibiliser les Rwandais pour qu’ils ‘comprennent tous bien’ les choses. Ceux qui ne voient pas les choses dans la même ligne, sont considérés comme désinformés et mal informés. Ceux qui résistent sont considérés comme ayant dépassé la ligne rouge tracée par le guide suprême et méritent d’être traqués, punis par la loi, voire même tués en tant qu’ennemis du pays. Cette situation devrait inquiéter tout le monde. 

Contribution externe: Article d’opinion soumis pour publication par Jules GAHIMA


  1. Mapping Report, HRW…
  2. Vansina, Jan, ‘ Le Rwanda ancien : le royaume Nyiginya’ Paris, Karthala, 2001.
  3. Primature du Rwanda, ‘Loi n° 41/2013 du 16/06/2013 portant création de la commission nationale d’itorero et déterminant ses missions, son organisation et son fonctionnement’ journal officiel nº 29 du 22 juillet 2013
  4. Pour la chanson, voir sur youtuve : https://www.youtube.com/watch?v=IMTIufzQeVg
  5. Pour la chanson, voir sur youtube : https://www.youtube.com/watch?v=V8LRiZdziA4
  6. Muzogeye Plaisir, ‘Irebere amafoto y’umuhango wo gusoza itorero ry’indangamirwa icyiciro cya 12’, KigaliToday du 9/8/2019, voir sur : https://www.kigalitoday.com/amashusho/kt-photo/article/irebere-amafoto-y-umuhango-wo-gusoza-itorero-ry-indangamirwa-icyiciro-cya-12
  7. NIC, ‘National itorero policy’, 2011, p. 12, voir sur: https://www.nic.gov.rw/fileadmin/user_upload/ITORERO_POLICY.pdf
  8. Mugisha Benigne, Abatoza b’intore b’imidugudu basabwe gukora gikotanyi’ journal Imvaho Nshya du 17/12/2018, voir sur : http://imvahonshya.co.rw/abatoza-bitorero-ryumudugudu-basabwe-gukora-gikotanyi/
  9. Voir détails sur http://rutsiro.gov.rw/index.php?id=38&tx_news_pi1%5Bnews%5D=344&tx_news_pi1%5Bcontroller%5D=News&tx_news_pi1%5Baction%5D=detail&cHash=9ccea75b112d1ec193539fcf3ab4d126
  10. Tom Wilson et David Blood ‘Rwanda: where even poverty data must toe Kagame’s line’ Financial Times du 19/08/2019, voir sur https://www.ft.com/content/683047ac-b857-11e9-96bd-8e884d3ea203

Kigali reprend l’impitoyable destruction des habitations malgré le Covid-19

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Contribution externe: Article d’opinion soumis pour publication par Jules GAHIMA

Depuis peu de temps, les pauvres habitants du district de Gasabo, Secteur Remera, cellule Nyarutarama, village de Kandongo 1 et 2, ont été contraints par les autorités du régime dictatorial du général Paul Kagame de signer des contrats d’expropriation de leurs habitations contre une promesse d’octroi par l’Etat d’autres habitations endéans une période de trois mois et demi c’est-à-dire au mois de juin 2020. Selon ce contrat standard établi par l’autorité, sans concertation préalable avec les habitants, l’objectif est de mettre en œuvre le plan directeur de la ville de Kigali et de permettre aux Rwandais de se loger conformément à la vision du pays.

En cette mi-mars 2020, au moment où le monde entier est alarmé et terrifié par la pandémie du Covid-19 qui ne cesse de se propager et causer des décès à une vitesse inquiétante, le gouvernement rwandais, qui connait le plus grand nombre de personnes contaminées dans l’Afrique de l’Est, n’a rien trouvé de mieux que de reprendre la destruction des habitations des plus pauvres sans aucune indemnisation préalable.

Les habitants des villages touchés s’indignent fortement de la décision draconienne d’être expulsés sans une compensation préalable telle que prévue par la loi. Ils dénoncent l’insouciance et l’iniquité des autorités étatiques dans ce projet qu’ils jugent illégal.

Parmi ceux qui sont brutalisés figure Madame Furaha Roseline, sans emploi et mère célibataire de trois enfants. Roseline regrette d’avoir cessé son asile en République démocratique du Congo pour rentrer dans son pays d’origine qu’est le Rwanda. Selon elle, la destruction des habitations que l’Etat est en train d’imposer aux plus pauvres sous la surveillance physique des forces armées ne saurait être autre chose que du terrorisme. Dans une interview accordée à la chaine de télévision Ishema TV diffusée sur YouTube[1], le 19 mars 2020, elle témoigne :

« Moi, j’ai quitté le Congo parce qu’on nous poussait à rentrer chez nous au Rwanda. Arrivés ici nous avons pu nous installer comme étant chez nous. Malgré cela, les autorités sont en train de nous faire déguerpir d’ici aussi. L’Etat a fait les expertises de nos habitations mais au lieu de nous indemniser il nous force à détruire. Les autorités nous offrent un loyer insignifiant de 90.000 frw seulement avec lequel tu ne peux pas te trouver un logement ! Est-ce je vais retourner au Congo, où vais-je aller… ? Je ne sais quoi faire (…), en tout cas moi je vais regagner le Congo parce qu’ici je ne sais pas comment vivre. Même s’ils ont fermé les frontières du pays je vais m’arranger stratégiquement pour les franchir. Ces terres ont été achetées par un investisseur, l’Etat a reçu l’argent et l’a utilisé frauduleusement. Pourquoi ces forces armées surveillent les destructions, parce que si tu refuses de détruire ton habitation, elles sont prêtes à tirer sur toi, ça s’appelle du terrorisme. En rentrant au Rwanda on nous flattait que le terrorisme était fini mais il y règne encore ! L’Etat est un bon-à-rien pour nous, il nous brutalise tellement mais si nous rejoignons ceux que nous avons laissés derrière en asile, ces derniers se moqueront de nous. En tout cas nous ne les encouragerons pas à rentrer au Rwanda. »

Ce qui enrage le plus les habitants de Kandogo 1 et 2 c’est le manque de réactions de la part des autorités administratives face au recours que les victimes leur ont adressé par écrit. A noter qu’un tribunal de Kigali a dernièrement rejeté leur plainte sur base de son incompétence. A l’heure qu’il est, les habitants pauvres de Nyarutarama attendent désespérément la réponse du parlement rwandais qui n’a jusqu’alors fait aucun signe après avoir accusé réception de leur plainte.

Dans une interview accordée à la télévision Umubavu TV online diffusée sur YouTube[1], Monsieur Kabera Bercar, père de 7 enfants et dont les maisons sont à détruire,se demande pourquoi l’Etat peut imposer la destruction des habitations alors que la pandémie du Covid-19 fait rage : « Les autorités sont en train de blesser plus profondément les plus pauvres au lieu de les secourir au moment où le Covid-19 gagne du terrain. Comment peuvent-ils nous dire que l’investisseur a besoin de ces terres alors que nous propriétaires n’avons pas reçu d’indemnisation ? On appelle ça de l’escroquerie » !

L’un des pétitionnaires du recours adressé au parlement, Monsieur Nzeyimana Charles, exprime son mécontentement : « Comment pouvons-nous avoir confiance dans cette promesse de l’Etat comme quoi nous recevrons des habitations alors qu’ils nous ont montré qu’ils ne peuvent même pas répondre à nos lettres de réclamations ? Dans tout ça, personne n’a été consulté, personne ne devrait être expulsé de sa maison sans préavis ! Franchement qui se soucie de nous, de nos droits ? Les autorités ici nous disent que nous n’avons pas à leur poser de questions et que nous devons absolument exécuter la décision de l’Etat (….). Nous entendons parler d’un investisseur qui va faire des travaux sur nos terres, ce qui compte pour les autorités c’est l’intérêt pécuniaire, ils s’en foutent du droit des citoyens » ![2]

L’investisseur dont il est question ici, s’appelle Denis Karera, frère de Busingye Johson, l’actuel ministre de la justice ; ce qui expliquerait pourquoi les démarches judiciaires que les pauvres habitants du village de Kandongo 1 et 2 ont entamées n’ont abouti à rien.

Denis Karera, directeur général de Kigali Heights, s’adressant au public lors de l’inauguration de Kigali Heights le 5 décembre 2016

Plusieurs habitations ont déjà été démolies. La vie des anciens propriétaires est mise à haut risque à plus forte raison que l’État rwandais continue de faire la sourde oreille à toute supplication et que la propagation du Covid-19 n’épargne pas le Rwanda.

Ce n’est pas la première fois que le régime dictatorial de Paul Kagame ordonne la démolition des maisons des pauvres sans les indemniser, L’année dernière peu avant Noël le régime du FPR a démoli les maisons de plusieurs villages de la ville de Kigali, réduisant ainsi plusieurs anciens propriétaires en sans-abris.

Rappelons que la loi rwandaise N° 32/2015 du 11/06/2015 qui détermine les procédures d’expropriation pour cause d’utilité publique en son article 3, paragraphes 1 et 2, prévoit que seul l’État est habilité à ordonner l’expropriation pour cause d’utilité publique et que l’expropriation n’a lieu qu’aux seules fins d’utilité publique et moyennant une juste et préalable indemnisation[3].

Contribution externe: Article d’opinion soumis pour publication par Jules GAHIMA


[1] Ishema TV Noneho Abaturage Bariye Karungu | Badusenyeye kugahato|Abashoramari Baratuguze Batwirukana mu Byacu. https://www.youtube.com/watch?v=gs2oGg6WNfU

[2] Umubavu tv online, «Abaturage baratabaza ubuyobozi nyuma yo guhabwa amasezerano ya baringa» ; ajoutée le 17/03/2020 , voir sur: https://www.youtube.com/watch?v=dOGVSQpj07g

[3] MNIJUST, loi n° 32/2015 du 11/06/2015 portant expropriation pour cause d’utilité publique, journal officiel nᵒ 35 of 31/08/2015, voir sur : https://minijust.gov.rw/fileadmin/Law_and_Regulations/expropriation.pdf

PARLER DES CRIMES DU FRONT PATRIOTIQUE RWANDAIS (FPR), N’EST PAS NEGATIONNISTE !

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Les vidéos du colloque du 9 mars 2020 au sénat français publiées intégralement.

https://www.youtube.com/playlist?list=PLAYdWiNiUsqeZw9SmBtQPMgt5fMFR_FQ2

Le colloque, intitulé « l’Afrique des Grands Lacs 60 ans de tragique instabilité », avait pour ambition de « faire le point sur les conflits qui dévastent cette région » depuis les années 1960, jusqu’à aujourd’hui.

Au vu des panélistes annoncés, il ne faisait aucun doute que le rôle du Front Patriotique Rwandais (FPR), allait être au centre des débats. Le FPR est un mouvement politico-militaire, créé à la fin des années 1980 essentiellement par des réfugiés Tutsi en Ouganda, qui avaient décidé de rentrer au Rwanda par la voie des armes.

Des crimes imprescriptibles

Sur les dix orateurs prévus, six au minimum ont publié des travaux qui mettent en cause directement la responsabilité du FPR dans les tragédies ayant dévasté la région depuis les années 1990 et certains chercheurs accusent même le FPR de crimes de guerre, crimes contre l’humanité et crime de génocide contre les Hutu ainsi que contre les Congolais dans l’est de la RDC.

Le Gouvernement rwandais actuel, dirigé depuis 26 ans de main de fer par le même FPR, avait donc déployé tous les moyens en sa disposition afin de faire annuler la conférence. L’argument principal étant que certains des orateurs seraient tout simplement des « négationnistes du génocide contre les Tutsi » et n’avaient donc droit à aucune parole !

S’il est vrai que le négationnisme est un délit en France, en quoi le fait d’exposer le rôle et les crimes commis par un mouvement rebelle serait une négation d’un quelconque crime ?

Les efforts déployés par le Gouvernement rwandais n’avaient donc qu’un seul but : empêcher la tenue d’un colloque dans lequel son passé criminel risquait d’être exposé en long et en large par des scientifiques, des chercheurs, des journalistes et peut-être même, par des rescapés.

Deux sénateurs qui résistent

Les sénateurs Longuet et Richard ont, contre vents et marrées, résisté à la pression médiatique et diplomatique visant à les faire taire au sein même de leur propre Sénat.

Dans son mot de clôture, le Sénateur Longuet a déclaré : « J’ai accepté de parrainer ce colloque parce que s’il y a des divergences, il faut les creuser, malgré les hostilités de ceux qui préfèrent s’auto-flageller », faisant référence aux Français qui accusent la France de tous les maux dans le dossier rwandais.

Enfin, le principal mérite à souligner dans les chef des Sénateurs Longuet et Richard, c’est d’avoir tenu tête à un Gouvernement étranger qui veut purement et simplement exporter son idéologie négationniste au sein même des institutions les plus démocratiques de la république française.

Quid du négationnisme ?

De l’avis même des détracteurs du colloque, aucun propos négationniste n’a été tenu !

La campagne et la terreur médiatique qui avait pour but de faire annuler la conférence au motif qu’elle aurait été négationniste, ne reposait donc finalement sur rien, surtout dans un Etat de droit comme la France où la présomption d’innocence est sacrée.

En effet, aucun des orateurs annoncés n’a jamais été inculpé, ni même poursuivi pour « propos négationnistes » alors même que leurs travaux sont publiés depuis de nombreuses années en France et en Belgique.

Comme en témoignent ces vidéos, désormais rendues publiques dans leur intégralité, parler des crimes du Front Patriotique Rwandais n’a rien à voir avec du négationnisme.

Gustave Mbonyumutwa

Rwanda : Un nouvel enlèvement dans le camp de Mutobo

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L’enlèvement de la présidente de l’Association des femmes et des filles rwandaises réfugiées (AFEFIRWAR-Dufatanye), Jeannette Tumusifu Mukamuhire, et de son fils Bienvenue âgé de 11 ans, en date du 10 mars 2020 dans le camp de Mutobo au Rwanda, pose question sur le traitement des réfugiés ramenés de force de la République démocratique du Congo.

Qui est Jeannette Mukamuhire ?

Née en 1986 dans le district de Karongi, Mukamuhire a dû fuir le pays à 8 ans avec ses parents, elle était alors en deuxième année d’école primaire. Après avoir survécu à la chasse à l’homme de l’Armée patriotique rwandaise (APR) dans les forêts du Congo, la famille s’était installée dans la région de Masisi où Mukamuhire a passé toute sa jeunesse. Elle s’était mariée en 2006 avec Antoine Hakizimana avec qui elle a eu deux enfants.

Jeannette MUKAMUHIRE

En République démocratique du Congo, Mukamuhire s’était passionnée pour son travail d’aide aux autres réfugiés au sein l’association AFEFIRWAR dont elle avait fini par devenir présidente. L’association avait pour buts d’apprendre aux femmes réfugiées à lire et à écrire, aider les enfants à la scolarisation, organiser l’entraide parmi les réfugiés, sensibiliser à leurs conditions, et bien d’autres activités en vue d’apporter un semblant de confort dans leur vie bien difficile et malheureuse.

Le retour au pays

Bienvenue NIYONZIZA, le fils de Jeannette MUKAMUHIRE

Mukamuhire reverra le Rwanda 25 ans plus tard, en décembre 2019, lorsqu’elle est acheminée à la baïonnette en compagnie de son fils Bienvenue Niyonziza et de beaucoup d’autres réfugiés, vers des camps de détention par des militaires rwandais.

Après un court séjour dans le camp de Nyarushishi, Mukamuhire et son fils avaient été amenés au camp de Mutobo, un centre fermé de démobilisation et de réintégration de prisonniers militaires.

Bien que le mari de Mukamuhire soit un soldat membre du Front National de Libération (FNL), le transfert de Mukamuhire et son fils de 11 ans dans ce camp d’anciens militaires n’avait rien de normal. 

L’enlèvement

Le mardi 10 mars 2020, des personnes, en tenue civil d’après nos sources, ont embarqué Mukamuhire et son fils Niyonziza à bord de leur voiture après s’être entretenues avec le responsable du centre dans son bureau. Leur famille n’a eu aucune nouvelle depuis lors, ni d’elle ni de son fils.

Malgré les bonnes intentions affichées par l’Etat rwandais sur le traitement des captifs et la promesse du respect du droit international et de leurs droits humains fondamentaux, la réalité semble toute autre. Les droits fondamentaux des prisonniers peuvent être bafoués à tout moment et ils le sont, et ce dans l’indifférence générale.

La peur que les réfugiés de ces centres avaient à leur arrivée n’a pas faibli. Au contraire, ils savent que leurs vies peuvent se retrouver menacées à chaque instant.

www.jambonews.net

Attentat contre l’avion du Président Habyarimana : 25 questions qui pointent vers la culpabilité de Paul Kagame

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« Si c’est le FPR qui a commis l’attentat, l’histoire du génocide devra être réécrite, […], cela mettra le FPR sous un angle complètement différent. Le FPR a jusqu’ici été considéré par l’occident comme une victime ainsi que ceux qui ont mis fin au génocide ».

Cette phrase, prononcée par Carla DEL PONTE le 17 avril 2000 lors d’une interview donnée au journal danois « Aktuelt » résume parfaitement le seul enjeu qui compte dans cette affaire.

Pourtant, depuis plus de 20 ans on ne compte plus les « indices sérieux de culpabilité » qui convergent tous vers le FPR. Depuis les enquêtes de Michael Hourigan pour le compte du TPIR en 1997[1], en passant par l’enquête française du juge Bruguière dès 1998[2], l’enquête « spéciale » du TPIR de 2003[3], ainsi que les mandats d’arrêts du juge espagnol Merelles de 2008[4], toutes les pistes désignent Paul KAGAME comme le commanditaire de cet attentat.

Dès lors, qui donc est assez puissant pour empêcher que la vérité soit dite dans cet attentat ?

Depuis 26 ans, seuls les sponsors internationaux de Paul KAGAME et du FPR, dont des politiciens, des médias, des universitaires et de nombreuses ONG, multiplient leurres et chantages afin de brouiller toute compréhension du dossier et de s’assurer qu’aucune de ces enquêtes n’aboutisse et ne mette définitivement leur protégé sur le banc des accusés. 

En ce triste anniversaire de l’attentat contre l’avion du Président Habyarimana, considéré comme l’élément déclencheur du génocide et de l’embrasement de toute la sous–région, nous vous proposons une série de 25 questions qui démontrent qu’il n’y a, évidemment, qu’une seule hypothèse sérieuse dans ce dossier.

En juillet de cette année, la cour d’appel de Paris devrait se prononcer sur la validité du non-lieu qui conclura deux décennies d’enquête sur cet attentat[5].

Si le non-lieu est validé par la Justice française, Paul Kagame et le FPR seront définitivement hors d’atteinte pour répondre de cet attentat en France.

Dans le cas contraire, un mince espoir sera à nouveau permis pour les familles des ressortissants français rwandais et burundais ayant perdu leur proche dans cet attentat et peut-être même que justice pourra un jour être rendue dans l’une des affaires les plus scandaleuses de l’histoire politique de l’humanité : le seul double assassinat de Présidents en exercice !

Question n° 1 : Pourquoi Paul Kagame s’est-il toujours violemment opposé à toute enquête de l’ONU, de l’OUA, de l’OACI alors qu’il prétend détenir les preuves de la culpabilité des extrémistes du coté de Habyarimana ? (cf par exemple le rapport Mutsinzi),?

Question n° 2 : Pourquoi Paul Kagame s’est-il toujours opposé à toute enquête du TPIR alors que le TPIR était complètement à sa botte depuis le départ forcé de Carla Del Ponte, licenciée sans ménagement par les anglo-saxons à partir du moment où elle a voulu enquêter sur les crimes du FPR ?

Question n° 3 : Pourquoi Paul Kagame s’est-il piteusement désisté en Décembre 2002 lors de la procédure judiciaire qu’il avait intentée contre le journaliste et universitaire Charles Onana qui l’accusait d’être le commanditaire de cet attentat ? Paul Kagamé s’est retracté à partir du moment où Charles Onana a déposé les preuves qu’il détenait.

Question n° 4 : Pourquoi le Gouvernement rwandais n’a-t-il jamais répondu à la demande d’entraide judiciaire internationale formulée par le juge Bruguière pendant son enquête ? En effet, contrairement à ce que les suppôts français de Kigali clament, le juge Bruguière, comme le rapporte Madame Del Ponte pages 387 – 388 de l’ouvrage « La traque, les criminels de guerre et moi », avait demandé une entraide judiciaire à Kigali qui n’a jamais répondu.

Question n° 5 : Pourquoi Kagame fait-il assassiner ou enlever ceux qui se disent témoins des préparatifs de l’attentat contre l’avion du Président Habyarimana ? 

La liste est longue : Seth Sendasonga, (assassiné), Théoneste Lizinde, (assassiné), Augustin Cyiza, (enlevé et sans doute assassiné), Leandre Ndayire[6], (enlevé et peut-être assassiné) Patrick Karegeya (assassiné), Kayumba Nyamwasa (victime de 3 tentatives d’assassinat), Emile Gafirita[7] (enlevé et peut être assassiné),Chrysostome Ntirugiribambe[8] (enlevé et peut-être assassiné), etc.

Enfin, il est important de signaler que James Munyandinda qui, selon ses déclarations devant la justice française, a gardé à Mulindi les missiles qui ont été utilisés par le FPR lors de l’attentat et qui a témoigné trois fois en 2017 devant le juge Herbaut dans l’enquête sur l’attentat, est victime depuis deux ans de menaces de mort récurrentes dont la justice française a été plusieurs fois informée.

Question n° 6 : Comment expliquer que, dès l’annonce de la destruction de l’avion du Président Habyarimana, le 6 Avril, alors que les deux camps étaient en négociation de paix, le FPR ait immédiatement lancé une offensive générale qui demande une logistique très importante et ne peut en aucun cas être improvisée ?

La concomitance entre l’attentat et le déclenchement d’une offensive générale par le FPR démontre, à tout le moins, que le FPR était au courant de l’attentat. (cfr le témoignage du Colonel Luc Marchal au Sénat le 1er Avril 2014)

Question n° 7 : Comment expliquer que dans les rangs du FPR, jusqu’au milieu des années 2000 et jusqu’aux mandats d’arrêt émis par le juge Bruguière en Décembre 2006, les auteurs de l’attentat, membres du FPR, étaient célébrés comme des héros ?

Question n° 8 : Pourquoi Jack Nziza et James Kabarebe, qui clament leur innocence, ont-ils refusé d’être confrontés au Palais de justice de Paris les 14 et 15 Décembre 2017 au témoin James Munyandinda qui affirme avoir gardé à Mulundi les missiles ayant servi à l’attentat ?

Question n° 9 : Pourquoi les avocats de Paul KAGAME, Me Forster[9] et Maingain[10], n’ont jamais déposé la plainte pour « escroquerie au jugement en bande organisée » qu’ils annonçaient, avec forts roulements de tambour, dès le mois de Janvier 2012[11] ?

Question n° 10 : Que s’est-il passé dans les relations entre la France et le Rwanda pour expliquer un tel revirement dans l’attitude de Paul Kagame ? Voir l’article de Pierre Péan du « Un » n° 140 : « Récit d’une manipulation »[12] dont les révélations ont été passées sous silence par la quasi-totalité de la presse francophone.  

Question n° 11 : Comment peut-on expliquer que les juges Trévidic et Poux aient pu aller enquêter « librement »au Rwanda sur un crimes de terrorisme supposé être commis par les proches du Président Kagame alors que les deux Procureurs du TPIR Mesdames  L. Harbour  et Carla del Ponte, pourtant dotées de pouvoirs supra – nationaux, ont toutes deux déclaré publiquement n’avoir jamais pu enquêter au Rwanda sur les crimes du FPR, Madame Del Ponte rajoutant qu’elle avait été obligée de retirer ses enquêteurs craignant pour leur vie et pour la sienne ?

Question n° 12 : Comment les médias francophones et les suppôts de Kigali peuvent-ils émettre la thèse de la culpabilité des extrémistes du coté de Habyarimana alors que 4 enquêtes totalement indépendantes désignent toutes Paul Kagame :

  • L’enquête Hourigan au TPIR, escamotée en 1997 à la demande du Procureur Louise Harbour,
  • L’enquête « spéciale » du TPIR datée du 1er Octobre 2003 tenue secrète, révélée par Judi Rever et Marianne[13],
  • L’enquête française du juge Bruguière débutée en 1998,
  • L’enquête espagnole du juge Merelles ayant abouti aux mandats d’arrêts en 2008

Question n° 13 : Si comme l’immense majorité de la presse francophone l’a affirmé début 2019, la note de la DGSE du 22 Septembre 1994 désignant les FAR comme les auteurs de l’attentat avait une quelconque valeur probante, pourquoi les juges d’instruction, qui en disposaient depuis 2015, (cf sa déclassification), et qui pourtant avaient besoin d’arguments pour « blanchir » le FPR, l’ont-ils écartée ? 

Question n° 14 : Si les auteurs de l’attentat étaient parmi ceux jugés à Arusha, pourquoi demandent-ils depuis toujours une enquête internationale sur l’attentat ?[14] Depuis quand voit-on des coupables demander avec insistance que des investigations soient menées sur un acte qu’ils auraient eux-mêmes commis ?

Question n° 15 : Pourquoi les extrémistes du coté de Habyarimana auraient-ils choisi un attentat sophistiqué au missile sol-air, alors qu’ils pouvaient l’éliminer physiquement, à terre, lors de ses journées de travail ou à son domicile ? Pourquoi éliminer en même temps un autre Président Hutu, celui du Burundi ?

Question n° 16 : Est-il crédible que les extrémistes du coté de Habyarimana aient pu tirer un missile qu’ils n’ont jamais acheté et dont ils n’ont jamais appris le fonctionnement ?

Question n° 17 : Pourquoi les extrémistes du coté de Habyarimana auraient choisi de tirer depuis un camp militaire dont le commandement et les soldats étaient fidèles au Président ?

Question n° 18 : Pourquoi les extrémistes du coté de Habyarimana auraient-ils laissé certaines des plus hautes autorités militaires et politiques du pays monter dans un avion sachant que quelques heures après cet aéronef serait détruit par un missile ?

Question N° 19 : Pourquoi les juges d’instruction Trevidic – Poux se sont -il refusés à entendre le commandant du camp depuis lequel les missiles auraient été tirés ? (cfr Charles Onana dans son ouvrage « La France dans la terreur Rwandaise » page 310 ?

Question N° 20 : Pourquoi les avocats de Kigali, Me Forster & Maingain n’ont-ils pas fait appel de cette ordonnance de non – lieu en ce qui concerne la mise hors-cause des extrémistes du coté de Habyarimana ?

Question n° 21 : Les extrémistes du côté Habyarimana, seraient -il aussi incompétents pour procéder à un attentat visant à décapiter le pouvoir en place, sans avoir prévu le processus leur permettant de prendre immédiatement un pouvoir sans partage via un coup d’état ?

Question n° 22 : Comment expliquer que suite à l’assassinat du Premier Ministre libanais Rafic Harriri et celui du Premier Ministre pakistanais Benazir Bhutto, l’ONU ait mis en place dans les deux cas une commission d’enquête et que dans le cas de l’assassinat par un acte terroriste de deux Présidents, celui du Rwanda, J. Habyarimana et celui du Burundi Cyprien Ntaryamira, l’ONU ait refusé de mettre en place une commission d’enquête ?

Question n° 23 : Comment l’ONU a-t-elle pu justifier qu’elle n’ait pas de budget pour enquêter sur l’attentat terroriste du 6 Avril 1994 quand on voit les montants investis dans le fonctionnement du TPIR pendant près de 20 ans ?

Question n° 24 : Pourquoi le TPIR a-t-il refusé de transmettre à la justice française deux rapports d’enquête, celui de M. Hourigan et celui des enquêtes spéciales daté du 1er octobre 2003, deux rapports qui démontraient la culpabilité de Paul Kagame et du FPR dans l’attentat du 6 Avril 1994 ?

Question n° 25 : Pourquoi l’ONU n’a-telle pas transmis dès l’été 2016 à la justice française, comme cela avait été demandé par le rédacteur, le rapport sur la découverte par la Monusco en RDC d’un missile provenant du même lot que ceux qui ont été utilisés dans l’attentat contre l’avion du Président Habyarimana ?[15]

Contribution externe: Article d’opinion soumis pour publication par Alain Bernard


  1. http://www.france-rwanda.info/article-rwanda-20-ans-apre-s-qui-a-declenche-le-genocide-le-te-moignage-cle-de-michael-hourigan-122533100.html
  2. https://www.lemonde.fr/a-la-une/article/2006/11/21/rwanda-le-juge-bruguiere-met-en-cause-le-president-kagame_836796_3208.html
  3. https://www.marianne.net/monde/exclusif-rwanda-le-document-top-secret-qui-accuse-le-regime-de-kagame
  4. https://www.lemonde.fr/afrique/article/2008/02/07/un-juge-espagnol-emet-40-mandats-d-arret-contre-les-chefs-de-l-armee-rwandaise_1008523_3212.html
  5. https://www.rtbf.be/info/monde/detail_attentat-declencheur-du-genocide-au-rwanda-a-paris-decision-le-3-juillet-sur-le-non-lieu?id=10408646
  6. Leandre Ndayire, qui voulait témoigner devant les magistrats français en charge de          l’enquête, a disparu en Novembre 2017 après être allé à l’ambassade de France à                   Kampala. Leandre Ndayire, était un témoin visuel de l’attentat : les missiles qui ont            servi à l’attentat, selon les révélations de Judi Rever dans son ouvrage « In Praise of blood« , auraient été stockés à Masaka dans la maison de sa sœur Belancile et Leandre était présent avec l’équipe lorsque les missiles ont été tirés (sources : « In Praise of                   blood, the crimes of the rwandan patriotic front », pages 188 à 192).  
  7. http://bernardlugan.blogspot.com/2016/12/emile-gafirita-abandonne-des-assassins.html
  8. Chrysostome Ntirugiribambe qui logeait Emile Gafirita à Nairobi a été enlevé le 23 juin 2015 à Nairobi (Kenya)
  9. http://afrikarabia.com/wordpress/francerwanda-vers-une-nouvelle-rupture-des-relations-diplomatiques/
  10. https://www.humanite.fr/monde/me-bernard-maingain-%C2%AB-un-dossier-longtemps-pollue-par-les-manipulations%C2%A0%C2%BB-487598
  11. https://www.jeuneafrique.com/177761/politique/rwanda-affaire-habyarimana-le-camp-kagam-menace-de-contre-attaquer-devant-la-justice-fran-aise/
  12. https://le1hebdo.fr/journal/numero/140/rcit-d-une-manipulation-2051.html
  13. https://www.marianne.net/monde/exclusif-rwanda-le-document-top-secret-qui-accuse-le-regime-de-kagame
  14. https://www.justiceinfo.net/fr/hirondelle-news/7163-18052000-tpirkabiligi-gratien-kabiligi-reclame-une-enquete-sur-la-mort-du-president-habyarima3953.html
  15. https://www.theglobeandmail.com/world/article-new-information-supports-claims-kagame-forces-were-involved-in/

Viols à « Bannyahe » : bavures militaires ou stratégie d’extorsion ?

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Ce samedi 4 avril 2020, l’armée rwandaise a annoncé l’arrestation de 5 militaires accusés d’avoir commis des viols, des actes de torture, des pillages de biens, ainsi que d’autres sévices contre la population de Bannyahe commis en plein confinement dû au Covid-19 et à la veille du début de la période commémorative du génocide contre les Tutsi. Si l’armée rwandaise avance la thèse de soldats « indisciplinés », le son de cloche des habitants est tout autre, ces derniers évoquant une stratégie de terreur venant du sommet et visant à briser leur résistance face aux tentatives de la ville de Kigali de les expulser de leur habitat.

Le scandale qui s’est déroulé en pleine capitale rwandaise, dans les villages Kangondo I et II ou communément connu comme le quartier de « Bannyahe » a éclaté le 2 avril 2020 lorsque quatre des 19 femmes violées ont brisé le silence afin de dénoncer les sévices qui leur ont été infligés par les militaires rwandais en complicité avec les autorités administratives locales. Ces actes ont été commis pendant les deux dernières semaines de mars et au cours des premiers jours d’avril 2020.

L’une des victimes, qui a accordé une interview à la chaîne de télévision Ishema TV diffusée sur YouTube le 2 avril 2020, témoigne en pleurs : 

« Il était environ une heure du matin quand j’ai entendu quelqu’un qui toquait à la porte de ma maison en demandant de lui ouvrir. Quand j’ai tiré le rideau, j’ai vite vu que c’étaient des militaires armés et j’ai ouvert. Immédiatement ils ont pris mon mari, ils l’ont emmené derrière la maison et ont commencé à le frapper. J’ai commencé à protester et l’un d’eux est revenu vers moi pour me pousser violemment à l’intérieur de la maison. Là il m’a d’abord dit de ne pas crier, puis de le laisser avoir des rapports sexuels avec moi si je voulais qu’ils lâchent mon mari. J’ai répliqué qu’en tant que femme mariée je ne pouvais pas remplir cette condition. Soudain, il m’a brutalement entraînée par terre. Ensuite, il a vite tiré un préservatif de sa poche, m’a violemment écarté les jambes et m’a violée. Pendant qu’il faisait tout ça je ne faisais que sangloter. Il a fini par me gifler. Il était en uniforme militaire rwandais mais avait enlevé le badge de son nom pour que je ne puisse pas l’identifier. »[1]

Selon les voisins, les militaires qui ont commis ces actes avaient l’habitude de faire la patrouille dans ce quartier où les habitations des plus pauvres ont récemment été détruites sans aucune compensation préalable et sans se soucier que le Covid-19 se propage dans le pays. Le viol des femmes et le pillage seraient-ils des stratégies visant à vider « Bannyahe » de ces habitants après la résistance qu’ils ont opposée aux différentes manœuvres visant à les chasser ?  

Une autre femme violée témoigne :

« J’ai vu plusieurs militaires rassemblés autour d’un groupe d’hommes qu’ils avaient forcé à s’asseoir. Quand j’ai tenté de quitter la maison de mon collègue pour rentrer, l’un de ces militaires est venu vers moi et m’a violemment repoussée à l’intérieur de la maison. J’ai essayé de m’enfuir mais il m’a vite rattrapée par derrière. Il m’a ensuite forcée à regagner l’intérieur de la maison et m’a brutalement imposée des rapports sexuels. En tout cas, je ne pouvais pas me défendre autrement parce qu’il était armé. Je suis sortie couverte de honte et j’ai vite couru vers chez moi. »[2]   

Violemment poussée contre le mur, une des victimes du viol montre les blessures.

Dans un premier temps, la police a tenté de nier l’affaire. « Les gens qui osent dire de telles choses (que les militaires ont violé des femmes et ont pillé les biens de la population), il faut les traquer à l’aide de leurs numéros de téléphone mobiles, ce sont des ennemis du pays. »[3] Explique Marie-Goretti Umutesi, la porte-parole de la police au niveau de Kigali au journaliste d’Ishema TV à propos des dénonciations des quatre femmes violées par les militaires.

Mais très rapidement l’information a commencé à inonder les réseaux, rendant de plus en plus difficile son contrôle par le pouvoir en place. C’est dans ce contexte que le lieutenant-colonel Vincent Munyengango, porte-parole de l’armée rwandaise, qui avait d’abord refusé de commenter ces actes de viol et de pillage, a finalement sommairement annoncé que cinq militaires seraient poursuivis pour ces actes criminels[4].

L’armée évoque la thèse de « quelques militaires indisciplinés », une version à laquelle ne croient pas les habitants, l’un d’eux témoignant au micro d’Ishema TV :

« Cette insécurité causée par les militaires de l’armée rwandaise qui viennent attaquer les habitants ici et dont vous avez été témoins, je la mets en lien avec la politique de destruction des habitations et le récent vol de drapeau.

Ceci est uniquement fait dans le but d’effrayer les citoyens afin que quand ils reviendront, ils puissent faire ce qu’ils veulent sans que quiconque n’ose s’y opposer.

Cela fait deux semaines que ces actes se déroulent au Rwanda dans un petit quartier du secteur de Remera (Kigali). Est-ce que ce village est en dehors du pays de telle sorte que ce qui s’y déroule passe inaperçu ?

Le pays est bien organisé administrativement, il y a des institutions qui collaborent au quotidien. Comment expliquer que de tels actes puissent se dérouler deux semaines durant sans que les instances dirigeantes ne soient mises au courant ? 

Dans ce quartier nous avons des responsables de secteur, des responsables de quartier, des patrouilleurs volontaires, des personnes en charge de la sécurité, il y a même des personnes en charge de récolter des informations pour le compte des services de renseignement militaire. Comment expliquer qu’avec toutes ces instances, de tels actes aient pu se dérouler durant deux semaines, jour après jour, jour après jour, sans que cela ne soit connu ?  

La seule réponse est qu’ils sont certainement protégés plus haut, avec la mission de semer la terreur et que nous atteignions le niveau de peur qu’ils souhaitent. Afin que quand ils reviendront pour détruire nos maisons, personne ne puisse broncher. »

Ce n’est pas la première fois que l’armée du général Paul Kagame est accusée d’être impliquée dans des actes de viol de femmes et de pillage de biens de la population. En plus de massacres contre les civils hutu dans les anciennes préfectures de Byumba et Ruhengeri dans les années 90 lors de leur progression vers la capitale de Kigali, ces militaires se sont aussi distingués par le vol d’innombrables vaches de la population. Rappelons aussi que selon le rapport UN Mapping Report qui a compilé les violations les plus graves des droits de l’Homme sur le territoire de la République démocratique du Congo, l’armée du général Paul Kagame aurait été responsable non seulement de crimes qui pourraient être qualifiés de génocide contre les Hutu, mais aussi de cas de violences sexuelles de masse, notamment le viol de femmes et d’enfants réfugiés hutu en 1996 et 1997[5].

Plus de 20 ans après la commission de ces crimes, les victimes n’ont toujours pas obtenu justice.

Les victimes des horreurs commises dans le quartier « Bannyahe » pourront elles, elles, voir justice rendue ?

Gahima Jules


  1. Cyuma Hassan Dieudonné, Kigali abantu bitwaje intwaro basambanije abagore 4 ku ngufu basahura n’ibikoresho by’abaturage, Ishema TV, 2 avril 2020, voir sur : https://youtu.be/HVz3cuZGNTg  
  2. Cyuma Hassan Dieudonné, Kigali abantu bitwaje intwaro basambanije abagore 4 ku ngufu basahura n’ibikoresho by’abaturage, Ishema TV, 2 avril 2020, voir sur : https://youtu.be/HVz3cuZGNTg
  3. Cyuma Hassan Dieudonné, Kigali abantu bitwaje intwaro basambanije abagore 4 ku ngufu basahura n’ibikoresho by’abaturage, Ishema TV, 2 avril 2020, voir sur : https://youtu.be/HVz3cuZGNTg
  4. Umucunguzi Rabbi Malo, « Abasirikare batanu ba RDF bakurikiranyweho guhohotera abaturage, urubanza ruzabera mu ruhame. », Igihe, 4 avril 2020, voir sur : https://igihe.com/amakuru/u-rwanda/article/abasirikare-batanu-ba-rdf-bakurikiranweho-guhohotera-abaturage-urubanza
  5. Le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les Droits de l’Homme, « Rapport du Projet Mapping concernant les violations les plus graves des droits de l’homme et du droit international humanitaire commises entre mars 1993 et juin 2003 sur le territoire de la République démocratique du Congo », août 2010, voir sur : https://www.ohchr.org/documents/countries/cd/drc_mapping_report_final_fr.pdf

Rwanda : « Avons-nous vraiment emprunté la voie du Never Again ? »

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Le 6 avril 1994 aux alentours de 20h30, alors qu’il était en phase de descente sur Kigali, l’avion qui transportait les présidents rwandais Habyarimana et burundais Ntaryamira est abattu au-dessus de Kigali. Dès le lendemain, alors que le FPR lance une offensive générale sur le Rwanda, le génocide des Tutsi débute dans les zones contrôlées par les forces gouvernementales de l’époque. 

Le 7 avril 1994, Mireille Kagabo, alors âgée de douze ans, voit sa vie basculer. Son père, Innocent Kagabo, sera tué par des gendarmes du régime Habyarimana dès l’après-midi du 7 avril, à proximité de leur résidence familiale. Il sera parmi les toutes premières victimes du génocide.  D’une vie d’insouciance, Mireille passe en l’espace d’un instant à celle d’une orpheline traquée durant trois mois pour son appartenance ethnique et frôle la mort à plusieurs reprises. 26 ans plus tard, à l’occasion de la « Journée internationale de réflexion sur le génocide des Tutsi au Rwanda en 1994 », Mireille se souvient de son parcours de l’horreur et s’interroge sur la question de savoir si la société rwandaise a vraiment emprunté la voie du « Never again » (« Plus jamais »)

Mireille Kagabo à l’âge de six ans, au début de sa scolarité primaire

Mireille est née le 29 juillet 1981 à Kigali, dans une famille de cinq enfants. Son père, Innocent Kagabo, travaillait au ministère de la Justice mais c’est surtout pour ses talents footballistiques qu’il était connu, il était l’une des stars du club de foot de Kiyovu ainsi que de l’équipe nationale rwandaise de football. Sa mère, Eugénie Utamuliza, était commerçante indépendante à Kigali.  

Mireille décrit une enfance heureuse loin des problèmes ethniques qui avaient tant déchiré le Rwanda dans le passé, et qui s’apprêtaient de nouveau à le déchirer quelques années plus tard : « Jusqu’à l’âge de six ans, je ne connaissais pas mon appartenance ethnique. C’est en primaire à l’école que j’ai pour la première fois entendu parler des ethnies, lorsque le professeur a demandé aux élèves de se lever en fonction de leur ethnie. En rentrant, j’ai demandé à mon père à quelle ethnie j’appartenais. C’est à ce moment-là que j’ai appris que j’étais tutsi ».  

A partir de ce jour, à chaque fois que les élèves seront invités à se lever en fonction de leur appartenance ethnique, Mireille sera la seule à se lever à l’appel des élèves d’ethnie tutsi. « C’est comme ça que j’ai appris que j’étais la seule élève tutsi de ma classe. En quatrième on était deux, mais cela n’avait aucune conséquence sur mes relations avec les autres élèves. »

« Je pense qu’en tant que Tutsi qui était critique envers le pouvoir, il était condamné d’avance. »

En octobre 1990, lorsque le FPR, un groupe politico-militaire composé essentiellement de réfugiés tutsi attaque le Rwanda, Mireille est âgée de 9 ans et les premières persécutions touchent rapidement sa famille : « Mon grand-père maternel a été emprisonné en tant qu’icyitso [nom donné aux personnes accusées d’être de connivence avec le FPR, qui pourrait se traduire par « complice »] .» La famille de Mireille accueille difficilement cette nouvelle qu’elle vit comme une injustice : « Il a été emprisonné parce qu’il était accusé d’être de connivence avec le FPR, alors qu’il n’avait aucun lien avec le mouvement. Je pense qu’en tant que Tutsi qui était critique envers le pouvoir, il était condamné d’avance. » 

A partir de cette date, la vie de la famille de Mireille bascule : « Mon père a été contraint de se cacher à plusieurs reprises. Il ne pouvait plus sortir comme avant, et notre maison était régulièrement fouillée. La situation était pire pour l’un de mes demi-frères qui vivait au Burundi et était de passage à la maison à cette période. Lui était confiné à la maison et devait rester en permanence caché. » 

En octobre 1993, après l’assassinat de Melchior Ndadaye, le président du Burundi voisin d’ethnie Hutu, la famille de Mireille se sent même contrainte de se quitter son domicile : « Après son assassinat, nous avons pris peur et sommes partis nous réfugier dans le couvent des Petites Sœurs de Jésus à Kicukiro. Le même scénario s’est répété en février 1994 après l’assassinat de Martin Bucyana [président du parti d’opposition CDR, d’ethnie hutu]. Personne ne nous disait de fuir. Il est difficile de savoir après coup si notre peur était fondée, mais par la suite on entendait toujours que telle ou telle famille tutsi avait été tuée par des personnes qui se vengeaient de ces assassinats. » 

« Mon grand frère, qui allait sur ses 15 ans, s’est retourné et a tout vu »

 Innocent Kagabo, le père de Mireille, tué le 7 avril 1994, il sera parmi les toutes premières victimes du génocide des tutsis du Rwanda

Le 6 avril 1994, Mireille se trouvait au domicile familial en compagnie de son père, de ses quatre frères et sœurs et d’une cousine qui avait été adoptée par la famille, alors que leur mère se trouvait au Kenya. « C’est seulement dans la matinée du 7 avril que j’ai appris que l’avion du président Habyarimana avait été abattu », se souvient Mireille. « Ma cousine était contente de la mort de Habyarimana mais mon père lui disait de ne pas se réjouir, en lui disant que cela n’allait pas s’arrêter là. Il avait peur, il était effrayé, il aimait jouer de la musique et a passé sa journée à jouer de la musique et à chanter des chansons religieuses sur son instrument. » 

La peur du père de famille s’avère rapidement fondée lorsque dans l’après-midi du 7 avril, des gendarmes débarquent à son domicile et prient le père, les enfants ainsi que trois domestiques de sortir de la maison. « Une fois à l’extérieur, ils nous ont demandé nos cartes d’identité. Mon père et les domestiques ont donné les leurs, mais nous, enfants, n’en avions pas. » 

S’ensuit un échange terrifiant avec les militaires. La dernière phrase dont Mireille se rappelle est cette remontrance adressée par l’un des militaires à son père : « Tu oses me donner une pièce d’identité sur laquelle il est marqué « tutsi » » 

Les enfants ainsi qu’un des domestiques sont priés de rentrer à l’intérieur de la maison. «Je ne connaissais pas l’ethnie des domestiques, mais vu l’échange à propos des cartes d’identité et des ethnies, je suppose que celui qui a été relâché l’a été parce qu’il était hutu. »  

A peine les enfants avaient-ils fait quelques pas vers la maison que des coups de feu ont retenti. « Mon grand frère, qui allait sur ses 15 ans, s’est retourné et a tout vu ». A l’intérieur, les enfants comprennent rapidement ce qui vient de se passer : « Nous étions tétanisés, nous ne nous sommes même pas demandé quoi faire, nous étions simplement immobiles et silencieux jusqu’à ce que de nouveaux coups de feu brisent le silence. Le domestique est venu vers nous en courant et en criant « Ils reviennent, fuyez, fuyez ! ». » 

C’est dans ces conditions que les 5 enfants, à l’époque âgés de 14, 12, 9, 4 et 3 ans ont quitté leur domicile par l’extérieur de la parcelle pour aller se réfugier au couvent des Petites Sœurs de Jésus où ils s’étaient précédemment réfugiés avec leurs parents. « Nous sommes arrivés le 7 avril en pleurant, en disant que notre père venait d’être été tué. On nous a donné une chambre où on est restés à 5 avec mes frères et sœurs, puis à 6 avec ma cousine qui, après être partie un moment chez ma grand-mère, nous a rejoints. » 

Dès leur arrivée, Mireille et ses frères et sœurs assistent à une arrivée massive de personnes venant chercher refuge au couvent. « Cela n’arrêtait pas, chaque jour beaucoup de personnes débarquaient et nous avons rapidement été plusieurs centaines. » Le 10 avril, des militaires des Forces armées rwandaises (FAR, l’armée gouvernementale de l’époque) sont arrivés, et ont invité tous ceux qui étaient réfugiés au couvent à rentrer chez eux. « Personne n’a obtempéré et le lendemain, d’autres militaires, cette fois-ci accompagnés de civils qui avaient des machettes, ont débarqué, nous ont demandé de sortir et nous ont conduits au milieu de la grande route. » Sur la route, le groupe de plusieurs centaines de personnes a été aligné et les enfants ont été mis de côté, pendant que chez les adultes, les Tutsi étaient séparés des adultes hutu sur base des cartes d’identité. « Dès qu’ils voyaient un Hutu, ils lui demandaient ce qu’il faisait là et lui demandaient de partir », raconte Mireille.  

Les enfants ont été invités à retourner au couvent pendant que les adultes devaient rester à l’extérieur. « 33 enfants ont pu regagner le couvent, nous n’avons plus jamais revu les adultes. Par la suite, nous avons appris qu’ils avaient tous été tués et jetés dans une fosse commune à proximité. » 

Certains enfants, en raison de leur taille, ont connu le même sort que les adultes. « Je me souviens notamment de Francine et Mutama, deux enfants de mon quartier qui avaient à peu près mon âge. Francine a voulu nous rejoindre en disant qu’elle avait le même âge que moi même si elle était plus grande. Ils ont refusé, se bornant à lui dire que c’était sa taille qui allait la faire tuer. » 

« L’enfant dont ils voulaient exploser la tête devant nous, c’est Mireille »

Durant les jours qui suivent, les enfants vivent dans un climat de terreur. « Des militaires continuaient à venir régulièrement, et à chaque fois c’était le même rituel, les sœurs les suppliaient de ne pas nous toucher, ils nous regardaient, menaçants, nous lançaient parfois du gaz lacrymogène ou disaient aux sœurs : « Rwigemaaussi est parti à cet âge, livrez-les nous qu’on s’en débarrasse ». »

Le souvenir le plus marquant que Mireille garde de cette période date du 6 mai 1994, un mois jour pour jour après l’assassinat de Juvénal Habyarimana. Ce jour-là les militaires reviennent, plus agressifs que d’habitude, rassemblent les enfants dans la cour et l’un d’eux pointe son arme sur la tempe de Mireille. Dans la cérémonie de commémoration du génocide organisée au couvent des Petites Sœurs de Jésus le 7 avril 2019, Sœur Démitrie, l’une des sœurs présentes ce jour-là, raconte ainsi cet épisode :⁷ « C’était le 6 mai 1994, ils étaient venus venger Habyarimana. L’enfant dont ils voulaient exploser la tête devant nous, c’est Mireille. Ils le faisaient pour nous montrer qu’ils ne blaguaient pas, mais finalement, ils sont partis, car tout ce qu’ils voulaient c’était de la nourriture. Quand on leur a donné de l’argent, ils sont partis ». 

Face à la mort, Mireille pense à un extrait de la bible que sa mère lui lisait et qui fait écho à la prière d’un homme qui supplie Dieu de lui donner quinze autres années à vivre. « Ma prière a été exaucée, et quinze ans plus tard exactement, à l’âge de 27 ans et demi, j’ai eu mon premier enfant. Je vois cela comme un signe divin, de renouvellement de mon vœu pour quinze autres années. »   

L’épisode du 6 mai 1994 a montré aux sœurs qu’il ne leur serait plus possible de protéger les enfants pendant longtemps, et elles ont appelé un officier des FAR (Forces armées rwandaises) à la rescousse. «Plusieurs militaires sont arrivés avec des véhicules blindés. Je me souviens de l’un d’entre eux qui s’appelait Rukundo, je me souviens de lui car il était très gentil avec nous. Il nous a pris dans ses bras, nous a réconfortés. »  Les 33 enfants ont ensuite été conduits chez un autre officier des FAR : « Mon principal souvenir de chez lui, c’est le repas qu’ils nous ont offert. Depuis plusieurs semaines, on mangeait tous les jours du porridge salé et quand nous sommes arrivés, ils ont cuisiné pour nous, il y avait même de la viande, un mets dont je ne me souvenais presque plus du goût. » 

Après le repas, l’officier a réuni les enfants en leur disant qu’il était heureux d’avoir l’occasion de sauver des enfants aussi jeunes, avant de les briefer : « On va vous escorter jusqu’à Kabgayi, vous entendrez surement beaucoup de tirs sur la route, parfois ce seront nos propres troupes qui vont nous tirer dessus, parfois ce seront des balles du FPR, et vous devrez garder votre calme. Ce dont je peux vous assurer, c’est que personne ne va vous arrêter aux barrières. ».   

C’est dans ce convoi militaire que les 33 enfants sont arrivés à Kabgayi, où un camp de déplacés internes était installé. « Il y’avait déjà beaucoup de gens lorsque nous sommes arrivés là-bas, nous avons été séparés des sœurs et y sommes restés jusqu’à l’arrivée des troupes du FPR au mois de juin 1994.» 

Après l’arrivée des troupes du FPR, les enfants, dont le groupe avait entre-temps grandi pour atteindre la centaine, ont pris la route vers le Bugesera. « Sur la route nous nous sommes arrêtés chez un certain Nkamicaniye, où on a passé quelques jours.  Il y avait quelques adultes avec nous, mais qui s’occupaient surtout de nos vivres. Rien de plus. Notre groupe ressemblait à un orphelinat ambulant. »

Arrivés dans le Bugesera, le groupe d’enfants est resté dans un orphelinat situé à Nyamata jusqu’au début du mois de juillet 1994, lorsque la guerre et le génocide ont pris fin suite à la victoire militaire du FPR.

Innocent Kagabo et Eugenie Utamuliza, les parents de Mireille Kagabo.

Mireille et ses frères et sœurs y sont eux restés jusqu’au début du mois d’août 1994, date à laquelle Eugénie, la mère de Mireille, qui pendant tout un temps était rongée par le chagrin croyant avoir perdu ses enfants en plus de son mari, est venue les récupérer. Elle avait fini par avoir de leurs nouvelles. « Elle a recueilli tous les 33 enfants avec lesquels nous avions survécu depuis le couvent et nous a ramenés à Kigali. Dans un premier temps nous sommes tous restés avec ma mère, avant que les autres enfants soient par la suite pris en charge par les sœurs. » 

« quand nous sommes rentrés, il ne nous restait plus personne »

C’est à leur retour à Kigali que la famille de Mireille apprend que les rares personnes de la famille qui vivaient au Rwanda en cette période avaient été tuées. « Le gros de ma famille vivait au Burundi ou au Kenya lorsque ça a éclaté, et quand nous sommes rentrés, il ne nous restait plus personne. Mon grand-père paternel, ma grand-mère maternelle, mon oncle Alexis Kayinamura, surnommé « Fiston »… Tous ceux qui vivaient au Rwanda avaient été tués. » 

C’est dans cette atmosphère d’après-guerre, d’après-génocide et de deuil que la famille de Mireille recommence une nouvelle vie, sa mère lançant un restaurant. Bien que la situation au Rwanda semblait stable en apparence, des tueries continuaient à se commettre dans le pays et la famille de Mireille sera à nouveau rapidement touchée. « Le mari de ma cousine directe était hutu, tout ce qu’il a fait durant la période du génocide a été de protéger ma cousine et leurs enfants. A son retour il a été tué par le nouveau pouvoir en place. »

Le sort de sa cousine affectera beaucoup Mireille et sa mère : « Bien que ma mère et ma cousine étaient toutes les deux veuves, les traitements qui leur étaient réservés étaient totalement opposés. Ma cousine n’avait aucun soutien. Au contraire, elle subissait des moqueries pour avoir épousé un Hutu. C’était considéré comme une honte. »  

En tant que veuve du génocide, la mère de Mireille est rapidement sollicitée pour rejoindre l’association des veuves du génocide Avega agahozo. « Elle a voulu y intégrer ma cousine, on l’a refusée avec le motif que son mari était hutu, que c’était un interahamwe, qu’il ne pouvait donc pas être victime du génocide… Le ton est rapidement monté et ma mère n’a finalement jamais rejoint l’association. »  

« Le plus dur c’était chaque mois d’avril, on déterrait les os, on les lavait, cela ravivait nos traumatismes » 

Mireille garde un mauvais souvenir de ces années ayant suivi le génocide ; un mauvais souvenir causé d’une part par les souvenirs et les traumatismes : « Le plus dur c’était chaque mois d’avril, on déterrait les os, on les lavait, cela ravivait nos traumatismes » ; et d’autre part par diverses pressions subies, notamment pour faire accuser de génocide des personnes innocentes : « On nous a par exemple demandé d’accuser un homme qui aurait fait tuer notre père. Cet homme, c’était le père de Patrick et Nadine, qui n’était pas parmi les personnes venues chez nous. Je sais à quel point cela fait mal de perdre un père et je ne voulais pas priver injustement d’autres enfants du leur. » 

Mais ce qui a le plus marqué Mireille au cours de ces années post-génocide, c’est la mauvaise atmosphère qui régnait en particulier au niveau des relations entre les différents groupes ethniques. « Il y avait un munyangire [une sorte de politique d’exclusion basée sur le principe ‘mon ennemi doit être ton ennemi’]. Quand des gens rentraient du Congo, de Tingi Tingi, tout le monde en parlait, tout le monde les pointait du doigt, les accusait d’être des interahamweOn entendait beaucoup de propos déplacés et stigmatisants sur eux. »   

L’année 1998 marque un tournant pour Mireille et sa famille : « Les rescapés du génocide originaires de la préfecture de Kibuye comme ma mère ont commencé à être dans le collimateur des autorités suite à l’assassinat de Victor Bayingana, un homme d’affaires de Kibuye, par le nouveau pouvoir en place. Sa femme, Antoinette Kagaju, a été injustement accusée du meurtre de son mari puis emprisonnée. Comme ma mère était amie avec Antoinette, elle allait à son procès et allait régulièrement lui rendre visite en prison. »

L’année suivante, les tensions entre le nouveau pouvoir en place et les rescapés du génocide de Kibuye, symbolisées notamment par les manœuvres du pouvoir visant à affaiblir politiquement Joseph Sebarenzi, à l’époque président du Parlement et originaire de Kibuye, se sont accentuées, conduisant la famille de Mireille à nouveau sur le chemin de l’exil : « A peine étions-nous arrivés en Ouganda que nous avons appris coup sur coup l’assassinat d’Antoinette Kagaju et celui d’Asiel Kabera, le cousin direct de ma maman. »

En Ouganda, la famille côtoie rapidement d’autres réfugiés, parmi lesquels plusieurs anciens militaires du FPR qui prévoyaient d’écrire un livre sur les années de guerre en évoquant notamment les exécutions de leurs propres troupes. Parmi ces militaires figurait un certain Abdul Ruzibiza. « Bien que j’étais encore relativement jeune, sortant à peine de l’adolescence, j’entendais différentes discussions sur la guerre de conquête menée par le FPR, sur l’attentat du 6 avril 1994 et beaucoup d’autres choses terribles sur le FPR que j’avais du mal à croire. Même si je connaissais déjà des personnes qui avaient été tuées, comme la famille de Corneille, qui étaient nos voisins, ou encore Silas, le mari de ma cousine, je n’avais jamais réalisé l’ampleur et me demandais pourquoi toutes ces victimes n’étaient pas commémorées. » 

Mais le 17 mars 2001, alors que la famille commence à se reconstruire en exil, le malheur frappe à nouveau à leur porte : « Mon petit frère, qui avait quatre ans pendant le génocide a été étudier à Kasese et était présent lorsque des rebelles ont attaqué ce lieu à partir du Congo. Ils l’ont enlevé. Jusqu’à aujourd’hui, nous ignorons son sort. » 

Suite à cet épisode, la famille est prise en charge par le HCR, qui parvient à les évacuer vers le Canada, à Toronto tout d’abord, à Edmonton ensuite. 

Au Canada, Mireille est surprise de constater les barrières existant entre les ethnies : « Il arrivait que les Hutu et les Tutsi se rencontrent dans des  événements communs, mais dans la vie de tous les jours les gens vivaient séparément, chacun savait qui était qui. Si une photo de moi à un événement organisé par des Hutu était publiée, on me posait des questions. C’était triste à voir. »

Sur sa nouvelle terre d’accueil, Mireille n’oublie pas son histoire et intègre rapidement l’association GMK, Genocide Memory Keepers afin de préserver avec d’autres la mémoire du génocide des Tutsi. « On organisait une commémoration chaque année, avec l’objectif de raconter nos histoires pour que l’histoire n’oublie jamais ce qui s’est passé entre avril et juillet 1994. »

« J’avais le sentiment qu’on ne faisait qu’accentuer ces divisions qui nous ont menées au génocide »

Mais très rapidement, Mireille déchante : « J’ai été dérangée par certains propos qui y étaient tenus. Ils diabolisaient et stigmatisaient les Hutu dans leur ensemble et je leur demandais, « sommes-nous vraiment en train d’emprunter la voie du Never Again en commémorant de cette manière ? » On m’a répondu que cela aidait à atténuer la douleur toujours vive que le génocide nous a causée et on m’a demandé qui j’étais pour parler pour les Hutu. Après cet épisode, j’ai quitté l’association car j’avais le sentiment qu’on ne faisait qu’accentuer ces divisions qui nous ont menées au génocide. » 

Ce 7 avril 2020, 26 ans jour pour jour après l’assassinat de son père, 26 ans jour pour jour après avoir vu sa vie basculer, Mireille demande aux Rwandais de se souvenir des victimes du génocide perpétré contre les Tutsi et de faire preuve de compassion à l’égard de toutes les victimes qui ont été emportées par la tragédie. « On se dispute souvent autour de la qualification des crimes qui ont été commis dans notre pays, alors que pour moi, le plus important avant tout n’est pas ce qui a emporté un être cher mais la douleur qui accompagne une telle perte. Comme l’a chanté Kizito, il n’y a aucune bonne mort, que ce soit une personne victime de génocide ou de crimes qui n’ont pas été qualifiés de génocide, la douleur provoquée par la perte d’un être cher est la même. » 

Et en guise de conclusion à notre entretien, elle questionne : « Si le 7 avril de chaque année j’ai le droit de raconter mon historie et être consolée par le monde entier, pourquoi mes cousins, qui ont aussi perdu leur père qui a été tué comme le mien l’a été, ne pourraient pas avoir le même droit ? »

Ruhumuza Mbonyumutwa
Jambonews

Attentat du 6 avril 1994 dans JamboNews : Ignorance, oubli ou omission calculée?

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Contribution externe par Philibert Muzima.

Le 7 avril 2020 commence la commémoration du 26ième anniversaire du génocide des Tutsi du Rwanda. Mais avant le 7 avril, il y eut une veille. Le 6 avril. Et c’est là où tout a commencé, avec le crash d’un avion dont les auteurs restent à identifier et leurs motifs à élucider. Les auteurs restent à identifier puisque les enquêtes menées vont dans tous les sens, laissant aux analystes le soin d’orienter les débats dans le sens de leurs convictions

La dernière analyse en date est une analyse publiée sur JamboNews qui, à la veille du début des commémorations, jette le pavé dans la marre. N’apportant aucune pièce au puzzle de cet imbroglio rwandais, les auteurs posent plutôt une litanie de questions ne répondant pas à l’énigme. Ils conduisent plutôt le lecteur dans un sens unique, l’abreuvant de questions dont la réponse est fournie d’avance. Et, sans surprise, ils le réfèrent aux écrits de Charles Onana cité à profusion. 

Vingt-cinq longues questions dirigeant subrepticement le lecteur à une seule réponse, omettant d’autres questions dont il est ici question de donner au même lecteur une autre perspective. 

Question principale : Et si la réponse à cette litanie de questions se trouvait dans la question N°13 que les auteurs formulent comme suit « Si comme l’immense majorité de la presse francophone l’a affirmé début 2019, la note de la DGSE du 22 Septembre 1994 désignant les FAR comme les auteurs de l’attentat avait une quelconque valeur probante, pourquoi les juges d’instruction, qui en disposaient depuis 2015, (cf sa déclassification), et qui pourtant avaient besoin d’arguments pour « blanchir » le FPR, l’ont-ils écartée? » ?

Poser une question, c’est y répondre.

Les juges français ont peut-être écarté des pistes qui auraient pu les conduire dans La Grande Muette ou aux Champs-Élysées. Allons-y voir! 

  1. Où sont les boîtes noires de cet avion? « Paul Barril déclare tenir « à la disposition des instances internationales » cette boîte noire supposée enfermer une « énigme » à même de livrer les clés du génocide. »[1] Espérons donc que Capitaine Paul Barril n’emportera pas les boîtes noires de notre avion dans sa tombe!
  2. Par quelle circonstance est-ce que ce dernier a pu se retrouver en premier sur le lieu du crash? Même si sa présence à Kigali est relatée dans le rapport de la commission d’enquête citoyenne, les auteurs prétendent que le Capitaine Barril se trouvait plutôt à New York[2]. Comme quoi un mercenaire de cet acabit n’était pas capable de brouiller les pistes.
  3. Quid de la mort, de François de Grossouvre, une balle dans la tête, dans son bureau aux Champs-Élysées, la nuit du 7 avril 1994? « C’est François de Grossouvre, le conseiller du président Mitterrand qui avait envoyé Barril au Rwanda. Or, Grossouvre s’est suicidé dans son bureau de l’Élysée le 7 avril. Soit le lendemain de l’attentat. Le jour où le génocide a commencé. »[3]

    François Graner se demande quant à lui les liens entre Grossouvre et le Rwanda, au-delà de la coïncidence des dates. « Grossouvre connaissait Habyarimana. Surtout, son exécutant, Paul Barril, était proche de Habyarimana et de sa famille … Barril cite lui-même le Rwanda dans sa liste des explications possibles de l’assassinat de Grossouvre. »[4]
  4. Question n° 16 : Est-il crédible que les extrémistes du coté de Habyarimana aient pu tirer un missile qu’ils n’ont jamais acheté et dont ils n’ont jamais appris le fonctionnement ? 

    Et la commande de missiles SAM 16 à la Russie par l’armée rwandaise et dont il est question dans le procès Bagosora? Aucune question là-dessus par les auteurs, ignorance de ce fait discuté près le TPIR ou juste une omission toute innocente? Les auteurs sont certainement loin d’ignorer catholiquement le document du 14 mars 1990 rapportant les échanges entre des responsables militaires rwandais et Georges Martres, ambassadeur de France à Kigali ou le Colonel Laurent Serubuga, chef d’état-major adjoint souligne qu’« Il urge d’acquérir dans un premier temps une batterie SAM 16 comprenant 12 lanceurs et 120 missiles [5]
  5. Que dire de la contradiction entre la toute première question soulevée par les auteurs et la vingt-deuxième et la vingt-troisième? Dans la première question, les auteurs se demandent « Pourquoi Paul Kagame s’est-il toujours violemment opposé à toute enquête de l’ONU » sur l’attentat du 6 avril. Mais à la 22ieme question, les mêmes auteurs affirment que c’est plutôt l’ONU qui a « refusé de mettre en place une commission d’enquête » et, à la 23ème, que l’ONU « a pu justifier qu’elle n’ait pas de budget pour enquêter sur l’attentat… »

Pour conclure, une question que les auteurs ne sauraient se poser, obnubilés par la seule thèse consistant à réécrire l’histoire du tutsicide : Et si l’attentat du 6 avril était plutôt l’œuvre d’une puissance étrangère et que le FPR n’en a été qu’un sous-traitant ou, par un retournement de situation, le plus grand bénéficiaire?

Gordon Kent n’écrit-il pas que l’avion fut abattu par cinq hommes parlant Français, vêtus d’uniformes de l’armée belge et de casques de combat de l’OTAN…[6]? Si la thèse d’une puissance étrangère était avérée, cela suffirait pour expliquer la raison de l’ombre qui entoure en permanence l’attentat du 6 avril 1994.

Contribution externe par Philibert Muzima.

Cet article est une réaction à l’article « Attentat contre l’avion du Président Habyarimana : 25 questions qui pointent vers la culpabilité de Paul Kagame » soumis pour publication par Gustave Mbonyumutwa et Alain Bernard[7] et publié dans nos colonnes le 6 avril 2020.


  1. https://www.lemonde.fr/idees/article/2009/04/08/le-pretendu-mystere-de-la-boite-noire-du-genocide-rwandais-par-patrick-de-saint-exupery_1178219_3232.html
  2. https://www.jambonews.net/actualites/20120615-rwanda-paul-barril-ne-se-trouvait-pas-a-kigali-lors-de-lattentat-contre-habyarimana/
  3. https://www.liberation.fr/planete/2012/06/08/rwanda-le-retour-du-mystere-barril_824907
  4. Graner, François; La mort de François de Grossouvre et le Rwanda; consulté en ligne sur http://cec.rwanda.free.fr/documents/Colloque-2011-11-12-Graner.pdf
  5. https://www.jeuneafrique.com/164106/politique/une-histoire-du-g-nocide-rwandais-5-quel-type-de-missile-a-abattu-l-avion-de-habyarimana/
  6. Kent, Gordon, Peacemaker, Berkley »Books, New York, 2002; pp1-7.
  7. Nom d’emprunt d’une personne ayant souhaité préserver son anonymat

Rwanda: limogeage d’Olivier Nduhungirehe, le tweet de trop?

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En près de 10 ans de présence sur Twitter et avec près de 51 000 tweets, il s’était fait une réputation au point d’être régulièrement surnommé « l’ambassadeur du Rwanda auprès de Twitter ».

Il était sur tous les fronts et gare à quiconque osait le contredire. Que ce soient les fans de Rayon sport, Human Rights Watch, Donald Trump, les diplomaties belges, sud-africaines ou ougandaises, jamais il ne rechignait à décocher un crochet virtuel à quiconque dont l’opinion le contrariait et aucune cible ne semblait hors d’atteinte.

Il n’avait aucune limite, pas même celles de la décence, comme lorsqu’il qualifiait la population congolaise de « peuple candide vivant toujours à l’ère primitive » ou lorsqu’il dansait sur les tombes de critiques de Kigali comme celles de Pierre Péan ou Camir Nkurunziza.             

Malgré sa fonction de numéro deux de la diplomatie rwandaise, jamais il ne se souciait des conséquences diplomatiques que pouvaient avoir ses tweets, comme lorsqu’il qualifiait la France de pays où la « chienlit » est érigée en mode d’expression politique, Donald Trump « d’idiot » à la veille de son élection, ou encore les Belges de « descendants de Leopold II et des assassins de Patrice Lumumba » après qu’un ministre belge de la Coopération se soit hasardé à appeler Kigali à une attitude constructive dans la Région des Grands Lacs.

Malgré qu’en 10 ans il avait blessé et offensé d’innombrables personnes et personnalités de haut rang, au point d’être à deux doigts de provoquer une crise diplomatique entre le Rwanda et l’Afrique du Sud, suite à un tweet jugé offensant sur la ministre sud-africaine en charge des relations internationales, il avait toujours bénéficié d’un soutien indéfectible du régime. Louise Mushikiwabo, sa supérieure hiérarchique à l’époque, étant allée jusqu’à le qualifier de « fine diplo » après qu’un média belge se soit surpris de la nomination d’une personnalité aussi controversée que lui au poste d’ambassadeur du Rwanda en Belgique. 

Paradoxalement, alors qu’il a régulièrement dépassé les limites de la décence dans ses écrits, c’est son tweet le plus digne qui lui aurait valu son limogeage. « Chaque rwandais commémore ses êtres chers. C’est l’objectif de Kwibuka. Personne n’a le droit de dicter à d’autres quand et comment commémorer »,  avait-il ainsi tweeté le 7 avril 2020, provoquant l’ire de certains Rwandais qui ont comparé son propos à celui de Victoire Ingabire à son retour au Rwanda et pour lequel l’opposante avait été injustement emprisonnée pendant 8 ans.

Dans un pays souvent dénoncé pour sa pratique d’un apartheid mémoriel et dans lequel encore hier une dame de 80 ans a été emprisonnée pour idéologie génocidaire pour avoir rappelé à sa voisine, qu’elle aussi avait perdu les siens en 1994, ces propos ne pouvaient être tolérés.

Malgré qu’il avait aussitôt fait amende honorable en supprimant son tweet, la sanction était lourde et immédiate. « Aujourd’hui, 9 avril 2020, le Président de la République a renvoyé l’ambassadeur Olivier Nduhungirehe pour avoir de manière consistante fondé son action sur ses opinions personnelles plutôt que sur les politiques du gouvernement.»

Loin du ton arrogant sur lequel il a forgé sa réputation, c’est en toute humilité qu’il accueilli son limogeage « je suis reconnaissant envers son excellence Paul kagame pour la confiance qu’il a placé en moi au cours des deux dernières années et demi, lorsque j’ai ai eu le privilège de servir comme Ministre d’Etat au sein du Ministère des affaires étrangères du Rwanda en charge de la communauté est-africaine. Je suis déterminé à continuer à servir mon pays et le gouvernement rwandais à d’autres titres. »

Lui qui aura tant réussi à faire parler de lui au cours des dernières années, parvient une énième fois à cristalliser les discussions sur les réseaux sociaux autour de son nom, cette fois-ci à son détriment, la plupart se réjouissant de son limogeage, d’autres lui témoignant leur sympathie; un baroud d’honneur avant de définitivement lever le rideau?

Ruhumuza Mbonyumutwa

Jambonews.net

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Olivier Nduhungirehe : l’homme à tout dire de Kigali

https://www.jambonews.net/actualites/20190807-olivier-nduhungirehe-lhomme-a-tout-dire-de-kigali/

RDC : Opération militaire d’envergure de l’armée rwandaise dans le Nord-Kivu

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Depuis la matinée de ce lundi de Pâques du 13 avril 2020, la Rwanda Defence Force (RDF, l’armée nationale rwandaise) mène une offensive militaire d’envergure dans le Nord-Kivu. L’armée rwandaise est soutenue dans ses actions par des éléments des Forces Armées de la République démocratique du Congo (FARDC). Les attaques ont déjà causé plusieurs pertes humaines, en grande partie des réfugiés rwandais situés à Kazaroho dans le groupement de Tongo (Nord-Kivu), mais aussi des populations déplacées congolaises.

D’après des réfugiés qui prennent contact avec Jambonews depuis la journée du 13 avril, les camps de fortune comprenant des réfugiés rwandais et des déplacés congolais situés dans le groupement du Tongo ont été attaqués au cours de la matinée du 13 avril.

Des soldats décrits comme étant « à n’en pas douter des Rwandais » avaient été localisés par des associations de la société civile du Rutshuru la veille à Kahunga, dans les environs de Kiwanja, ainsi qu’à Mabenga, et ensuite Kasali dans la matinée de 13 avril 2020. 

Honorine, membre de l’Association des femmes rwandaises réfugiées (AFERWAR) avec laquelle nous nous sommes entretenus, nous a confié l’horreur de la situation : « C’est horrible, tout est en feu. Ils ont commencé par lancer des bombes sur nous. Cela venait de partout, on ne savait où fuir. Nous savons qu’il y a déjà beaucoup de morts.» Pascal, un réfugié qui a réussi à fuir les attaques, nous a confié que « les soldats ont mis le feu à toutes les habitations, parfois même avec des personnes à l’intérieur ». A l’heure où nous écrivons ces lignes, il reste difficile de faire un bilan des pertes humaines.

Combats contre les FDLR ou attaque contre des civils ?

Kivu Security, un projet mené conjointement par le Groupe d’Etude sur le Congo (basé à New-york) et Human Rights Watch a fait état de « combats en cours entre l’armée congolaise et les rebelles hutus FDLR-FOCA ».

Un officier des Forces Démocratique de Libération du Rwanda (FDLR-FOCA)1, joint au téléphone par Jambonews, nous quant à lui confirmé la présence des FOCA (Force Combattantes Abacunguzi, la branche armée des FDLR) dans la région : « Oui, nous avons des éléments dans le Rutshuru. Nous avons eu plusieurs fois des accrochages avec les RDF ou leurs proxys tels que certains régiments de FARDC ou les NDC-Rénové dans le Rutshuru». Cependant, celui-ci condamne le procédé des Forces armés rwandaises : « ils savent précisément où nos éléments sont situés, tout comme nous connaissons précisément l’ensemble de leurs déplacements dans la région. Pourtant à de nombreuses reprises, ils ne s’attaquent pas à nous directement qui sommes prêts à nous défendre. Ils préfèrent bombarder les camps de réfugiés civils et vont ensuite clamer dans les médias qu’ils ont affronté les FDLR-FOCA. C’est un procédé lâche mais ça ne nous étonnes pas d’eux, ils font la même chose depuis 25 ans ». Avant de conclure en critiquant l’inaction des observateurs internationaux : « Le plus révoltant, c’est la complicité des médias et des institutions internationaux qui préfèrent reprendre les thèses des RDF sans prendre le temps de discerner alors que dans les faits, dans le silence et dans l’ombre, c’est les civils congolais et rwandais qui en subissent les conséquences ».

D’après Honorine, les réfugiés sont attaqué car « ils recherchent des FDLR», mais la jeune maman est sans équivoque : « ici il n’y a ni FDLR ni même aucun rebelle. Nous vivions d’agriculture et en paix depuis plusieurs années avec les populations locales ». Même son de cloche du côté de Pascal, qui nie la présence d’hommes en armes dans leur ancien camp : « Je vous assure que si nous avions des armes pour nous défendre, on se serait défendu, mais nous n’étions que des civils, les FDLR ne sont encore une fois qu’un prétexte pour s’en prendre aux réfugiés. »

Robert Mugabowindekwe, président de Jambo ASBL, a témoigné de son inquiétude à propos des opérations menées par l’armée rwandaise dans le Rutshuru. « Chaque année depuis 2017, nous collaborons par l’intermédiaire de la plateforme SOS Réfugiés avec l’association AFERWAR-Duterimbere pour approvisionner les enfants rwandais réfugiés à l’est du Congo en vivres, soins de santé et matériels de premières nécessités. Nous sommes très inquiets car nous avons appris qu’à l’heure actuelle une partie des femmes qui composaient cette association sont déjà décédées suite aux attaques qui ont débuté le lundi de Pâques dans le Rutshuru. »

L’armée rwandaise aux manettes

Plusieurs sources convergentes relatent la présence d’éléments rwandais sur le territoire congolais depuis plus d’un an. Fin 2019, l’armée rwandaise était même aux avant-gardes dans les opérations menées à Kalehe dans le Sud-Kivu. Empruntant des tenues des FARDC et accompagnée de quelques régiments congolais pour faire diversion, l’armée rwandaise semble avoir un blanc-seing pour mener des opérations militaires sur le territoire congolais comme elle le souhaite.

Pourtant les règles internationales et la constitution congolaise interdisent pareil état de cause sans accord préalable. La tentative d’accord qui devait permettre l’entrée officielle d’éléments rwandais et d’autres pays de la région a été tuée dans l’œuf par l’Ouganda qui craignait que les velléités belliqueuses de son voisin du sud ne s’exporte également à son frontière ouest avec la RDC.

Une nouvelle fois, pour cette opération du « Lundi de Pâques » dans le Rutshuru, il semble que les Forces de défense rwandaises sont aux manettes. Kivu Security a confirmé que « d’après plusieurs sources militaire, des soldats rwandais participeraient à l’opération ».

Sur les ondes de la radio Top Congo, le député national Juvenal Munubo a alerté sur la présence des militaires rwandais en territoire de Rutshuru au Nord-Kivu. L’élu de Walikale a suggéré par ailleurs la tenue d’un sommet extraordinaire de la CIRGL pour clarifier cette situation qui perdure clandestinement depuis plus d’un an.

La Lucha, le mouvement citoyen le plus influent au Congo, a également dénoncé le fait qu’une « nouvelle vague de militaires rwandais sont arrivés sur le territoire congolais ces derniers jours pour y mener des opérations ».

La société civile de Nyiragongo a signalé depuis plusieurs jours la présence de l’armée rwandaise dans le groupement de Munigi, plus précisément dans le village de Murambi, avant de qualifier cet acte de « provocation pure et simple ».

Au début du mois d’avril, il avait été rapporté à Jambonews la présence de soldats rwandais stationnés à Kiwanja et Kahunga dans le Rutshuru et d’autres dans le groupement de Bwiza. Deux des commandants des régiments étaient le colonel Rusimbi et le colonel Gasasira. Tous deux sont des éléments rwandais qui avaient à l’époque été infiltrés au sein des M23. Ces régiments sont en grande partie composés d’anciens FDLR rentrés au Rwanda et intégrés depuis au sein des Forces de réserves rwandaises.

Dans un tweet datant du septembre 2012, Olivier Nduhungirehe, à l’époque diplomate rwandais à l’ONU avait officialisé qu’il arrivait à l’armée rwandaise de porter des tenues des FARDC pour mener des opérations clandestines en RDC https://twitter.com/onduhungirehe/status/242037940199505920

Vers un nouveau carnage ?

Le momentum de ces attaques est plus qu’inquiétant. La République démocratique du Congo fait en effet face une pandémie sans précédent, comme plus de la moitié de l’humanité. Le gouvernement a décrété l’état d’urgence sur l’ensemble de son territoire. À l’heure où nous couchons ses lignes, la RDC comptabilise 241 cas confirmés de Covid-19 et 20 décès. Le Rwanda n’est pas en reste puisque proportionnellement à la population, c’est le pays d’Afrique de l’Est qui est officiellement le plus touché par cette pandémie et un confinement drastique y est décrété depuis le 21 mars 2020.  

Le président congolais Felix Tshisekedi a également ordonné la fermeture de toutes les frontières du pays depuis le 24 mars dernier. Néanmoins la société civile de Nyiragongo au Nord-Kivu a constaté des cas de violations des mesures d’isolement de la ville de Goma, et des violations ont été observées sur les différents postes frontières de la province du Nord-Kivu. Mambo Kawaya, président de la société civile du territoire de Nyirangongo qui a lancé l’alerte, a déploré que cela se fasse avec « la complicité de quelques services, notamment l’armée, la police et les services de l’Agence nationale de renseignement ainsi que des migrations de deux pays ».

« il est impératif de contraindre les Forces de défense rwandaises à retourner au Rwanda »

Global Campaign For Rwandans Human Rights a condamné « avec la plus grande fermeté les opérations militaires qui visent les réfugiés non armés. » Par la voix de son coordinateur, René Mugenzi, l’organisme des droits de l’Homme basé à Londres a rappelé la RDC a ses responsabilités en rappelant que son gouvernement  : « devrait protéger les réfugiés rwandais conformément à la convention sur les réfugiés de 1948 qu’elle a ratifiée ».

L’est de la RDC est depuis un quart de siècle le théâtre des pires attrocités des droits de l’Homme. Pourtant, le sort des réfugiés rwandais est peu connu et peu traité par la communauté internationale. René Mugenzi a souligné « qu’il est totalement et complètement inacceptable que depuis 1996 les réfugiés rwandais en RDC continuent à être chassés et massacrés ». Global Campaign For Rwandans Human Rights demande «  à la communauté internationale de faire tout ce qui est possible pour mettre fin au plus long crime contre l’humanité et au plus long génocide que notre planète ait connu ». Le Haut-Commissariat des Nations Unies et la Commission Nationale pour les Réfugiés a estimé à au moins 245.000 le nombre de réfugiés rwandais en RDC lors d’un recensement en 2015. Ces réfugiés sont depuis 25 ans les premières victimes de l’assimilation qui est faite par la communauté internationale avec les groupes politiques et militaires rwandais à l’Est de la RDC.

Même son de cloche du côté de Jambo ASBL qui a condamné « ces attaques aveugles menées sans discernement contre des camps de réfugiés de fortune. Les forces armées rwandaises agissent avec une lâcheté sans commune mesure. Elles profitent d’une période où l’ensemble de la communauté internationale est concentrée sur l’éradication de la pandémie du COVID-19 pour mener des opérations clandestines et criminelles sur le territoire congolais ». Robert Mugabowindekwe, le Président de Jambo ASBL a appelé : « la communauté internationale par l’intermédiaire de la MONUSCO et les autorités congolaises à tout faire pour éviter une nouvelle catastrophe humanitaire et sanitaire dans le Nord-Kivu. Pour cela, il est impératif de contraindre les Forces de défense rwandaises à retourner au Rwanda, une bonne fois pour toute. »

« nous atterrissons, nous frappons notre coup et nous revenons en effectuant la danse de la victoire »

Le gouvernement rwandais a toujours balayé les accusations pointant la présence de l’armée rwandaise sur le territoire congolais. Le secrétaire d’État aux Affaires étrangères fraichement limogé, Olivier Nduhungirehe avait même qualifié avec beaucoup d’ironie et de condescendance ces faits de « théories du complot aussi vieilles que ridicules ».

Toutefois, le général-Major Mubarak Muganga, responsable de la région de Kigali et de la région Est au sein des RDF a récemment vanté les faits d’armes de l’armée rwandaise en RDC. Dans une allocution devant des chauffeurs de taxi-moto en février 2020, le général s’est laissé aller à des confidences quant aux activités militaires rwandaises en RDC. Celui-ci a avoué qu’il a « besoin de la guerre mais plus  loin (…). J’ai besoin d’aller les affronter là-bas, c’est facile d’y aller, nous avons RwandAir, nous ne marchons plus pendant neuf mois dans ce pays plus grand que le nôtre de 89 fois, il nous fallait marcher pendant neuf mois pour le traverser et depuis nous avons RwandAir, nous atterrissons, nous frappons notre coup et nous revenons en effectuant la danse de la victoire”.

Norman Ishimwe

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1 – [Mises à jour le 14 avril 2020 à 23h59 (GMT)]

Rwanda : Rafles de journalistes et de youtubeurs en période de confinement

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Depuis la mise en place d’un confinement total le 21 mars 2020 par les autorités rwandaises pour lutter contre le Covid-19, plusieurs journalistes, youtubeurs et blogueurs ont été arrêtés, une dizaine pour le moment. Si les autorités accusent nombre d’entre eux d’avoir violé les règles du confinement, la population y voit une volonté du régime de Kigali de profiter de la crise de COVID-19 pour se débarrasser des médias indépendants, les seuls qui rapportent en ce moment ce qui se passe dans un pays totalement bouclé.  

Le Rwanda est parmi les pays du continent africain ayant mis en place les mesures de confinement les plus drastiques. Dans un pays fréquemment décrit comme une « prison à ciel ouvert », le confinement total imposé par le régime de Kigali depuis le 21 mars a mis la population sous un contrôle et une répression encore plus intenables. C’est dans ce cadre notamment que le 2 avril dernier, dans le district de Nyanza au Sud du pays, la police a abattu par balles deux hommes qui n’avaient pas respecté le confinement.

Depuis le 21 mars, les Rwandais n’ont plus le droit de sortir de chez eux, sauf pour aller faire des courses. La circulation entre les différentes régions du pays est interdite. C’est dans la foulée de ce confinement total qui a soulevé des vives protestations parmi la population que le régime de Kigali, réputé répressif contre la liberté de la presse, a décidé d’arrêter plusieurs journalistes, youtubeurs et blogueurs actifs ces derniers jours, et les seuls à informer sur ce qui se passe dans un pays dans lequel la presse indépendante a pratiquement disparu

Depuis sept jours, une dizaine de journalistes, blogueurs et youtubeurs ont été arrêtés ou sont portés disparus. Parmi ceux appréhendés figure Dieudonné Niyonsenga alias Cyuma Hassan d’ISHEMA TV. Arrêté ce 15 avril avec son chauffeur, Cyuma Hassan avait récemment couvert des cas de viols, d’actes de torture et de pillages de biens commis par les militaires rwandais au quartier dît « Bannyahe » situé à Kigali.

C’est également lui qui avait rapporté, en mars dernier, la destruction par les autorités d’habitations appartenant aux plus pauvres de Kigali, sans aucune indemnisation, mettant ainsi des familles entières à la rue en pleine crise de COVID-19. En février, le même journaliste avait rapporté avoir remarqué une blessure sur le front du Kizito Mihigo pendant ses funérailles, mettant ainsi à mal la version officielle du régime, qui avait déclaré que Kizito Mihigo, une icône de la lutte pour la réconciliation, s’était suicidé en prison. Des voix concordantes parlaient d’assassinat, tout en exigeant une enquête indépendante.

Cyuma Hassan, qui avait déjà confié à ses collègues de la VOA qu’il était poursuivi, est accusé d’avoir enfreint les règles de confinement en vigueur pour lutter contre le coronavirus. Les journalistes jouissent pourtant de la liberté de circuler dans le cadre de leur travail. D’où les soupçons que le régime de Kigali chercherait à étouffer les quelques rares journalistes, blogueurs et youtubeurs indépendants encore actifs dans le pays. 

D’autres journalistes arrêtés sont : Fidèle Komezusenge (ISHEMA TV), David Byiringiro et Innocent Valentin Muhirwa (AFRIMAX TV), Théoneste Nsengimana (UMUBAVU TV), Ivan Mugisha, (correspondant de l’Agence France-Presse), Saul Butera (Bloomberg), John Gahamanyi (New Times). Ces trois derniers, Mugisha, Butera et Gahamanyi ont été libérés ce mercredi 15 Avril.

Arrestations, persécutions, disparitions et même assassinats de journalistes sont monnaie courante au Rwanda dont le Président Paul Kagame figure en bonne place dans le classement des prédateurs de presse établi par Reporters sans Frontières.

Dans son livre Bad news – derniers journalistes sous une dictature, Anjan Sundaram, répertorie sur base d’une enquête de terrain, une liste non exhaustive de 60 journalistes ayant été agressés, emprisonnés, assassinés, ou qui sont portés disparus depuis la prise du pouvoir de Paul Kagame, soit en moyenne, un journaliste tous les quatre mois.

Kizito Mihigo – « Embrasser la réconciliation », le livre posthume

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« Embrasser la réconciliation – Pour vivre en paix et mourir heureux » est le titre du livre écrit par Kizito Mihigo en grande partie durant sa période d’emprisonnement mais aussi après sa libération.

La sortie de ce livre programmée pour ce vendredi 17 avril 2020, deux mois après l’assassinat de son auteur, est un événement extraordinaire, un témoignage direct de Kizito Mihigo pour permettre au monde de comprendre l’œuvre de sa vie.

C’est à partir de sa cellule de prison que Kizito Mihigo va commencer à faire enregistrer les différents récits de sa vie riche en rebondissements, et livrer ainsi jour après jour son parcours, ses prises de conscience, ses expériences exceptionnelles et son rêve pour le Rwanda.

La musique sacrée, une passion d’enfance

Kizito Mihigo nous fait découvrir la naissance de sa passion pour la musique sacrée dès l’âge de 9 ans, à Kibeho, entouré de sa mère, de ses sœurs et de son père, lequel partageait la même passion que lui pour la musique sacrée. Il nous narre comment cette passion grandira en lui de façon irrésistible et comment elle ne faiblira pas, même après les remarques judicieuses de sa mère sur les faibles chances de réussir sa vie à travers cet art au Rwanda. « Très soutenue par mes grandes sœurs, maman me demandait de lui expliquer quel intérêt ma musique apportait à la famille ». A cette question Kizito n’avait jamais donné de réponse.

Kizito perd son père dans le génocide perpétré contre les Tutsi. C’est une période sombre de l’histoire de Kizito. Le choc de ce monstrueux drame fera ensuite place à une colère envers ceux qui ont commis ces atrocités. La puissance et les conséquences de cette colère auraient pu être terribles, comme il en témoigne lui-même : « Au séminaire, je suis donc devenu trop occupé pour donner place à la haine et à mes envies de vengeance qui, à mon avis, pouvaient facilement devenir des projets ».

Une globalisation ethnique dangereuse

C’est également au séminaire que Kizito Mihigo a une première grande conscience de la problématique entre les Rwandais. Il vit pour la première fois ce phénomène lors d’un recrutement des étudiants pour la chorale qu’il avait fondée au séminaire : « Accueillir les jeunes Hutu de Kibeho dans ma chorale provoque déjà pas mal de critiques chez mes collègues Tutsi de l’école qui m’accusent d’oublier trop vite. Je n’aime pas ça ! Je me sens un peu bousculé mais je tiens compte de leurs critiques. »

Il voit déjà ce phénomène comme « une maladie générale dans la société rwandaise post-génocide, parmi les Rescapés, mais aussi et surtout parmi les Tutsi venant de l’extérieur : nous confondons les bourreaux, leurs descendants et leurs proches. Une sorte de haine générale qui englobe et jette tous les Hutu dans le même panier. Une maladie à mon avis dangereuse, qui est sinon identique mais en tout cas comparable à la globalisation ethnique qui a caractérisé les Génocidaires.»

Cette prise de conscience va continuer à se vérifier par la suite dans les différentes expériences de la vie de Kizito MIHIGO aussi bien au Rwanda qu’en Europe, où il va passer quelques années de sa vie à parfaire son art musical.

Divorce du régime

Kizito Mihigo continue et précise que son éloignement du pouvoir du FPR ne date pas d’hier : « À l’opposé de ce que pensent beaucoup de gens, mon divorce avec le régime politique du FPR n’a pas été consommé subitement. Pas du tout ! Pour ceux qui pouvaient suivre de près mes relations avec le pouvoir, cette rupture était tout-à-fait prévisible. »

Voici un des nombreux faits préliminaires qui ont précédé le divorce officiel affiché lors de son emprisonnement en 2014. « Je ne suis membre d’aucun parti politique, mais depuis que je suis retourné au Rwanda en 2011, les membres du FPR n’ont cessé de me faire comprendre que je n’ai pas le choix, que je dois être obligatoirement membre du parti au pouvoir. En plus, ils ne prennent pas le temps de m’expliquer ni la vision politique du parti, ni pourquoi je dois absolument être membre du FPR. Quand je demande qu’on m’explique en profondeur les programmes politiques du FPR, on me répond toujours que je comprends tout, que mes activités prouvent que je comprends le FPR. »

Ces tentatives répétées d’endoctrinement n’étaient pas du goût du jeune artiste, elles le poussaient au contraire à se poser de plus en plus de questions.

Autre point de dissension sont « les campagnes gouvernementales organisées par la Commission Nationale pour l’Unité et la Réconciliation (CNUR/NURC) et d’autres institutions, qui sont accueillies par la population comme la propagande d’un pouvoir politique qui souhaite que les Hutu et les Tutsi cohabitent pacifiquement dans le pays. Je trouve ça bien, mais très superficiel. Pour moi, la cohabitation pacifique n’est pas la réconciliation. La tolérance n’est pas le pardon et la sécurité n’est pas la paix. »

A la création de la fondation Kizito Mihigo pour la Paix, Kizito veut œuvrer à la véritable réconciliation, à travers le dialogue franc, l’écoute, la compassion et le pardon.

La cohabitation et la tolérance qui existent au Rwanda cachent des discordes que Kizito n’hésite pas à qualifier de bombe à retardement : « Le problème est là, de plus en plus grand, sauf que le moment et les circonstances ne sont pas encore arrivés pour que cela se manifeste ».

Le refus de rester dans les rangs

En multipliant les messages d’humanité, de paix et réconciliation, Kizito Mihigo finit par exacerber la colère du pouvoir de Kigali. C’est ainsi qu’en avril 2014, il est arrêté et forcé de plaider coupable pour des crimes qu’il n’avait pas commis.

C’est également durant son arrestation et son incarcération que son positionnement envers le régime devint très clair : « Ce n’est pas du tout mauvais de combattre une dictature. Au contraire, sont coupables ceux qui ne veulent ni dénoncer ni lutter contre la dictature dans leur pays ».

Et d’ajouter : « je reste convaincu que, même contre une dictature sanguinaire, les combats et les luttes doivent être menés de manière non-violente. Je n’ai pas pris d’arme et je ne l’ai jamais envisagé. Alors si j’ai combattu le régime avec mes critiques sur WhatsApp, et que c‘est un crime dans la République Kagaméenne du Rwanda, alors je vais plaider coupable avec bonheur et fierté. »

C’est ainsi qu’il décida « d’adopter l’attitude la plus humble possible, de ne jamais me défendre au cours du procès et démontrer petit à petit, de manière souterraine, qu’il s’agit d’un procès politique, qu’il n’existe pas de charge contre moi, mais que la loi et les juges n’y peuvent rien. »

La vie d’un artiste repose sur sa notoriété et beaucoup d’entre eux donneraient tout pour la sauvegarder, pour Kizito Mihigo la mission de sa vie va au-delà de ces considérations matérielles : « Je me dis aussi que défendre mon honneur n’est pas la priorité du moment. J’ai la certitude que le message de mes chansons, mon engagement et mes célèbres activités antérieures pour la paix et la réconciliation me défendront. Le plus important pour moi est que l’injustice commise par le régime et les techniques utilisées par le pouvoir du FPR pour diaboliser les opposants soient révélées. Le plus important, ce n’est pas que je sois considéré comme un héros de la réconciliation. Je n’en ai pas besoin. Pour moi, ma vie doit simplement permettre aux Rwandais de réfléchir à ce que doit être le rôle de chacun dans la construction de la paix, et pour une vraie et profonde réconciliation. »

Robert MUGABOWINDEKWE
www.jambonews.net

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Rwanda : « #Onsenfout » Le slogan qui plaide pour le dépassement des ethnies

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Avril est un mois particulier pour les Rwandais. C’est un mois de commémoration du génocide perpétré contre les Tutsis, au cours duquel des Hutus et autres personnes opposées au génocide ont été également tués. 

Avril est aussi le mois où le Front Patriotique Rwandais (FPR) a lancé son offensive militaire pour la prise du pouvoir. Cette offensive a été caractérisée par des exactions et des crimes graves et de masse commis par le FPR sur des populations civiles dans les zones qu’il venait de conquérir. 

Avril est aussi le mois où le camp des déplacés de Kibeho fut attaqué en 1995. 8000 victimes, principalement hutus, furent estimées.

Avril 1997 est aussi un mois où des milliers de réfugiés hutus rwandais se faisaient massacrés dans les forêts congolaises par les troupes du FPR allié à la rébellion de Laurent Désiré Kabila qui combattait le pouvoir du président Mobutu dans l’ex-Zaïre, actuelle RDC.

Au Rwanda, seul le génocide contre les Tutsis est commémoré et toute évocation d’une autre commémoration est considérée comme du négationnisme et est passible de plusieurs années de prison.

La position du gouvernement rwandais est source de frustration pour toute personne qui, par sa naissance ou son parcours de vie, ne coche pas toutes les cases de l’appellation officielle du génocide, celle-ci ayant changé plusieurs fois depuis la prise du pouvoir par le FPR en 1994. A chaque changement, plusieurs personnes se voyaient exclues de fait des commémorations officielles. 

Un besoin d’être libre pour se souvenir des siens

Depuis plusieurs années, des personnes qui ne se retrouvent pas dans les commémorations du génocide organisées par le gouvernement rwandais choisissent de les faire elles-mêmes. Car commémorer est non seulement un droit, mais aussi un devoir envers ceux arrachés à leur vie dans des circonstances atroces. Ceci se fait à travers des associations ou des initiatives privées. Les personnes longtemps réduites au silence peuvent témoigner et alléger leurs souffrances. 

C’est dans ce cadre que le samedi 25 avril 2020, plusieurs organisations de la société civile ont organisé une journée de commémoration. Ces organisations sont : Global Campaign for Rwandan Human Rights (GCRHR), Amahoro Iwacu, African Great Lakes Action Network (AGLAN), le Centre de Lutte contre l’Impunité et l’Injustice au Rwanda (CLIIR), la Fondation Kizito Mihigo pour la Paix (KMP) et avec l’appui technique du studio HMG (Humus Man Gifts). 

Compte tenu de la pandémie mondiale du Coronavirus Covid-19, cette journée s’est déroulée par vidéo-conférence et en direct (live). Les organisateurs avaient lancé un appel à toute personne qui le désirait, de partager son témoignage. Peu importe que le témoignage soit lié au génocide contre les Tutsis, aux crimes de masses commis par le FPR au Rwanda ou en RDC, ou au traumatisme et mauvaises conséquences des atrocités que le Rwanda a connues. La commémoration avait pour but de rendre hommage aux victimes peu importe leur ethnie, leur région et la qualification juridique ou officielle des crimes qu’elles avaient subis.

Diversité des témoins, unicité dans l’écoute et dans l’empathie

L’objectif de la journée a été atteint. Hutus, Tutsis ou ceux qui ignorent qui ils sont ont partagés leurs témoignages, lus en direct par René Claudel Mugenzi et Denise Zaneza (GCRHR), Claude Gatebuke (AGLAN), Dr Jean Ngendahimana et Constance Mutimukeye. Les témoignages lus, en plus d’être touchants et émouvants, ont révélé à quel point le thème mémoriel est complexe et toujours douloureux dans la société rwandaise. 

Il a été entendu des témoignages des rescapés tutsis visés par les miliciens interahamwe et associés. Il a été entendu des témoignages de rescapés hutus visés par les militaires du FPR.  Le moins attendu était d’entendre que certains témoins rescapés des interahamwe l’ont été par la suite du FPR. D’autres témoins Hutus ont été visés par les interahamwes et sauvés par d’autres Hutus. En même temps, les Tutsis ont témoigné avoir été visés par le FPR.  

En résumé ce n’était, ni guerre civile entre les Hutus et les Tutsis, ni les méchants Hutus qui tuent les Tutsis, ni seulement le génocide perpétré contre les Tutsis, ni le mythe des soldats du FPR qui arrivent en sauveur pour la population, tutsie en particulier.

En plus des témoignages lus, des rescapés ont été invités à partager leur vécu avec l’audience. Sans entrer dans les détails voici les points principaux à retenir dans les témoignages : 

  • Dr Innocent Ndagijimana Justice, a dit qu’il était rescapé des interahamwes. Ils ont tué dès la première semaine du génocide, son demi-frère, son oncle et son parrain, lui-même à cause de la taille qu’il avait à l’époque il était assimilé à un Tutsi et n’a eu la vie sauve que grâce à l’intervention de son père. Pourtant le 19 juillet 1994, son père est tué par les soldats du FPR dans la forêt de Gishwati au Rwanda. Les soldats FPR vont tuer également ses oncles. Pour Dr Innocent Justice, les interahamwes et les soldats du FPR sont tous des tueurs.
  • Marie-Aimée Bamukunde a dit qu’elle était encore enfant lors du génocide, elle a peu de souvenir du Rwanda de cette époque. Son témoignage a porté sur le long chemin de l’exil à travers la RDC (Inzira Ndende). Du camp d’Adi-Kivu (35 Km de Bukavu) jusqu’au Congo Brazzaville, Marie-Aimée et sa famille ont fait plus de 2000 kilomètres à pied pendant presqu’un an pour fuir les troupes du FPR. Ils l’ont fait en échappant aux coups de fusil, en sautant par-dessus les cadavres, en mangeant les herbes de la forêt. Elle ne comprenait pas pourquoi ils étaient pourchassés. Un jour, quand elle était malade du paludisme, elle a demandé à ses parents, obligés de la porter, de l’abandonner dans la forêt. Du Congo RD jusqu’en France, en passant par le Congo-Brazzaville et le Cameroun, Marie-Aimée avoue avoir passé 4 ans de son jeune âge, sans savoir où elle était et pourquoi. 
  • Constance Mutimukeye a partagé son souvenir douloureux à la suite de l’attaque des interahamwes qu’elle et sa famille ont subi le 8 avril 1994. Les interahamwes après avoir pillé sa maison familiale, ont incendié toute la maison, alors qu’elle et sa famille y étaient encore cachées dans une petite pièce. Envahis par les fumées et la chaleur, Constance et sa famille ont pu quitter de justesse la maison en incendie. Constance garde un mauvais souvenir et il lui arrive de sentir l’odeur de cet incendie. Cet épisode est un marqueur pour toute sa vie et est à la base de son engagement pour une société plus juste.
  • Claude Gatebuke, un des présentateurs a dit comment les extrémistes hutus ont attaqué sa maison familiale, les obligeants à dormir tout près de la cabane de leur chien. Lui et sa mère ont failli être tués par les interahamwes qui leur avaient demandés de creuser leurs tombes. Finalement d’autres Hutus vont les sauver. 
  • Delphine Yandamutso, issue d’une fratrie de 4 enfants, avait 5 ans en 1990 et vivait à Byumba avec sa famille. Elle a de vagues souvenirs sur la période de l’attaque du FPR en 1990. Mais sa famille n’était pas dans la zone des combats bien qu’elle voyait les gens les fuir. En revanche elle se rappelle la guerre de 1994, à Kigali, et des voisins tutsis cachés chez eux. Un militaire a tenté en vain soudoyer son petit frère avec des bonbons afin qu’il dénonce les gens cachés chez eux. Puis c’est le chemin de l’exil vers le Congo et l’établissement au camp de Katalé. Lorsque la guerre et le génocide de 1994 commencent, le frère ainé de Delphine est en retraite au Petit Séminaire de Rwesero. Ce n’est qu’après qu’il pourra les rejoindre dans le camp de réfugiés. Si la famille de Delphine est soulagée et ravie d’être à nouveau réunie, elle est horrifiée par le récit que ce frère raconte. Il a échappé à plusieurs tueries du le FPR que ce soit au Petit Séminaire ou au Stade de Byumba. La joie de la réunification familiale sera de courtée durée. Fin 1996, les camps de réfugiés sont attaqués, la famille se disperse dans la forêt. Elle finira par rentrer au Rwanda mais sans le frère ainé qui a disparu et que personne n’a revu ni n’a donné de ses nouvelles jusqu’à ce jour. Delphine dit qu’elle était proche de son frère ainé et qu’il lui manque beaucoup.
  • David Ndayambaje raconte qu’il ne sait pas s’il est Hutu ou Tutsi. En 1994 il avait 1 ou 2 ans. Il ne se souvient de rien. Il a été récupéré parmi les cadavres par un militaire qui l’a confié à l’orphelinat Gisimba à Nyakabanda, Kigali. Peu après le génocide, quand le gouvernement rwandais a décidé de fermer les orphelinats, une vieille dame l’a récupéré chez elle et il a grandi là-bas. Au moment d’aller à l’école secondaire, les moyens financiers n’étaient pas suffisants. La vielle dame qui élevait David l’amena au FARG et CNLG pour avoir un soutien financier. Cependant, David ne connaissant pas ses origines, ces 2 institutions ne pouvaient pas l’aider sans certitude qu’il est rescapé tutsi. Il fut renvoyé dans le quartier où il a grandi chez la vieille dame pour chercher une certification de son statut de rescapés par les habitants. Ceux-ci ont considéré qu’il ne pouvait pas être tutsi au vu de sa taille jugée petite.  Ils lui ont suggéré qu’il était peut-être un enfant que des Hutus ont abandonné dans les cadavres avant de fuir au Congo. Finalement, un bienfaiteur peu intéressé par son origine ethnique acceptera de lui payer ses études secondaires. Entretemps il avait fort grandi en taille et ceux-là même qui jugeaient qu’il n’était pas Tutsi disaient qu’ils s’étaient trompés et qu’il était un des leurs (Tutsi). Son cas n’était pas isolé et il décida de créer en 2016, une association regroupant les enfants ignorant leurs origines « Hope for the future family » afin de revendiquer et défendre leurs droits auprès de l’Etat. À la suite d’un article paru dans le quotidien pro gouvernemental « Igihe » le 11 avril 2018 et relatant la vie difficile de David et des enfants qui ont eu la même situation, David Ndayambaje est arrêté par la police. A partir de ce jour, il est dans le viseur de la police et finira par s’exiler en 2019 suite à un conseil amical d’un avocat habitué à travailler avec la police rwandaise.
  • Mireille Abewe Kagabo, très émue après le témoignage de David Ndayambaje a décidé de ne plus témoigner comme elle l’avait préparé mais a rappelé avoir témoigné quelques jours avant sur Jambonews et la chaine YouTube de Claude Gatebuke. Néanmoins, elle a souhaité rendre hommage à son père. Un homme tutsi, beau, costaud, ancien joueur de football dans l’équipe de Kiyovu Sports. Elle a révélé que son père avait décliné la proposition du FPR qui souhaitait qu’il héberger chez lui des soldats. Elle donnera plus de détails à un autre moment. Mireille a terminé en s’intérrogeant sur le sens de la commémoration et sa valeur, lorsque l’Etat rwandais discrimine les enfants ayant connu le même parcours que David.

Il est à noter qu’un des invités n’a pas pu venir donner son témoignage. Il s’agit du chanteur rescapé Jean-Paul Samputu. Deux raisons ont été avancées. Un deuil dans sa famille et les pressions qu’auraient exercées le pouvoir de Kigali sur lui, l’enjoignant à ne pas commémorer avec ceux que Kigali qualifie à tort et sans fondement de « négationnistes ». Au moment où cet article est rédigé, Jean-Paul Samputu n’a pas encore confirmé, infirmé ou réagi à propos de ces pressions.

#On s’enfout : du non à l’instrumentalisation des ethnies à un hashtag viral sur les réseaux sociaux

Incontestablement, une phrase a marqué tous ceux qui ont suivi la commémoration du 25 avril 2020. C’est « on s’en fout ». Pas vis-à-vis de la commémoration, mais des ethnies (hutu, tutsi, twa) symboles des atrocités ayant endeuillées le Rwanda, symboles aussi des débats passionnés à outrance sur le thème mémoriel. L’émission étant en live sur YouTube, les commentaires laissés par les spectateurs reflètent les antagonismes que ce type de commémoration engendre dans la tête des Rwandais. Dès la fin de l’émission, plusieurs spectateurs l’ont partagé et revendiqué sur les réseaux sociaux tels que Facebook. Peu importe que ça soit en français, en français canadien, en anglais ou en kinyarwanda, le message est le même : dépasser les ethnies, retrouver ce qui unit les Rwandais, mettre les valeurs humaines et l’humanité devant toute autre considération. 

Tout a commencé quand un des présentateurs, Jean Ngendahimana a réagi sur un commentaire qui l’interpellait sur sa présence dans cette commémoration et lui enjoignant de se renseigner auprès de ses parents pourquoi ils avaient fui au Congo en 1959. Pour certains, Jean étant Tutsi, il ne devrait pas commémorer au milieu des Hutus. Jean a saisi cette opportunité pour se présenter davantage. Il est Rwandais. Effectivement ses parents s’étaient réfugiés au Congo RDC en 1959 et sont revenus au Rwanda après la prise du pouvoir. Il est donc Tutsi mais a ajouté que de toute façon, il s’en fout de ces ethnies (hutu, tutsi, twa).

Puis, Claude Gatebuke a évoqué les pressions sur Samputu mais de la nécessité de témoigner. Gatebuke a dit que lui-même reçoit des pressions, des attaques ou des tentatives visant à l’empêcher d’agir chaque fois qu’il doit témoigner mais que ces manœuvres se soldent en échec. Le fait que le régime de Kigali cherche à lui dénier le statut de survivant, son droit de commémorer car il ne serait pas dans les critères définis par le régime, il s’en fout et garde son cap. 

Puis cette phrase a été utilisée après chaque témoignage que ça soit celui de Delphine Yandamutso, du jeune David Ndayambaje ou de Mireille Abewe Kagabo. Les intervenants se demandaient pourquoi un tel témoignage devrait être plus important qu’un tel autre car son porteur viendrait de telle ethnie.

Quelle importance a l’ethnie pour que l’Etat refuse de venir en aide aux enfants ramassés tous petits parmi les cadavres ou errants et qui ignorent leurs origines et, par ricochet, leurs ethnies ? Faudrait-il rester insensible au témoignage de Marie-Aimée Bamukunde qui a fait plus de 2000 kilomètres à pieds en traversant l’ex-Zaïre parce qu’elle n’est pas issue d’une ethnie dont le génocide a été reconnu ? On s’en fout qu’elle ne soit pas Tutsie, on s’en fout qu’elle soit Hutue, seule sa douleur et le calvaire expérimentés dans cette longue traversée meurtrière comptent.

Quid d’Innocent Ndagijimana, doit-il pleurer son demi-frère tué en avril 1994 par les interahamwe et ne pas évoquer son père tué par le FPR en juillet 1994. On s’en fout du tri des victimes innocentes.

Mireille Kagabo a dit qu’elle a un point commun avec Delphine Yandamutso : elles ont perdu leurs frères durant les atrocités qui ont endeuillé les Rwandais.  Mais Mireille ne voit pas pourquoi elle dénierait à Delphine le droit de pleurer, commémorer son frère parce que Delphine n’est pas Tutsie comme elle. Elle s’en fout de ces ethnies qui font des barrières à l’empathie et la considération dues à chaque victime. La commémoration a permis à Mireille et Delphine de se sentir proche, de se comprendre mutuellement, de se soutenir dans ce souvenir douloureux qu’est la perte d’un frère.

En conclusion, les intervenants ont jugé que finalement il fallait s’en foutre des ethnies et plus particulièrement dans les commémorations. L’importance est que chacun doit commémorer les siens sans se le faire dicter ou être empêché de le faire.

Commémorer les siens sans restriction est salvateur et pas seulement en avril. Chaque fois que c’est possible, l’initiative doit être soutenue. Le mois de mai 2020 ne sera pas en reste. L’association Jambo Asbl organisera une autre commémoration ouverte à tous le 1er mai 2020.

Le verbe s’en foutre n’est pas aussi étranger à ceux qui ont lu le livre du chanteur Kizito Mihigo assassiné dans les geôles de la police du Rwanda, le 17 février 2020. Livre intitulé, RWANDA : EMBRASSER LA RECONCILIATION : Pour vivre en Paix et Mourir Heureux.

Dans plusieurs passages de ce livre Kizito Mihigo n’a jamais dévié de son chemin : le pardon, l’unité, la réconciliation et la compassion pour tous. Plusieurs fois, les officiels du régime l’ont rappelé gentiment ou fermement à l’ordre, à suivre la ligne officielle. A chaque fois que la ligne officielle était contraire à son idéal, il a opté pour son idéal et la ligne officielle, il s’en foutait.

Concernant les commémorations au Rwanda, Kizito Mihigo dit dans son livre « Dans l’intérêt du pouvoir, le génocide est plus valorisé que ses victimes et rescapés. Le rescapé reste la personne la plus piétinée dans cette guerre permanente pour le pouvoir et la gloire »

Contrairement à ce que les supporters et fanatiques du régime de Kigali veulent avancer, visiblement gênés par le bon déroulement de la commémoration inclusive, l’hashtag « on s’en fout » ne prétend pas ceci : s’en foutre au lieu d’admettre que ça tue. C’est justement le contraire. C’est plutôt un appel à dépasser ces ethnies qui ont fait tuer et le font toujours. La mort que les ethnies ont semée dans la société rwandaise n’est pas seulement la mort au sens premier, elle l’est aussi sur le plan intellectuel et moral. Personne ne nie les ethnies ou leur rôle dans ces atrocités, mais il faut les accepter et les dépasser sans hypocrisie et dans le respect et la dignité de chaque personne.

Ce que le gouvernement rwandais a échoué à faire. Car comme Claude Gatebuke aime le dire, les Rwandais ont des ethnies entre avril et juillet (période commémorative officielle) et redeviennent Rwandais après. On s’en fout des ethnies, tout d’abord l’humanité et les valeurs humaines d’amour, d’empathie et de respect doivent être le socle de la société rwandaise. Le socle qui permettra la construction d’une société solide et dont le ciment est le véritable pardon, la véritable réconciliation et unité prêchés par Feu Kizito Mihigo.

Hervé Oscar NYANGOGA
www.jambonews.net

Rwanda : « Kujya i Ndera », les médecins au défi du cas Barafinda

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Ce samedi 29 avril 2020, des membres de la communauté rwandaise de Suisse ont interpellé les Hôpitaux Universitaires de Genève (HUG) sur le cas Barafinda,  un opposant politique rwandais interné à l’hôpital de Ndera « pour des raisons plus politiques que médicales ». C’est sur base du partenariat existant entre le département de psychiatrie des HUG et différents acteurs du domaine de la santé mentale au Rwanda que les auteurs de la lettre, citoyens suisses d’origine rwandaise ont interpellé les médecins suisses car ils trouvent « dommage que le corps médical rwandais, bénéficiaire de la formation que vous dispensez aux frais de contribuables suisses » se fasse exécuteur mesures de coercitions ordonnées par le régime de Kigali contre ses opposants.

L’hôpital neuropsychiatrique Caraes Ndera (HNP-CN) a accueilli ses premiers malades en 1972. L’hôpital a été fondé par la congrégation des Frères de la Charité, suite à une convention signée entre les frères et le gouvernement rwandais en 1968.

Le Caraes est tellement connu au Rwanda que l’expression « Kujya i Ndera », ou aller à Ndera, est devenu synonyme d’être fou. Dire de quelqu’un qu’il mérite d’aller à Ndera est une façon de le discréditer.

En 1994, l’hôpital n’a pas été épargné par la guerre. Il a été détruit, l’équipement a été pillé, les malades et le personnel assassinés ou exilés. Après la guerre, les frères de la charité ont repris les activités avec l’aide de la coopération suisse et de la coopération belge. L’une des chevilles ouvrières de la reconstruction a été le docteur Nasson Munyandamutsa, psychiatre rwandais qui avait été en formation au département de psychiatrie des Hôpitaux Universitaires de Genève en 1994.

Ses efforts ont permis d’établir un partenariat entre le ministère de la Santé du Rwanda et la Direction du développement et de la coopération suisse (DDC), ce partenariat a grandement contribué au redémarrage du secteur des soins mentaux au Rwanda en offrant une formation de base aux soignants. Cette coopération en matière de formation se poursuit à ce jour via les Hôpitaux Universitaires de Genève.

Fred Barafinda Sekikubo est apparu comme un ovni dans le paysage public rwandais lorsqu’il s’est porté candidat à l’élection présidentielle de 2017. Pour les observateurs, Barafinda a été pris pour une mauvaise plaisanterie du système lancé pour distraire l’opinion et faire croire au pluralisme aux élections. En général, tout ce qui est anormal/nouveau/incompréhensible au Rwanda est attribué à une manœuvre (gutekinika) du système. Sa candidature a finalement été refusée par la commission nationale électorale et on a cru que la « comédie » était terminée et que Fred Barafinda Sekikubo et son parti RUDA allaient disparaître de la scène publique.

https://www.youtube.com/watch?v=R-ABA73s4Pw&t=279s

Contre toute attente, Barafinda est réapparu au début de l’année 2019. Questionné sur son absence, il avait expliqué que celle-ci était due à un séjour au Caraes Ndera suivie de plusieurs séquestrations clandestines dans des « safe houses », affirmant même avoir été mis vivant dans un cercueil, le tout organisé par les services de sécurité. Dans la foulée Barafinda annonçait revenir avec un programme en « 200 points pour le Rwanda, 2 000 pour l’Afrique et 20 000 pour le monde ».

Il est alors très rapidement devenu une des vedettes des nouveaux médias numériques qui fleurissent sur les réseaux sociaux, notamment sur Youtube. Il est d’ailleurs intéressant de noter que les Rwandais se sont désormais trouvé un espace de discussion plus ou moins libre sur Youtube, alors que les médias mainstream, malgré une offre plus que pléthorique, sont tous alignés sur le discours officiel et ne donnent la parole qu’aux seules personnes qui suivent la ligne du régime. En très peu de temps Barafinda est devenu très populaire par sa dénonciation de l’arbitraire et des nombreuses injustices dont sont victimes les citoyens ordinaires, comme les détentions arbitraires, dont lui-même aurait été victime à plusieurs reprises, les expropriations des pauvres en faveur des puissants et de la spéculation immobilière. Il était même allé jusqu’à poser la question de ce que sont devenus les gens expropriés dans la zone de Rusororo pour bâtir le siège du FPR.  

https://www.youtube.com/watch?v=reS7SABk5n8&t=26s

Dénoncer l’injustice au Rwanda étant un crime aux yeux du pouvoir, la popularité grandissante de Barafinda qui devenait progressivement une voix des sans voix,  ne pouvait que lui attirer des ennuis. Il fallait donc le réduire au silence par tous les moyens.

D’habitude les opposants qui ne sont pas tout simplement assassinés sont forcés à l’exil ou éliminés par voie judiciaire. Les charges sont toujours les mêmes : négationnisme, propagation de l’idéologie génocidaire, terrorisme, incitation à l’insurrection, vol, corruption ou atteinte à l’image du gouvernement.

Plusieurs procès de ce genre se sont tenus ces dernières années, notamment contre Victoire Ingabire, Bernard Ntaganda, Kizito Mihigo et al., Frank Rusagara et Tom Byabagamba, ou encore la famille Rwigara. Malgré les efforts du parquet, ces procès ne font que mettre en lumière le vrai visage du régime parce qu’ils finissent tous invariablement par offrir une tribune aux opposants pour montrer le ridicule des charges et des procédures et exposer les vrais motifs de leur emprisonnement.

Des esprits éclairés ont donc dû juger qu’il serait imprudent de produire un personnage aussi imprévisible que Barafinda devant un tribunal. Le risque étant trop grand qu’un procès éventuel ne finisse en farce, le régime du FPR a donc opté pour une élimination psychiatrique, pour un personnage qui pouvait s’y prêter . Son apparence, ses manières, ses déclarations parfois décousues voire extravagantes en faisaient un candidat tout désigné pour ce nouveau type de répression. Il ne restait plus qu’à mettre la machine en marche.

Barafinda a été donc convoqué par le Rwanda Investigation Bureau (RIB) pour interrogatoire le 10 février 2020, convocation que le prévenu n’a pas honorée. Quelques jours après le RIB est allé l’arrêter à son domicile. Le jour même, ils ont annoncé l’avoir remis au HNP-CN parce qu’ils auraient déterminé qu’il était mentalement dérangé. Sans surprise, les médecins ont par la suite confirmé le diagnostic des policiers et confirmé que Barafinda était « malade » et devait rester interné.

Dès lors, plusieurs questions se posent. Qui du médecin ou du policier doit poser un diagnostic pour décider d’interner une personne au Rwanda ? 

Est-ce que Barafinda constitue un tel danger public qu’il fallait absolument l’interner ? Rappelons à ce propos qu’il est époux et père de famille et que personne n’a jamais prétendu qu’il représentait le moindre danger que ce soit pour lui-même ou pour autrui.

Doit-on s’inquiéter que désormais, quand le RIB ou un autre allié du pouvoir dira d’un opposant politique qu’il est fou, les médecins de Ndera signeront tout simplement son admission à l’hôpital, au mépris de toute déontologie médicale ?

L’utilisation de la psychiatrie comme outil de répression inquiète car cela place le citoyen dans la position difficile, kafkaïenne, de devoir prouver qu’il n’est pas fou. C’est cette inquiétude qui a poussé des citoyens helvético-rwandais à interpeller les Hôpitaux Universitaires de Genève pour que dans la formation dispensée à leurs collègues rwandais, la déontologie médicale soit mise en avant pour éviter l’instrumentalisation de la médecine à des fins politiques. Ceci constitue un sujet encore sensible en Suisse qui a elle-même connu ce genre de dérives dans un passé pas si éloigné.

Malheureusement, l’utilisation de la psychiatrie comme instrument de répression politique ou pour se débarrasser des indésirables n’est pas une invention rwandaise, mais il serait encore temps pour les médecins rwandais de se rappeler à leur mission première qui est de soigner et non de servir d’instruments de répression politique. D’autant plus dans une institution à vocation chrétienne.

Luc Rugamba

Liens :

Brève biographie de Barafinda Sekikubo Fred : récit de Jambonews

Récit de Madame Barafinda

https://www.youtube.com/watch?v=ADxbKXjRSgw (ukwezi tv)

https://www.youtube.com/watch?v=fQiNHWghAC8 (Karasira)

Lire aussi 

The attack on President Habyarimana’s aircraft: 25 questions pointing towards Paul Kagame as guilty

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« If it turns out that the RPF committed the attack, the history of the genocide must be rewritten (…), it will cast the RPF under a completely different light, because so far the RPF has been considered in the West both as the victims and saviours who stopped the genocide »

This sentence, uttered by Carla DEL PONTE on 17 April 2000 during her interview with the Danish newspaper « Aktuelt », perfectly summarises the real issue at stake.

However, for more than twenty years, there has been more than enough «compelling evidence of guilt », that in all cases converges towards the RPF. From  the  1997 investigation  conducted  by Michael Hourigan on behalf of the ICTR , through  the French inquiry by judge Buguière  that started  from 1998, the 2003 ICTR « special » investigation,  as well  as the Spanish arrest warrants issued by judge Merelles in 2008, all these tracks led to Paul KAGAME as the mastermind of the attack.

Who, then, is powerful enough to ensure that the truth about that attack is concealed? 

For 26 years, Paul KAGAME’s and RPF’s international sponsors, including politicians, media, scholars and numerous NGO’s, have, tirelessly, resorted to luring and blackmailing strategies meant to lur any understanding of the matter. In the same way, they hindered certain investigations that could lead to  their protégé ending up in the court of law.

On the occasion of this sad anniversary of the attack against President Habyarimana’s airplane, which is considered as the trigger for the genocide and conflagration of the whole Great Lakes Region, we are suggesting a series of 25 questions that prove the obvious existence of only one serious hypothesis in this case.

This year in July, the Paris Court of Appeal will issue judgement on the validity of a dismissal that will put an end to two decades of inquiry into the attack.

If the dismissal is validated by the French Justice, Paul Kagame and the RPF will escape prosecution and will not have to answer for the attack before a French court.

If the dismissal is revoked, relatives of the French and Rwandan nationals who were killed in that attack will still have a reason for hope. Justice will perhaps prevail in one of the most scandalous cases in political history of mankind: the only double assassination of two Presidents in office !

Question n° 1: Why has Paul Kagame always vehemently opposed any investigation by the UN, the OAU, the ICAO, whereas he claims to have proof that the extremists close to Habyarimana are guilty? (see for example Mutsinzi report)? 

Question n° 2: Why has Paul Kagame always opposed any ICTR inquiry, while he has had full control over the ICTR since the forced exit of Carla Del Ponte, bluntly dismissed by Anglo-Saxons when she wanted to investigate the RPF crimes?

Question n° 3: Why did Paul Kagame, in December 2002, humiliatingly discontinue the legal proceedings he had initiated against journalist and scholar Charles Onana who was holding him accountable for the attack? Paul Kagame stepped aside as soon as Charles Onana produced the evidence in his possession.

Question n° 4: Why has the Rwandan Government never reacted to the request for mutual international judicial assistance made by judge Bruguière during his investigation? In fact, contrary to the statements made by the French poodles of the Kigali regime, judge Bruguière had, according to Ms. Del Ponte’s book « La traque, les criminels de guerre et moi » (pages 387 – 388), requested a mutual legal assistance from the Kigali Government. His request was never answered.

Question n° 5: Why did Kagame order the killing or kidnapping of the self-described witnesses of the planning phase of the attack against President Habyarimana’s plane? 

The list is long: Théoneste Lizinde (assassinated), Augustin Cyiza ( abducted and certainly killed), Leandre Ndayire (abducted and probably killed), Patrick Karegeya (assassinated), Kayumba Nyamwasa (victim of three assassination attempts),  Emile Gafirita (abducted and probably killed), Chrysostome Ntirugiribambe ( abducted and probably killed), etc.

Finally, it is worth pointing out that James Munyandinda told the French justice that, when he was in Mulindi, he had guarded the missiles used by the RPF for the attack ; in 2017 he also appeared three times  as a witness before judge Herbaut in the investigation related to the attack. For two years, he has been a target of repeated death threats of which the French justice has been notified on several occasions.

Question n° 6 : How to explain that, once the news about the crash of  President Habyarimana’s airplane was announced on 6 April 1994, while both parties were involved in peace negotiations, the RPF immediately launched a general offensive, which normally requires very significant logistics and cannot in any case be improvised ?

The co-occurrence of the attack on the President’s plane and the launching of a general offensive proves, suggests, at least, that the RPF was aware of the attack (see Colonel Luc Marchal’s testimony before the Senate on 1 April 2014).

Question n° 7: How does one explain that, until the mid-2000s and despite the arrest warrants issued by judge Bruguière in December 2006, the perpetrators of the attack -RPF members-were still praised as heroes within the RPF ranks?

Question n° 8 : Why did Jack Nziza and James Kabarebe, who claim that they are innocent, refuse to appear before the Paris Courts of Law on 14 and 15 December 2017 to be confronted with witness James Munyandinda, who asserts that when he was in Mulindi, he guarded the missiles used for the attack ?

Question n° 9: Why have Paul KAGAME’s lawyers, Mr Forster and Mr Maingain, never lodged a complaint on grounds of « conspiracy to defraud the sentencing » as they have been triumphatically announcing since January 2012 ?

Question n° 10:  What happened at the France-Rwanda relations level that would help one understand Paul Kagame’s shift in attitude? See Pierre Péan’s article in « Un » n° 140: « Récit d’une manipulation » ,revelations which have been ignored by almost the whole of the Francophone press?  

Question n° 11 : How are we to account for the fact that judges Trévidic and Poux were able to « freely » conduct investigations in Rwanda into a terrorist crime  supposedly committed by people close to President Habyarimana, whereas two ICTR Prosecutors , namely Ms.  L. Harbour and Ms. Carla del Ponte, even though they had supra-national powers backing, officially declared that they were never able  to conduct investigations into the RPF crimes inside Rwanda ? Ms. del Ponte had gone so far as stating that she had been compelled to recall her investigators as she feared for their lives and her own.

Question n° 12: How can the Francophone media and Kigali’s friends put forth the thesis of the guilt of “extremists close to Habyarimana”, whereas four totally independent investigations unanimously hold Paul Kagame responsible? Those inquiries are:

  • Hourigan investigation at the ICTR, obscured in 1997 upon Prosecutor Louise Harbour’s request,
  • ICTR « Special » investigation dated 1 October 2003, first kept secret, but later revealed by Judi Rever and Marianne,
  •  French investigation conducted by judge Bruguière since 1998,
  • Judge Merelles’s Spanish investigation that resulted into arrest warrants in 2008.

Question n° 13 : If, according to the assertion of most of the Francophone media by early 2019,  the DGSE note issued  on 22 September 1994, which held the FAR responsible for the attack had any evidentiary value, why did the investigation judges, who had it on their desks as early as 2015 (refer to its declassification), and who still needed arguments to  “clear the name”of the RPF,  put it aside ? 

Question n° 14 : If the perpetrators of the attack were among those tried in Arusha, why were they continuously requiring an international investigation into the attack? Since when have we seen guilty people push for investigations  into a crime that they would have personally committed?

Question n° 15: Why would hardliners close to Habyarimana resort to a sophisticated attack involving a surface -to- air missile, whereas they could physically eliminate him on the ground, either at his office or at his home? Why would they kill at the same time another Hutu President, i.e. the Burundian President?

Question n° 16: Is it plausible that hardliners close to Habyarimana would have been able to fire a missile that they had never bought and which they had never learnt to use?

Question n° 17: Why would hardliners close to Habyarimana have chosen to fire from a military camp in which both the command and troops were loyal to the President?

Question n° 18: Why would hardliners close to Habyarimana have let some of the highest-ranking military and political authorities of the country board the same plane they knew was going to be destroyed by a missile some hours later?

Question N° 19: Why did judges Trevidic and Poux refuse to hear the military commander of the camp from which the missiles would have been fired (see Charles Onana’book « La France dans la terreur rwandaise », page 310) ?

Question N° 20: Why did  Kigali regime’s lawyers, Forster & Maingain, not apply for annulment of the court decision as regards the clearing of hardliners close to Habyarimana?

Question n° 21 : Would the Hutu extremists be so incompetent that they would  launch an attack to overthrow the existing Government, without having planned out a process that would allow them to seize complete power immediately via a putsch, without sharing it?

Question n° 22 : How are we to account for the fact that, after the assassinations of the Lebanese Prime Minister Rafic Harriri and the Pakistani Prime Minister Benazir Bhutto, in both cases, the UN set up an inquiry commission , whereas after the assassination of two Presidents –  Rwandan President Juvénal Habyarimana and Burundian President Cyprien Ntaryamira – through a terrorist act, the UN refused to put in place an inquiry commission ?

Question n° 23: How could the UN justify the lack of budget for the inquiry into the 6 April 1994 terrorist attack, while we are fully aware of the amounts invested in the ICTR which was  in function for about 20 years?

Question n° 24: Why has the ICTR refused to forward two investigation reports to the French judiciary, namely Mr. Hourigan’s report and the special investigation report dated 1 October 2003, whereas both of them show that Paul Kagame and the RPF  are guilty of the  6 April 1994 attack ?Question n° 25 : Why has the UN failed to submit  report about the discovery by the Monusco in the DRC, of a missile from the same batch as the ones used  to attack President Habyarimana’s aircraft ,  since that report had to be submitted by the Summer of 2016 according to the editor’s request to the French judiciary  ?


[1] http://www.france-rwanda.info/article-rwanda-20-ans-apre-s-qui-a-declenche-le-genocide-le-te-moignage-cle-de-michael-hourigan-122533100.html

[2] https://www.lemonde.fr/a-la-une/article/2006/11/21/rwanda-le-juge-bruguiere-met-en-cause-le-president-kagame_836796_3208.html

[3] https://www.marianne.net/monde/exclusif-rwanda-le-document-top-secret-qui-accuse-le-regime-de-kagame

[4] https://www.lemonde.fr/afrique/article/2008/02/07/un-juge-espagnol-emet-40-mandats-d-arret-contre-les-chefs-de-l-armee-rwandaise_1008523_3212.html

[5]https://www.rtbf.be/info/monde/detail_attentat-declencheur-du-genocide-au-rwanda-a-paris-decision-le-3-juillet-sur-le-non-lieu?id=10408646

[6]Leandre Ndayire, who wanted to testify before the French magistrates in charge of the investigation, disappeared in November 2017 after his visit to the French embassy in Kampala. Leandre Ndayire was an eyewitness of the attack : based on Judi Rever’s revelations in  « In Praise of blood« , the  missiles  used for the attack would have been stored in Masaka in the house of his sister Belancile, and Leandre was present together with the team when the missiles were fired (source : « In Praise of blood, the crimes of the Rwandan Patriotic Front », pages 188 through 192). 

[7] http://bernardlugan.blogspot.com/2016/12/emile-gafirita-abandonne-des-assassins.html

[8] Chrysostome Ntirugiribambe, who hosted Emile Gafirita in Nairobi, was abducted on 23 June 2015 from Nairobi (Kenya).

[9] http://afrikarabia.com/wordpress/francerwanda-vers-une-nouvelle-rupture-des-relations-diplomatiques/

[10] https://www.humanite.fr/monde/me-bernard-maingain-%C2%AB-un-dossier-longtemps-pollue-par-les-manipulations%C2%A0%C2%BB-487598

[11] https://www.jeuneafrique.com/177761/politique/rwanda-affaire-habyarimana-le-camp-kagam-menace-de-contre-attaquer-devant-la-justice-fran-aise/

[12] https://le1hebdo.fr/journal/numero/140/rcit-d-une-manipulation-2051.html

http://jkanya.free.fr/Texte17/manipulation110217.pdf

[13] https://www.marianne.net/monde/exclusif-rwanda-le-document-top-secret-qui-accuse-le-regime-de-kagame

[14]https://www.marianne.net/monde/exclusif-rwanda-la-verite-sur-les-massacres-de-l-armee-patriotique-de-kagame[1]https://www.justiceinfo.net/fr/hirondelle-news/7163-18052000-tpirkabiligi-gratien-kabiligi-reclame-une-enquete-sur-la-mort-du-president-habyarima3953.html

[15]https://www.theglobeandmail.com/world/article-new-information-supports-claims-kagame-forces-were-involved-in/


Le Burundi va-t-il enfin connaître sa première réelle transition démocratique ?

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En date du 20 mai 2020, les Burundais sont invités à se rendre aux urnes pour élire un nouveau président.

Ce ne sera pourtant pas la première fois que le Burundi aura connu un changement de président suite à des élections démocratiques, mais la dernière transition a connu un dénouement tragique. Melchior Ndadaye,  le tout premier président élu démocratiquement en 1993, aussi le premier président Hutu à diriger le Burundi, fut assassiné quelques mois seulement après son élection replongeant aussitôt le Burundi dans les violences ethniques. La communauté internationale, face à cette violation des droits humains et démocratiques, brilla par un silence de plomb. Cette violation eut pourtant des répercussions démocratiques tragiques dans la région des grands lacs d’Afrique et principalement au Burundi.

https://www.youtube.com/watch?v=LFFDAX0ut9A

Céder le pouvoir, une promesse tenue

Partant des accords de paix d’Arusha, Nkurunziza, le président sortant, estimait qu’il avait droit à deux mandats électoraux et que son mandat au sortir des négociations ne faisait pas partie du comptage. L’opposition a protesté contre ce qu’elle estimait être une volonté du président de se maintenir indéfiniment aux pouvoir. A l’époque, plusieurs pays occidentaux, la Belgique en tête, n’ont pas cru non plus en la bonne foi d’un dernier mandat et ont activement aidé au renforcement de l’opposition qui a organisé plusieurs campagnes de protestations aux quatre coins du pays.

Ces protestations ont même conduit à une tentative de coup d’Etat en mai 2015. suivie d’une vaste campagne de répression contre les voix dissidentes.

Le 27 Avril 2020, 5 ans jour pour jour après le début de la précédente crise, a marqué le début de la nouvelle campagne électorale.  Sept candidats, dont deux indépendants, sont en lice.  Evaritse Ndayishimye, dauphin du président Nkurunziza et candidat du parti CNDD-FDD, et Agathon Rwasa, représentant du Conseil national pour la liberté (CNL), partent grands favoris.

Des défis de poids pour le futur président élu

L’insécurité provoquée par la situation sécuritaire catastrophique que connaissait le Burundi au lendemain des accords de paix, avec de nombreuses armes en circulation à travers le pays ; l’état d’urgence provoqué également par des opérations subversives comme la libération de prisonniers par la force, alourdi également par une tentative de coup d’Etat manquée et par une nouvelle rébellion au Congo appuyée par le Rwanda voisin, ont poussé l’Etat burundais à mettre en place des mesures de sécurité extrêmement rigoureuses. Dans ces actions, plusieurs violations ont été rapportées plusieurs fois par des associations de défense des droits de l’Homme, notamment Human Rights Watch.  

La cessation de l’état d’urgence dans lequel vit le Burundi depuis plusieurs années est un des grands défis que le prochain président devra relever. Cela pourrait permettre aux derniers réfugiés burundais de regagner leur pays.

A lire aussi : Le Burundi, un acte fort de paix et de démocratie

Les observateurs attendent également la réaction des pays occidentaux et des pays régionaux comme le Rwanda envers le nouveau pouvoir. L’hostilité ouverte et résolue de certains de ces pays sous la présidence de Nkurunziza ont eu des effets néfastes sur la sécurité, la réconciliation des Burundais et l’économie du pays. Les observateurs attendent également la réaction du nouveau pouvoir envers les politiciens burundais actuellement en exil pour des comportements jugés subversifs par le pouvoir actuel.

Investir dans la jeunesse, une autre promesse tenue !

Comme promis aux jeunes burundais lors du forum de la Jeunesse, tenu à GITEGA en 2016, le président Nkurunziza a tenu à marquer son empreinte dans le soutien aux jeunes en inaugurant une nouvelle banque d’investissement pour les jeunes (BIJE), une semaine avant le lancement de la campagne électorale.

Cette banque, à un capital social de 10 milliards de Fbu, a pour ambition l’auto-développement et la réduction du chômage chez les jeunes, qui au Burundi représentent 66% de la population totale.

Le Burundi est à l’aube d’un grand tournant dans son histoire, un début de l’instauration de la passation démocratique du pouvoir. Le nouveau président élu aura une tâche difficile pour faire passer le Burundi à la vitesse supérieure dans plusieurs domaines, et la réaction de pays externes aura son importance dans la facilitation ou la complication de cette tâche.

Jambonews

Rwanda : Un opposant emprisonné après avoir survécu à un assassinat

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Le 11 mai 2020 entre 19h et 22h, dans le district de Rwamagana au Rwanda, un groupe armé de couteaux et de pistolets dont certains seraient des faux, a envahi l’épicerie de Théophile Ntirutwa, ancien représentant d’un parti politique d’opposition dans la ville de Kigali (FDU-Inkingi) et actuel membre du nouveau parti créé par Victoire Ingabire, DALFA-Umurinzi. Lors de l’attaque, le groupe a tué par coups de couteaux une personne au nom de Théoneste Bapfakurera et blessé quatre autres. La victime était pasteur d’une église œuvrant au Rwanda.

Dès que les assaillants sont partis, Théophile Ntirutwa qui s’était caché derrière le comptoir, a pu appeler la police et contacter des journalistes avant que son domicile, situé à quelques centaines de mètres de là, ne soit perquisitionné. Théophile Ntirutwa, son épouse, sa sœur ainsi que les autres victimes et témoins de la scène ont tous été arrêtés par la police pour des raisons qui demeurent à ce jour inconnues. L’avocat de Théophile Ntirutwa qui lui a rendu visite le 14 mai n’a été autorisé ni à voir et ni à parler à son client. Dans son intervention auprès du service en kinyarwanda de la radio la Voix de l’Amérique (VoA) diffusée le 13 mai 2020[1], Théophile Ntirutwa confie qu’il était lui-même la cible et que les assaillants se seraient trompés sur l’identité de la victime. 

« Ils ont d’abord forcé mon voisin Frodouard Hakizimana à rentrer dans l’épicerie. Ils ont alors vu le pasteur Théoneste et lui ont soudainement donné des coups de baïonnettes. Je n’ai pas pu reconnaitre les assaillants mais certains portaient les tenues de la police rwandaise alors que d’autres étaient en tenue civile. En effet, lorsque je les ai vu venir je me suis immédiatement glissé derrière le comptoir pour me cacher. Ils sont entrés et ont attaché les bras au dos de ceux qui étaient à l’intérieur et en voyant Théoneste ils ont cru que c’était moi. Ils l’ont fatalement poignardé. En réalité leur cible c’était moi, surtout qu’avant de venir chez moi ils sont d’abord passés chez ma sœur pour lui demander où je me trouvais. En plus, il y a une moto qui me filait depuis quelques jours. » 

Victoire Ingabire qui a aussi commenté cet incident au micro de la Voix de l’Amérique, s’est ingignée du harcèlement continuellement perpétré contre les partisans de son parti politique. Elle a également souligné que son parti endure toujours des difficultés d’enregistrement et de reconnaissance officielle par l’administration du dictateur Paul Kagame, qui dirige le Rwanda d’une main de fer depuis plus de 20 ans. Pour Ingabire Victoire, c’est le fait du hasard qui a fait que Théophile a survécu. « En effet, les assaillants ont demandé qui d’entre les victimes s’appelait Théo. Envahi par la stupeur, le pasteur, Théoneste, n’a pas hésité une seconde à répondre que c’était lui-même sans tenir compte qu’il y avait deux personnes répondant au prénom abrégé Theo dans l’épicerie. Le pasteur s’appelait Théoneste et le propriétaire de l’épicerie s’appelle Théophile. C’est ainsi que la chance de survivre est tombée sur Théophile et la malchance sur le pasteur qui a été tué à la place du partisan de notre parti, Théophile. »[2]

Avec un ton de persévérance malgré tout, la figure de l’opposition rwandaise a exprimé son incompréhension face à la façon dont les opposants politiques sont traités aux Rwanda. Pour elle, ce qui est davantage étonnant, c’est le traumatisme que la dictature du général Paul Kagame fait endurer aux opposants et à leurs familles : « Comment se peut-il que les victimes de l’attaque et agression deviennent les personnes à arrêter à la place des assaillants ? Si notre pays respectait l’état de droit ceci ne devrait pas se passer ainsi ! »

Epicerie de Théophile Ntirutwa

Ce n’est pas la première fois que Théophile Ntirutwa est l’objet de graves persécutions. En septembre 2017, après deux années de persécutions politiques marquées notamment par de brefs épisodes de disparitions forcées au cours desquels il subissait différentes formes de tortures tant physiques que psychologiques,  Théophile Ntirutwa a été arrêté en compagnie de 10 autres membres du parti FDU Inkingi, dont Boniface Twagirimana, le vice-président.

Lire aussi:

Le 23 janvier 2020, après deux ans et cinq mois de détention préventive, l’opposant politique avait été acquitté par les tribunaux rwandais et aussitôt libéré en compagnie de cinq autres membres du parti. Le 29 janvier 2020, quelques jours seulement après sa libération, il déclarait au micro du journaliste Théoneste Nsengimana (également emprisonné en avril 2020 et libéré ce 14 mai) d’Umubavu TV qu’il allait poursuivre son engagement politique au sein du parti DALFA Umurinzi. « Nous allons poursuivre notre engagement politique car les raisons qui nous ont poussé à nous engager sont toujours présentes. Tant que les problèmes auxquels fait face notre pays et qui nous ont poussé à nous engager sont là, notre travail en vue d’apporter notre contribution pour les résoudre va continuer malgré les obstacles » ; avait-il notamment déclaré lors de l’interview.

Depuis plusieurs années, plusieurs autres membres du parti d’opposition d’Umuhoza Victoire subissent de graves formes de persécutions allant jusqu’à l’élimination physique. Selon l’organisation internationale Human Rights Watch, rien qu’en 2019, trois membres du groupe d’opposition des FDU-Inkingi ont été portés disparus ou retrouvés morts. En septembre, Syldio Dusabumuremyi, le coordinateur national du parti, a été poignardé à mort dans des circonstances qui rappellent le dernier incident qui a emporté Théoneste Bapfakurera. Eugène Ndereyimana, également membre du parti, est porté disparu depuis le 15 juillet 2019. Anselme Mutuyimana, un assistant de Victoire Ingabire, a été retrouvée mort en mars 2019 ; il présentait des marques de strangulation. Boniface Twagirimana, le numéro deux du parti, a disparu de sa cellule de prison dans le sud du Rwanda en octobre 2018[3], tandis que Jean Damascène HABARUGIRA a été sauvagement assassiné en mai 2017 et Illuminée Iragena a disparu depuis le 26 mars 2016. Aucune suite judicaire n’a été donnée à ces cas.

Victoire Ingabire, Figure de l’opposition Rwandaise et Lauréate du Prix international des droits de l’Homme

Ce dimanche 17 mai 2020, après Théophile Ntirutwa, 250TV, une radio en ligne rwandaise a accusé Victoire Ingabire du meurtre de Théoneste Bapfakurera et a été jusqu’à publiquement appelé à son assassinat « Victoire Ingabire devrait aussi être assassinée, de la même manière qu’elle continue à planifier des actes d’assassinats de rwandais »  a déclaré, « Ellen Kampire », une des intervenantes à l’émission. Ce lundi matin à 09 heures, Victoire Ingabire était appelée à répondre à une convocation du RIB, la très redoutée police judiciaire rwandaise, pour des motifs inconnus à ce jour.  

Selon un observateur qui a préféré conserver son anonymat pour sa sécurité, le FPR est en train de replonger le Rwanda dans le même enfer que celui que le pays a connu au cours des années 90 : les assassinats politiques, les injustices, la presse muselée au profit des médias de la haine, les divisions ethniques. Un climat semblable à celui d’avant le génocide contre les Tutsis.

Jules Gahima
JamboNews.net


[1] La Voix de l’Amérique service en Kinyarwanda, journal matinal du 13/05/2020, voir sur: https://www.radiyoyacuvoa.com/a/5396421.html

[2] La Voix de l’Amérique service en Kinyarwanda, journal matinal du 13/05/2020, voir sur: https://www.radiyoyacuvoa.com/a/5396421.html

[2] Human Right Watch, Rapport mondial 2020, chapitre sur le Rwanda, voir sur : https://www.hrw.org/fr/world-report/2020/country-chapters/337328

Burundi : Evariste Ndayishimiye à deux doigts de la présidence.

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Ce mercredi 20 mai 2020, les Burundais sont invités aux urnes pour élire leur prochain président pour un mandat de 7 ans. Un tournant démocratique décisif au Burundi et dans la politique régionale des Grands Lacs d’Afrique.

Les campagnes politiques sont des bons baromètres pour estimer des sondages électoraux au Burundi. Les habitants, très impliqués, y mettent un point d’honneur pour soutenir leur candidat. Au vu de la mobilisation qu’il a su susciter durant cette campagne électorale, Evariste Ndayishimiye est donné grand favori des élections prochaines.

Foule nombreuse pendant la campagne électorale d’ Evariste NDAYISHIMIYE

Son adversaire le plus proche, Agathon Rwasa du Congrès nationale pour la liberté (CNL) a créé la surprise dans ses premiers rassemblements mais n’a pas rencontré le même succès sur la suite de ses rassemblements, comme à Mutambu ou à Gitega.

Evaritse Ndayishimiye, l’homme de l’ouverture et du développement

Evariste Ndayishimiye est né en 1968 dans la province de Gitega. Il échappa de justesse aux massacres des étudiants hutu à l’université du Burundi en 1995 et joignit la rébellion armée Force de défense de la démocratie (FDD) où il gravit les échelons jusqu’au grade de général. En 2016, il est élu comme secrétaire général du CNDD-FDD. 

Dans sa fonction de secrétaire général, Ndayishimiye, fervent religieux, s’est montré en homme de terrain, se voulant proche du peuple et à l’écoute des moins nantis. Cette réputation auprès du peuple lui donne un avantage considérable chez les électeurs. Il représente, pour une partie des électeurs, l’espoir d’une vie meilleure pour tous les Burundais. L’éradication de la pauvreté et le développement sont d’ailleurs au cœur de son programme électoral. 

Ndayishimiye, alias Neva, est décrit comme un homme ouvert et sans prétention, et ses opposants politiques lui reconnaissent une tolérance politique certaine. Différents acteurs au niveau international ont également accueilli favorablement la nouvelle de sa sélection comme candidat officiel du CNDD-FDD.

A 52 ans, Ndayishimiye va certainement devenir le futur président du Burundi et il aura besoin du soutien de son parti et des Burundais pour atteindre sa mission qu’il a encore réaffirmer dernièrement en ces mots : « Nous engloutirons notre sombre passé qui ne mérite pas d’être notre prison. »

Article soumis pour publication par Robert Mugabowindekwe.
Jambonews.net

Témoignages sur les incursions meurtrières de l’armée rwandaise à l’Est de la RDC

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Les autorités rwandaises et congolaises continuent de nier la présence de l’armée rwandaise à l’est de la République démocratique du Congo (RDC) où elles mènent des opérations secrètes depuis plusieurs mois. Ces mouvements se sont intensifiées en avril dernier et Jambonews a recueilli les témoignages de gens sur place qui confirment l’arrivée de plusieurs bataillons de l’armée rwandaise opérant sur le sol congolais. Les témoins évoquent des massacres, des pillages, des destructions et en ligne de mire comme à chaque fois, les réfugiés rwandais, toujours présents en nombre à l’Est de la RDC.  

« Le gouvernement de la RDC sait qu’il n’y a pas le moindre soldat (rwandais) dans l’est de la RDC. Vous pouvez me croire, il n’y a aucun soldat des RDF (Forces de défense rwandaises) dans cette partie du monde« , avait déclaré l’homme fort du Rwanda, le général Paul Kagame lors d’une conférence de presse qu’il a tenue à Kigali le 27 avril dernier par vidéo conférence, après plusieurs semaines d’absence ; ce qui avait même alimenté des rumeurs sur sa mort.

Les autorités congolaises, de leur part, continuent de nier les incursions meurtrières des hommes de Kagame sur leur sol. « On ne peut pas parler d’incursion. Des militaires rwandais ont pu franchir par erreur la frontière, comme cela arrive parfois aux militaires congolais » a préféré évoquer Carly Nzanzu Kasivita, le gouverneur du Nord-Kivu, dans la presse locale en avril dernier. Ce dernier ajoute aussi n’avoir reçu aucune information sur un soutien de l’armée rwandaise aux opérations congolaises.  

Des témoignages recueillis ces derniers temps par Jambonews auprès des réfugiés rwandais et de quelques autorités coutumières au Nord-Kivu ont confirmé la présence de l’armée rwandaise au Nord-Kivu. D’après ces témoignages, elle y commet des atrocités inqualifiables sur les réfugiés rwandais ainsi que sur les populations congolaises qui tentent de dénoncer ces faits.      

En avril dernier, Jambonews a recueilli le témoignage de Pascal, un ancien des Forces démocratiques pour la libération du Rwanda (FDLR), qui a été rapatrié volontairement le 2 février 2019, puis ramené en RDC par les militaires rwandais pour servir de guide.

Rapatrié volontairement après avoir passé plusieurs années dans les forêts congolaises, Pascal pensait rentrer chez lui pour s’insérer dans la vie civile et refaire sa vie loin des détonations des armes. Néanmoins il a très vite déchanté. À son arrivée au Rwanda, il a été accueilli dans le camp militaire de Mutobo, celui par lequel passent tous les anciens soldats qui rentrent, pour y suivre les Ingando (camps de rééducation). 

De l’espoir au désenchantement

Trois jours avant la fin de la formation au bout de laquelle il devait rentrer dans son village, Pascal a vu une équipe du personnel débarquer, l’emmener lui et un dénommé Éric Akimana, sans savoir où ils allaient. Au bout de la rue il y avait une 4X4 de type Land Cruiser, dans laquelle un colonel avait pris place. Il semblait être le supérieur de ceux qui les emmenaient. Pascal et son compagnon ont pris place à bord du véhicule qui a pris la direction de Rubavu (ville frontalière avec la RDC). Arrivés sur place, ils ont été installés dans une maison, mais le colonel qui les avaient amenés est aussi vite remonté dans sa voiture et reparti. Quelques minutes après, il est revenu avec deux hommes qui semblaient être ses supérieurs hiérarchiques.

« Ces deux hommes se sont assis à côté de nous, ce qu’ils nous ont dit en premier c’est « courage ». Ils nous ont ensuite signifié qu’ils savent bien que je m’appelle Pascal, et mon compagnon Éric Akimana, et nous ont dit que le pays a besoin de notre contribution. Sereinement, j’ai demandé quel genre de contribution le pays attend de nous, ils m’ont répondu qu’ils ont des hommes en RDC dont la mission est de mener des attaques sur les FDRL et sur les réfugiés. « Nous sommes bien informés que toi Pascal tu es venu de Kazaroho, nous voulons que tu sois le guide de nos troupes venus du Rwanda et sont actuellement installées sur le sol congolais ». « J’ai reconnu que je connaissais bien la région de Kazaroho et accepté la mission, d’ailleurs je n’avais pas d’autre choix que d’accepter de les guider vers Kazaroho » nous a raconté Pascal.

Éric devait quant à lui guider les troupes rwandaises à un endroit connu sous le nom de « groupement des écoles » à Kuduwani. Pascal, Éric et un groupe des soldats rwandais ont franchi la frontière dans la soirée par la ville frontalière de Goma. Arrivés à Goma en République démocratique du Congo, ils ont été accueillis par un colonel surnommé Rusimbi, qui leur a fourni à manger et un endroit où dormir. Le lendemain matin, le groupe a reçu des uniformes de l’armée congolaise et les hommes ont mis les gilets par balles, les bottes, les casques, les ponchos qu’ils avaient apportés avec eux du Rwanda. Ensuite, ils ont rassemblé du matériel militaire, notamment des talkies-walkies, qu’ils devaient apporter aux militaires rwandais déjà présents sur le sol congolais. 

« Moi j’ai traversé la frontière avec un lieutenant nommé Gatete, on est parti vers Giseguro. Quant à mon collègue Akimana Éric, il est resté puisqu’il avait pour mission de guider des troupes rwandaises stationnées dans la zone d’Akabarozi, et dont la mission consistait à attaquer la zone qu’on appelle « le groupement des écoles » à Kuduwani. On est parti de Goma tôt le matin dans un véhicule en direction de Giseguro, on ne s’est pas arrêté en chemin. Arrivés à destination, on y a aperçu les soldats rwandais comme on me l’avait dit, néanmoins ces derniers portaient les uniformes de l’armée congolaise. Il y avait aussi une petite section de militaires congolais qui devaient les couvrir pour que la population ne se doute de rien puisque la plupart de ces soldats rwandais ne parlaient pas le swahili ».

Evasion

Apres avoir compris ce qui se tramait, notre témoin affirme n’avoir eu d’autre choix que de décider de s’enfuir.  

« On est resté sur place pendant trois jours en préparant le voyage vers Kazaroho. Je me souviens bien, on est parti de Giseguro vers 15h en destination de Kazaroho, le voyage a duré toute la nuit. Au petit matin on est arrivé à Gahunga, à un pont qu’on devait traverser pour emprunter la route qui mène à Kazaroho. Sur le chemin, on a croisé deux soldats appartenant aux FDRLon a échangé des tirs, mais ils ont réussi à s’échapper. Après les échanges de tirs, les commandants qui dirigeaient les troupes m’ont appelé et m’ont demandé la distance entre cet endroit et Kazaroho. Ils m’ont aussi demandé s’il était possible que les personnes se trouvant à Kazaroho aient entendu ces coups de feux, j’ai répondu que probablement oui, puisque la distance n’était pas significative. Ils ont pris la décision d’annuler la mission et de repartir vers Kahunga. Ils m’ont ordonné de trouver un autre chemin, autre que celui qu’on avait emprunté, ce que j’ai fait puisque j’étais le guide ; on s’est replié en empruntant un autre pont » témoignage Pascal.

Ce dernier continue « Arrivés de l’autre côté de la rivière, nous avons construit un campement dans un endroit qu’on appelle le Tank, car il y a un réservoir d’eau, entre Kiwanja et Kawunga, tout près d’eucalyptus. Nous y sommes restés pendant 3 jours et c’est de là que j’ai commencé à mettre au point un plan d’évasion. Plusieurs raisons m’ont poussé à envisager une évasion, mais la principale est que durant ces derniers jours, il y a eu beaucoup d’affrontement à Giseguro, des FDRL avaient été capturés et amenés par-là, ils ont été tués sous mes yeux. Il était aux environs de 15h quand j’ai réussi à prendre la fuite en passant par un champ de maïs, puis en traversant la forêt, pour me diriger vers la rivière Rucuri. Après avoir franchi la rivière, j’ai commencé à chercher un endroit où loger, c’est ainsi que je suis tombé sur des gens qui font du charbon de bois, dont certains qui me connaissaient ». 

Un agenda caché

Comme en 1995, quand les troupes rwandaises sont entrées en RDC, prétextant venir rapatrier les réfugiés rwandais, mais dont la véritable mission était le massacre systématique des réfugiés à majorité hutus, notre témoin a peu à peu compris les intentions des soldats envoyés par Kigali sur le sol congolais.   

« J’essayais de discuter avec les soldats rwandais qui sont arrivés avant moi, tous étaient catégoriques et unanimes :  » nous ne sommes pas venus pour rapatrier les réfugiés; notre mission est de trouver tout rwandais présent dans cette zone et de le tuer » » dit-il. 

« Ce qu’ils me disaient était vrai car j’ai assisté à l’exécution de deux personnes, et j’ai compris que la mission des militaires rwandais sur le sol congolais était d’assassiner tout réfugié rwandais et tout soldat issu des FDRL. Je peux vous affirmer que les militaires rwandais sont bel et bien sur le sol congolais, sous les uniformes des Forces armées de la République démocratique du Congo (FARDC). Toutes les opérations qu’ils y mènent sont sous couvert des militaires congolais ; toutes les attaques qu’ils mènent sont revendiquées par le gouvernement congolais » conclut-il. 

« A la mi-avril, les militaires rwandais ont mené des incursions dans les villages de Runzenze, Marangara, Kanyeru et Kazaroho en territoire de Rutshuru dans la province du Nord-Kivu, et ont brulé plus d’une centaine des maisons et assassiné plusieurs réfugiés », nous a appris un autre témoin.

Le témoignage recueilli par Jambonews auprès d’un chef coutumier du Groupement Musindi au Nord-Kivu affirme par ailleurs que les Forces démocratiques de Libération du Rwanda (FDLR) ne seraient pas les auteurs de l’attaque du 25 avril dernier, au cours de laquelle dix-sept personnes, dont douze rangers, ont été tués à l’intérieur du parc national des Virunga, joyau naturel et touristique à l’est de la République démocratique du Congo, à la frontière du Rwanda. Ce chef coutumier affirme que les FDRL n’ont d’ailleurs aucun intérêt à attaquer le parc Virunga et tuer les rangers. 

Le 28 avril, trois jours après l’attaque, des rebelles FDRL ont également nié toute responsabilité dans l’embuscade du parc national des Virunga, accusant le régime de Kigali.

Des cas récurrents où des anciens combattants se retrouvent à nouveau au Congo  

Plusieurs cas de combattants ou d’anciens réfugiés rwandais rentrés au Rwanda ont été répertoriés, quelques mois plus tard, dans les endroits où ils avaient été réfugiés. Ceci inquiète les réfugiés rwandais puisque ces personnes qui reviennent connaissent bien tout sur tout le monde.   

Plusieurs organisations de la société civile du Nord-Kivu  ne cessent de s’indigner de voir parmi les militaires qui mènent des incursions à l’est de la RDC des anciens réfugiés rwandais et des anciens combattants ayant évolué dans différents mouvements rebelles. 

« Les Rwandais retournent les anciens combattants issus des différents mouvements rebelles et les utilisent contre leurs anciens compagnons d’armes « , affirme l’un des responsables de la société civile du Nord-Kivu, dans un témoignage sur la RFI le 24 avril dernier. Lui-même dit avoir documenté la présence d’anciens FDLR dans les rangs de ces militaires rwandais de retour au Congo. « Avant, les militaires rwandais qui venaient au Congo ressemblaient aux soldats de l’APR (Armée patriotique rwandaise). Maintenant, ce sont des Hutus et ils portent des uniformes congolais, on peut s’y tromper si on n’est pas attentif. » a-t-il affirmé sur les ondes de RFI.  

Dans une enquête menée par Jambonews, on a appris que le 8 mai dernier, une compagnie de l’armée rwandaise s’était rendue dans la Province de l’Ouest dans le district de Nyabihu dans le camp militaire de Mukamira. Ce groupe de 54 hommes a traversé la frontière rwando-congolaise prenant position dans le parc national des Virunga dans le volcan de Mikeno, à Kabara. Cette compagnie qui mène une opération conjointe avec le 3048 ème régiment des FARDC de Kibumba dans la zone du volcan Nyiragongo à Kalake est dirigé par le major Kayinamura et secondé par le capitaine Gasasira, qui a été reconnu par les habitants car il faisait partie des FDRL avant d’être rapatrié et de revenir dans l’uniforme de l’armée rwandaise.  

Lire aussi:

En 2014, Jambonews avait également mené une enquête et constaté la présence au sein des soldats rwandais de la Mission internationale de soutien à la Centrafrique déployée sous l’égide de l’Union africaine (UA), d’anciens réfugiés rwandais qui ont vécu en Centrafrique avant de rentrer au Rwanda. 

Jean Mitari
Jambonews.net

Burundi : Évariste Ndayishimiye prête serment devant une grande foule

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Le nouveau président du Burundi Evariste Ndayishimiye a été investi ce jeudi 18 juin à Gitega la capitale politique du Burundi en grande pompe, devant des milliers des personnes, pour un mandat de sept ans à la tête d’un pays sous le choc après le décès brusque de Pierre Nkurunziza, l’ancien président. 

Élu aux présidentielles le 20 mai, Evariste Ndayishimiye devait initialement prendre ses fonctions le 20 août, à la fin du mandat de son prédécesseur Pierre Nkurunziza, néanmoins le décès brusque de ce dernier le 8 juin a changé la donne. En effet, à la disparition de Nkurunziza après 15 ans à la tête du pays, la Cour constitutionnelle du Burundi a ordonné l’investiture « le plus rapidement possible », du nouveau président sans une période « d’intérim », pour pallier la vacance à la tête de du pays.

La cérémonie s’est déroulée dans le calme, sous une chaleur étouffante, dans un stade bondé, car chaque province du pays était représentée. « Établir un État de droit qui agit comme père de famille sera ma première préoccupation comme l’exige la constitution, et avec l’aide de Dieu je promets que je l’accomplirai. N’ayez donc pas peur, je connais mes futurs défis. Je vais maintenir l’indépendance du Burundi, la liberté des burundais et je m’engage à les protéger dans leurs droits. Les pays étrangers ne devraient me rappeler mes responsabilités comme ils ont l’habitude de le faire dans le but de nous chercher des problèmes car ça sera déjà ma principale priorité. », a déclaré le nouveau chef de l’État.

En raison de la situation sanitaire actuelle, aucun chef d’État étranger n’a pu assister à la cérémonie. Néanmoins plusieurs pays avaient dépêché des délégations, dont la plus importante fut celle de la Tanzanie dirigée par le vice-président, qui représentait le président John Pombe Magufuli, il était accompagné par l’ancien président tanzanien Jakaya Mrisho Kikwete. A noter l’absence très remarquée du Rwanda, plusieurs pays étaient représentés par des envoyés spéciaux, notamment l’Égypte, le Kenya, la Guinée Équatoriale, le Congo Brazzaville et le Gabon. Le président congolais Félix Antoine Tshisekedi avait annoncé sa présence, mais n’a pas fait le déplacement.

Jean Mitari
Jambonews.net

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