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Boniface Twagirimana: « Il n’y a pas d’élections au Rwanda en 2017»

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Les Rwandais sont appelés aux urnes le 4 août prochain, une présidentielle sans enjeu selon Boniface Twagirimana, vice-président du parti FDU-Inkingi. Dans une interview accordée à Jambonews, Twagirimana affirme que cette élection est une mise en scène visant à permettre au président Paul Kagame, de facto au pouvoir depuis 1994, de se maintenir aux affaires à vie. Il se demande pourquoi Kagame refuse d’affronter de véritable opposant en empêchant les partis d’opposition de participer au scrutin présidentiel de cette année, alors même qu’il continue de clamer haut et fort que les Rwandais ont sollicité son maintien au pouvoir à 97% lors d’un referendum qui lui a permis de changer la constitution et ainsi de briguer un troisième mandat.

Des élections qui n’ont aucun sens 

Boniface Twagirimana, 1er Vice-Président du Parti FDU-Inkingi

Boniface Twagirimana, 1er Vice-Président du Parti FDU-Inkingi

« Il n y a pas d’élections au Rwanda en août prochain« , a insisté à plusieurs reprises Boniface Twagirimana, vice-président du parti FDU- Inkingi dans une longue interview accordée à Jambonews. Dans cette, interview il revient sur le referendum que l’on a, selon lui, forcé les Rwandais à adopter pour permettre au général Paul Kagame qui dirige le pays d’une main de fer depuis plus de vingt ans, de se maintenir au pouvoir à vie. « Le président Kagame a tricoté la constitution pour pouvoir se maintenir au pouvoir à vie » a-t-il déclaré, en rappelant la violence et la répression qui ont entouré ce referendum dont le seul enjeu était selon lui de légitimer la volonté d’un seul homme de diriger le pays à vie.

« En toute évidence les dés sont déjà jetés, ces élections sont en réalité jouées d’avance. Les gens qui ont refusé de signer pour que la constitution soit modifiée ont eu des problèmes, il y en a qui ont été harcelés, d’autres battus, parce qu’ils ont négligé ce projet porté par l’Etat. Vous comprenez donc que celui qui te force à aller voter la modification de la constitution, ne va pas organiser une élection libre et transparente. Paul Kagame a tout manigancé pour se maintenir au pouvoir, ces élections ne sont qu’une formalité. » a souligné Twagirimana.

« Etre opposant dans ce pays, c’est comme perdre sa citoyenneté. »

Bulletin de vote lors de l'élection présidentielle 2010

Bulletin de vote lors de l’élection présidentielle 2010

L’opposant rappelle aussi que la scène politique rwandaise est verrouillée, et que le FPR qui se comporte comme un parti Etat monopolise toutes les sphères politiques, sociales et juridiques du pays, et empêche par tous les moyens l’émergence d’un parti d’opposition. « Le système tel qu’il est conçu ne permet à personne d’adhérer légalement à un autre parti ou d’être membre de l’opposition » confie-t-il. « Sans parler des persécutions, quand tu es opposant tu es exclu de tout service public, tu ne peux pas obtenir de passeport ou de carte d’identité, tu ne peux pas lancer de business, quand tu tentes quelque chose, ils font tout pour te ruiner et te mettre dehors. Bref, être membre d’opposition dans ce pays c’est comme perdre sa citoyenneté. Toutes les forces publiques, que ce soit la police, l’armée ou les services administratifs, se chargent de te persécuter et te pourrir la vie. Ils commencent par te faire renvoyer de ton travail, que tu sois employé dans le public ou le privé », continue-t-il.

« On n’est pas reconnus, mais nous essayons de travailler comme un parti reconnu »

FDU-UDFQuant à la question de savoir si le parti FDU-Inkingi compte se faire enregistrer et participer aux élections présidentielles d’août prochain, Twagirimana affirme que participer aux élections et faire enregistrer le parti n’est pas sur leur agenda immédiat, car le régime de Kigali ne cesse de leur mettre des bâtons dans les roues. Suite à plusieurs tentatives d’enregistrer le parti en rencontrant les mêmes difficultés, son parti aurait fini par se résigner à accepter que le régime ne laissera jamais un parti d’opposition qui n’est pas sous sa coupe se développer dans le pays.

Malgré cela l’opposant déclare que même si son parti n’est pas officiellement reconnu par les autorités, ils essayent de travailler comme un parti reconnu, en écoutant et en réfléchissant sur les problèmes qui accablent la population. « Les instances chargées d’enregistrer les partis politiques nous ont déjà fait comprendre qu’ils ne veulent pas nous enregistrer en tant que parti d’opposition. Persister dans cette voie, ça joue toujours contre nous car ça permet au régime d’avoir les informations sur nos membres et de les pourchasser » souligne le vice-président des FDU, en soutenant qu’abandonner cette étape de la reconnaissance officielle en tant que parti d’opposition ne signifie pas qu’ils lâchent leur combat. Il répète que la liberté confisquée aux Rwandais ne tombera pas du ciel, mais elle viendra de leur obstination en dépit de la détermination du régime en place de mater toute voix dissidente.

«  Nous continuons notre lutte qu’on soit reconnu ou pas, jusqu’à ce qu’ils finissent par comprendre qu’on existe et qu’on ne cèdera pas quoi qu’il arrive » dit-il.

« La liberté ne tombe pas du ciel, il faut lutter pour l’acquérir ».

584bfe05cd709a48787c52a1Twagirimana ajoute qu’en dépit du nombre incalculable de membres du parti emprisonnés et d’autres portés disparus, le parti tient bon parce que « la cause qu’ils défendent a plus de valeur que la peur d’y laisser leurs vies ». Il insiste surtout sur le fait que « la liberté ne tombe pas du ciel », d’où un appel aux Rwandais à se battre pour leurs droits : « Les  Rwandais doivent savoir qu’il est de leur devoir de lutter pour leur liberté, la réponse à leurs problèmes se trouve dans leurs mains. »

« On ne vit pas dans un pays, c’est une prison à ciel ouvert où sont enfermés tous les Rwandais, personne ne peut rien dire ou faire qui aille à l’encontre de ce que le pouvoir veut » confie Twagirimana, qui rappelle que si lui et ses compagnons prennent le risque de défier le régime en prenant les devants au péril de leur vie, cela ne signifie pas qu’ils soient suicidaires ou n’aiment pas la vie, bien au contraire, c’est qu’ils ont compris que la liberté ne tombe pas du ciel, « la liberté se conquiert » dit-il. « Nous sommes conscients qu’une personne qui te prive de tes droits depuis des années, ne peut se décider un jour sur un coup de tête à te les restituer tout simplement » ajoute-t-il.

Le numéro deux des FDU rappelle au général Paul Kagame que l’opposition n’est pas l’ennemie de l’Etat, au contraire l’opposition aide le pouvoir en place à la stabilisation du pays. Il invite le numéro un rwandais à cesser de croire qu’il peut diriger la population comme des moutons sans aucun droit, en leur faisant subir emprisonnements, répressions, et autres atrocités en tout genre.

Jean Mitari

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Interview de Boniface Twagirimana, vice-président du parti FDU-Inkingi

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Les Rwandais sont appelés aux urnes le 4 août prochain, une présidentielle sans enjeu selon Boniface Twagirimana, vice-président du parti FDU-InkingiDans une interview accordée à Jambonews, Twagirimana affirme que cette élection est une mise en scène visant à permettre au président Paul Kagame, de facto au pouvoir depuis 1994, de se maintenir aux affaires à vie. Il se demande pourquoi Kagame refuse d’affronter de véritable opposant en empêchant les partis d’opposition de participer au scrutin présidentiel de cette année, alors même qu’il continue de clamer haut et fort que les Rwandais ont sollicité son maintien au pouvoir à 97% lors d’un referendum qui lui a permis de changer la constitution et ainsi de briguer un troisième mandat.

  • Pour découvrir l’article réalisé à la suite de cette interview cliquez ici

Jambonews: Comment le parti FDU-Inkingi se porte-t-il au Rwanda en cette période préélectorale, surtout quand on connaît les problèmes que vous avez rencontrés ces derniers temps ?

Boniface Twagirimana, 1er Vice-Président du Parti FDU-Inkingi

Boniface Twagirimana, 1er Vice-Président du Parti FDU-Inkingi

Boniface Twagirimana: Je tiens d’abord à rappeler à ceux qui ne le savent pas que nous avons commencé nos activités au Rwanda en 2010. Nous voulions nous positionner comme nouveau parti politique d’opposition, le seul véritable parti d’opposition parce que d’autres partis qui existaient à ce moment, se prétendant d’opposition, n’étaient en réalité que des partis satellitaires du FPR, qui ne faisaient et ne disaient rien sur les préoccupations de la population. C’est même pour cela qu’au début on a rencontré pas mal des soucis, et c’est notamment dans ce cadre que notre dirigeante madame Victoire Ingabire a été incarcérée. A ce moment-là, le régime s’était engagé à combattre vivement toute personne refusant de travailler sous sa tutelle, et notre parti a donc fait les frais de cette politique tout au long des années qui ont suivi.

Un nombre incalculable de nos membres a été emprisonné, et d’autres ont disparu. Malgré cela nous tenons le coup parce que ce dont nous parlons aux Rwandais, nos revendications, ont plus de valeur que la peur d’y laisser nos vies ou d’être emprisonné. Ce qui nous motive à continuer est que nous avons beaucoup de sympathisants partout dans le pays. Vous pouvez suivre les informations sur nos différentes actions sur les forums, les réseaux sociaux, et les radios comme la VOA depuis l’interdiction de la BBC, ce que vous apprenez vient de nos structures politiques, même si le plus souvent nous sommes obligés de cacher l’identité de nos sympathisants pour leur sécurité.

C’est-à-dire que vous ne rencontrez jamais vos membres publiquement ?

Il n’est pas possible de rencontrer publiquement nos adhérents, car ils seraient accusés de tenir une réunion, arrêtés et incarcérés. Nous nous rencontrons clandestinement, et même de cette façon nous ne devons pas être plus de trois personnes à la fois, nous essayons de nous couvrir le plus possible pour qu’en cas d’arrestation, nous ne soyons pas accusés. Nous évitons le plus possible d’être accusés d’avoir tenu des réunions d’un parti non reconnu, et d’exposer nos sympathisants.

Vous militez toujours pour faire enregistrer votre parti, première étape pour qui veut participer aux élections présidentielles d’août prochain ? Car si l’on se rappelle bien, votre présidente Victoire Ingabire fut emprisonnée en 2010 alors que cette procédure était encore en cours ?

Faire enregistrer le parti et participer aux élections ne sont plus sur notre agenda immédiat parce que nous avons constaté que le régime de Kigali continue de nous mettre des bâtons dans les roues et n’acceptera jamais d’enregistrer un parti qui ne travaillera pas sous sa coupe. Les instances chargées d’enregistrer les partis politiques nous ont déjà fait comprendre qu’ils ne veulent pas nous enregistrer en tant que parti d’opposition. D’ailleurs, persister dans ce sens joue toujours contre nous, car ça permet au régime d’avoir des informations sur nos membres et de les pourchasser. Depuis qu’on a compris que le régime actuel n’accepte pas de voix concordante, nous nous sommes résignés à abandonner l’étape de reconnaissance officielle.

Mais bien que nous ne soyons pas reconnus, nous essayons de travailler comme un parti reconnu. Nous sommes à l’écoute des préoccupations de la population, et essayons de réfléchir en tant que parti politique sur les problématiques qui se présentent. Aujourd’hui nous travaillons donc la clandestinité même mais nous respectons les lois du pays. Mais nous devons continuer car celui qui te confisque tes droits ne va pas subitement se décider à te les restituer volontairement. Nous essayons de travailler, de parler des problèmes qui sont là, de montrer que nous existons malgré qu’on nous refuse de nous enregistrer. Nous continuons notre lutte, que nous soyons reconnus ou pas, jusqu’à ce qu’ils finissent par comprendre que nous existons et que nous ne céderons pas quoi qu’il arrive.

Quelle est la position du parti sur les élections à venir ? Quelles consignes donnez-vous à vos sympathisants ? D’aller voter même si vous considérez que les élections n’ont rien de libre ou de transparent, ou de rester chez eux ?

En réalité, ce que nous essayons de faire comprendre à nos sympathisants, de même qu’à la communauté internationale, c’est qu’il n’y aura pas vraiment d’élections dans le pays. Le président Kagame a tricoté la constitution pour pouvoir se maintenir au pouvoir à vie. De toute évidence, les dés sont déjà lancés, ces élections sont en réalité jouées d’avance. Nous disons aux Rwandais de ne pas perdre leur temps avec un scrutin qui n’a aucun sens, des élections sans enjeu. Car un scrutin c’est avant tout permettre aux gens de choisir entre deux choix au moins, et au Rwanda ce n’est pas le cas. Même les gens qui ont refusé de signer pour que la constitution soit modifiée ont eu des problèmes, il y en a qui ont été harcelés, d’autres battus parce qu’ils négligeaient ce projet porté par l’Etat. Vous comprenez donc que celui qui te force à aller voter la modification de la constitution, ne va pas organiser une élection libre et transparente. Paul Kagame a tout manigancé pour se maintenir au pouvoir, ces élections ne sont qu’une formalité.

Cette échéance électorale s’apparenterait-elle donc à un plébiscité plutôt qu’à une élection ?

C’est juste une mise en scène pour permettre à Paul Kagame de se maintenir à la tête du pays. Il ne pouvait pas rester au pouvoir sans un simulacre d’élection visant à asseoir sa légitimité aux yeux de la communauté internationale. La population a été forcée de voter pour la modification de la constitution dans le seul but de permettre à une seule personne de diriger le pays indéfiniment, et tout est fait pour que cette même personne se présente et gagne ces élections. C’est pourquoi nous ne donnons aucune valeur à ces élections. Le seul objectif de ce scrutin est de valider le troisième mandat de Paul Kagame et non de permettre à la population de choisir ses dirigeants. Il n’y a pas vraiment d’élections, et mêmes les proches de Paul Kagame ne s’en cachent pas, le scrutin s’est clôturé avec le referendum. C’est ce même message que nous livrons à la population. Jusqu’à présent dans notre pays, la population n’a pas encore eu le droit de choisir librement ses représentants, les dirigeants s’imposent par la force.

C’est aussi pour ça que le régime refuse d’enregistrer d’autre parti qui puisse participer à faire de ce scrutin une compétition électorale digne de ce nom. Le président Paul Kagame a peur d’un rival en face de lui, il veut être le seul candidat. Par conséquent les jeux sont déjà faits.

Comment va madame Victoire Ingabire, la présidente de votre parti ? Avez-vous des contacts avec elle ?

Elle va bien, elle prépare son procès qui devait avoir lieu le 13 avril mais qui a été reporté au 22. On la voit une fois par jour pendant deux ou trois minutes, juste le temps de lui donner à manger. Elle garde le moral et elle est déterminée à continuer la lutte démocratique. Ce qui se passe ne la décourage pas, parce qu’à son retour au pays, elle connaissait bien les difficultés qui l’attendaient. Quand on la regarde dans les yeux, on ne dirait même pas qu’elle est en prison, au contraire, elle se préoccupe plus de notre situation dehors. A son retour elle savait ce qui l’attendait, donc elle s’était préparée. Elle ne se lamente pas, elle sait ce qu’elle fait, et cette volonté de se sacrifier pour le peuple, elle l’a dans le sang.

Que pense-t-elle de ces élections qui se préparent, vous qui la croisez ?

Sa position est identique à la nôtre puisque ce que nous faisons et ce que nous disons se font en concertation avec elle. Il n’y a pas d’élections au Rwanda, même si cela peut être difficile à comprendre pour les gens qui vivent dans des pays démocratiquement avancés et respectant les droits de l’homme. Quand ils entendent qu’il y aura des élections, ils prennent les choses dans le contexte des autres pays, alors que ça n’a rien à voir. Imaginez un pays où vous n’avez même pas le droit d’adhérer un autre parti que le FPR.

Ingabire comprend que tant que le FPR s’entêtera à refuser l’enregistrement d’autres partis politiques pour qu’il y ait de véritables élections multipartites, il n’y a pas de raison de perdre notre temps en assistant à ces mascarades d’élections, sachant que dans les faits personne au Rwanda n’a le droit de voter pour un autre parti politique que le FPR. La scène politique rwandaise est complètement verrouillée.

Qu’est-ce qui vous empêche de mener des actions pour éclairer la population et attirer l’attention du pouvoir sur les problèmes qui minent le pays ?

J’ai déjà expliqué que même se rencontrer à plus de trois personnes est impossible, vu qu’on risque de vous accuser de tenir une réunion pour un parti politique non reconnu. Tenir une conférence de presse est quelque chose d’inimaginable, personne n’acceptera de prêter de salle par peur des représailles. Vous comprendrez donc que, s’il est impossible de tenir une conférence de presse animée par une personne, l’organisation d’un plus large rassemblement est encore plus difficile. A chaque fois que nous essayons de prendre contacter avec la population, nous sommes accusés de vouloir propager des divisions au sein de la population ou de la pousser à la désobéissance.

On ne vit pas dans un pays ; c’est une prison à ciel ouvert où sont enfermés tous les Rwandais, personne ne peut rien dire ou faire qui aille à l’encontre de ce que veut le pouvoir.

On a fait dans le passé la connaissance de certains de vos partisans comme Leonille Gasengayire ou Illuminee Iragena, qui ont été persécutées. Est-ce qu’il y en a d’autres ? 

Ils sont nombreux. Ces dernières sont celles dont les médias ont eu la connaissance, mais sinon, ils sont nombreux à avoir disparu sans laisser de trace. Ceux dont on a parlé dans les médias, c’est parce qu’ils avaient une certaine notoriété à cause des fonctions qu’ils exerçaient dans le parti. Il y a en a tant d’autres portés disparus, par exemple parce qu’ils suivaient de près les procès des opposants arrêtés. Nous pensons que nombreux d’entre eux ont été assassinés, s’ils ne sont pas gardés dans les prisons secrètes où sont généralement retenus les individus hostiles à la politique du régime. Néanmoins, il est plus probable que la majorité ait été assassinée.Il y a aussi ceux qui ont été licenciés de leur travail accusés d’adhésion aux idées de l’opposition.

En bref, ils sont nombreux ceux qui sont persécutés, être membre de l’opposition dans ce pays est un délit impardonnable. A part les persécutions, quand vous êtes opposant, vous êtes également exclu de tout service public, vous ne pouvez pas obtenir de passeport ou de carte d’identité, vous ne pouvez pas lancer de business. Quand vous essayez quelques chose, ils font tout pour vous ruiner et vous mettre dehors.

Bref, être membre d’opposition dans ce pays c’est comme perdre sa citoyenneté. Toutes les forces publiques, que ce soit la police, l’armée ou les services administratifs, tous se chargent de vous persécuter et vous pourrir la vie. Ils commencent par vous faire renvoyer de ton travail, que vous soyez employé dans le public ou le privé. Le système tel qu’il est conçu, ne permet à personne d’adhérer un autre parti que le FPR.

Si les dirigeants du pays, notamment le président Paul Kagame, nous lisaient maintenant, quel message aimeriez-vous leur transmettre ?

Si Paul Kagame devait nous écouter, je lui dirais qu’il n’a pas le droit de priver les Rwandais de liberté dans leur propre pays, de les prendre en otage et d’en faire ce qu’il veut, et de faire semblant de ne pas comprendre ce qu’il a l’obligation d’entendre. Ce que je lui rappelle c’est que l’opposition n’est pas l’ennemi de l’État, l’opposition aide à la stabilité du pays.

Il doit cesser de croire que l’opposition est un ennemi d’État qui doit être traquée par la police, l’armée et tous les organes de l’État. L’opposition ne doit pas être en prison ou privée des services publics, ce sont des Rwandais comme les autres. Ne pas être dans le parti au pouvoir ne t’enlève pas de ta citoyenneté. S’il a vraiment la possibilité de suivre votre journal, j’aimerais lui dire que parmi les personnes ayant l’intérêt à l’ouverture de l’espace public au Rwanda, il est le premier puisque rien n’est éternel, il ne va pas priver éternellement les Rwandais de leurs droits.

Assassiner, emprisonner, réprimer ceux qui ne pensent pas comme lui ne peut que mener le pays vers un avenir désastreux. Même le bon Dieu en créant l’homme lui a donné le pouvoir de choisir, comment Kagame peut-il priver les Rwandais de leurs droits, en violation des conventions internationales qui plus est ? Il doit cesser de se dire qu’il peut diriger la population comme des moutons sans aucun droit, en leur faisant subir l’emprisonnement, la répression, et les atrocités de tout genre. Il est dans l’intérêt du pays que la population ait ses droits les plus fondamentaux et puisse s’exprimer et intégrer le parti de son choix.

Quel message livrerez-vous aux rwandais, surtout ceux de l’intérieur qui sont victimes de la répression au quotidien ?

Je n’ai qu’un message à livrer aux Rwandais : les problèmes engendrés par le régime dictatorial du général Paul Kagame, en premier lieu la confiscation des droits fondamentaux, ne seront résolus que par eux même. Ce n’est pas le président Paul Kagame qui se décidera de lui-même à restituer les droits qu’il confisqués tant d’années.

La liberté se conquiert. Si nous prenons tout le temps les devants pour donner l’exemple aux Rwandais, cela ne veut pas dire que nous soyons suicidaires ou n’aimions pas la vie, bien au contraire, c’est que nous avons compris que la liberté ne tombe pas du ciel, la liberté se conquiert. Une personne qui te prive de tes droits depuis des années, ne peut se décider un jour sur un coup de tête à te les restituer délibérément. Les Rwandais doivent savoir qu’il est de leur devoir de lutter pour leur liberté, la réponse au problème de leurs droits confisqués se trouve dans leurs mains. C’est à eux seuls de se battre pour la conquête de ces droits.

Ceux qui ont peur de mourir ou d’être persécutés doivent comprendre que la peur ne changera rien. Celui à qu’on cherchera à emprisonner ou à assassiner n’échappera pas à ce sort juste parce qu’il a peur. Ce n’est pas non plus la peur qui va pousser celui qui nous prive de nos droits depuis des années à avoir pitié et nous rendre notre liberté. Les Rwandais ont toutes les cartes dans leur main. Nous sommes tout de même encouragés de nous rendre compte que de plus en plus de personnes surmontent leur peur et parlent.

Kagame lui-même sait que ce qu’il fait est dangereux pour le pays. Mentir à la communauté international en disant que les Rwandais l’aiment à presque 100%, tout en refusant d’affronter un vrai opposant au cours d’un scrutin, montre qu’il sait lui-même que les Rwandais n’ont pas confiance en lui et n’approuvent pas sa façon de diriger le pays, contrairement à ce qu’il fait croire. Si vraiment Paul Kagame était autant apprécié qu’il le prétend, il n’aurait pas peur d’affronter au cours d’un scrutin libre et ouvert, les 3% ou les 7% de la population qu’il prétend être les seuls à ne pas le soutenir. Cela montre qu’il a peur des Rwandais, ceux-ci doivent exploiter cette peur pour leurs intérêts.

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Propos recueillis par Jean Mitari

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Confession d’un jeune Rwandais

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Article d’opinion soumis pour publication par Fabrice Ndikumana

L’avenir me préoccupe. C’est peut-être même l’une des préoccupations humaines avec la plus grande longévité. En ce qui me concerne, après 23 ans de vie, les prochaines décisions que je vais prendre vont être des plus importantes et déterminantes. Pour savoir où je vais, il est important que je sache d’où je viens. Homme en devenir, je me demande : « Pourrais-je véritablement devenir “homme” en ignorant les évènements qui se sont passés avant ma naissance, au Rwanda ? » Tôt ou tard, ne pas suffisamment connaitre mon histoire s’avèrera être une lacune, mais une lacune que, depuis quelques mois, je me suis décidé à combler…

Rwanda+Landscape

« Si la branche veut fleurir qu’elle honore ses racines. »

23 ans après, j’en sais déjà un peu plus esur l’histoire de mon pays. Je fais partie de ceux qui sont nés pendant la guerre… Mais qui n’ont pas pu grandir dans leur pays natal.

23 ans après, le constat de ma relation avec le Rwanda. Elle ne coule pas de source. L’affection que j’éprouve pour ce lieu non-vécu, qui occupe pourtant une place importante dans mon cœur, provient de l’amour que ma famille, mes parents et amis ressentent vis-à-vis de celui-ci. Une relation indirecte donc, néanmoins fort présente. C’est par leur intermédiaire, que mon affection pour le Rwanda existe. Tout comme je voudrais pouvoir m’adresser à Dieu directement sans passer par les saints ; je voudrais pouvoir aimer le Rwanda sans l’aide d’aucun autre intermédiaire, j’aspire à une relation directe. Mais comment ?

Je ne suis plus un enfant et homme je deviens. Il s’agit pour moi de connaître mon histoire, mes racines, savoir, pour pouvoir continuer à construire mon avenir. Ce retour vers le passé a été difficile, mais j’ai réussi à le faire. Qu’est-ce que cela m’a apporté ? Une certaine profondeur, mais surtout
: de la compréhension et de la compassion. J’ai fini par reconnaître que la justice divine n’existait pas. Et comme la justice de l’Homme dépend des intérêts de ceux qui s’en servent, je pense que nous, citoyens, membres de la société civile, nous n’avons pas d’autre choix que de faire advenir la justice ici-bas.

« Ne suis-je pas qu’un produit du passé ? »

Pendant que certains de nos parents mènent des combats divers, ici, au quotidien, et que d’autres encore luttent dans des camps de réfugiés, ou au pays natal, je suis de ceux qui pensent que la jeunesse rwandaise, dont je fais partie, a, elle aussi, un combat à mener. Non pas celui de vouloir établir une Vérité. Encore moins celui qui consiste à faire taire (et parfois à jamais) tous ceux et celles qui désirent entamer cette entreprise. Non, c’est un combat tout autre qui nous concerne selon moi.

Oui, le passé n’est pas au centre de mes préoccupations, après l’avoir approché, j’ai tourné mon regard vers l’avenir, à savoir vers la réconciliation. Après avoir pris acte de notre histoire, le temps de l’interrogation a aussitôt suivi. Moi jeune de la diaspora rwandaise contribuerais-je à l’avènement d’une réelle réconciliation au sein d’un peuple atomisé ? Par cette question je sous-entends que le peuple rwandais ne s’est pas réconcilié. En effet, tout jeune étant un minimum intéressé par le Rwanda, pourrait faire la même observation : la réconciliation du peuple rwandais est une réconciliation de façade.  

« Qui est cet Autre ? »
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Reconnaissant pour ce que nous avons reçu par nos parents, prenons à bras-le-corps les responsabilités liées à la toute nouvelle génération. Où que l’on aille, quoique que l’on fasse, le Rwanda (et son histoire) est et restera une partie majeure de notre héritage. Nous portons donc, en chacun nous, le germe de son avenir. S’il y a une chose dont nous ne devons pas douter, c’est bien celle-là.

Ce motif n’est-il pas suffisant pour que nous laissions le poids du passé derrière nous, pour ainsi faire preuve d’ouverture au sein de nos communautés ? Pour ainsi rencontrer et nous laisser rencontrer par l’Autre ?

Enfin, que puis-je faire à mon échelle ? Serais-je parmi ceux en faveur de la diversité, capable de percevoir nos différences comme des richesses et ainsi enclin au dialogue avec l’autre ? Et la jeunesse rwandaise serait-elle différente des autres ? Parmi la première elle aussi à faire l’éloge de la tolérance, du dialogue et de l’ouverture, mais incapable au sein de sa communauté de rencontrer l’autre, et de se laisser rencontrer par ses frères et sœurs ?…

Sommes-nous vraiment ainsi, des être incapables de rencontrer et de nous laisser rencontrer ?

Fabrice Ndikumana

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Rwanda : Les causes profondes qui handicapent la relance de l’agriculture

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Article d’opinion soumis pour publication par Charles Ndereyehe

Les politiques agricoles du FPR durant les 23 ans de son règne ont conduit l’agriculture rwandaise dans l’impasse. L’échec de la politique agricole FPR découle des deux principales raisons qui suivent :

  • Les produits des agriculteurs sont mal rémunérés par les coopératives imposées par le gouvernement et connectées aux sociétés de transformation ou de commercialisation attachées au FPR[1];
  • La politique économique est loin de se soucier des agriculteurs-éleveurs ; elle met plutôt au centre de ses préoccupations des intérêts des sociétés omniprésentes du FPR[2].

Quiconque connaît bien le Rwanda, sans le découvrir à travers le miroir magique de la propagande grassement payée par le FPR ou des agences internationales qui se basent sur les statistiques manipulées par le gouvernement du président Paul Kagame, constate le contraste flagrant entre les surprenantes statistiques de productions agricoles et les famines chroniques ironiquement nommées “Nzaramba” par les Rwandais, « durable » en français.

Constat accablant

En juillet 2016, j’ai été interpellé par deux articles sur lesquels j’ai donné, mes avis et considérations [3]. Il s’agissait de la publication du chercheur Dr. Neil Dawson[4] et de la déclaration du 16 février 2016 du Ministre de l’Agriculture et de l’élevage[5], Mme Dr G. Mukeshimana.

Contrairement aux affirmations irresponsables des Commis du régime rwandais[6] qui peinent toujours à reconnaître l’échec de ses politiques agricoles et d’insinuer qu’il n’y’a pas de crise alimentaire au Rwanda, beaucoup de journaux locaux continuent[7] de publier les calvaires des agriculteurs rwandais qui émigrent vers les pays limitrophes en quête des produits vivriers. Ces journaux insistent sur les ravages que fait la famine désormais devenue chronique[8] au Rwanda surnommé « Nzaramba» par les paysans rwandais et mettent en exergue le contraste entre les statistiques luisantes des productions agricoles et le désespoir de la population rurale dans tous les coins du pays[9].

Il est de notoriété publique que les statistiques officielles rwandaises sont souvent manipulées[10], pour montrer une autre image de l’agriculture et du développement économique au Rwanda. Pourtant tous les indicateurs économiques clignotent rouge[11]s et montrent la pauvreté et la famine généralisées!

On ne cache pas la fumée quand il y a l’incendie. Le Président Kagame, surtout quand il s’adresse en Kinyarwanda à ses Commis, reconnaît lui-même que le mensonge finit par vous rattraper et vous trahir[12]. En effet, la population rwandaise qui croupit dans une pauvreté multidimensionnelle est estimée à 69% par le Rapport de l’Agence des Nations Unies pour le développement (UNDP)[13] .

La presse locale [14] confirme cet amer constat et montre des réalités économiques caractérisant la pauvreté, chiffres et images à l’appui, au moment où les officiels ont de la peine à reconnaître cette misère rwandaise qu’ils veulent cacher à l’opinion internationale. La vitrine de “la très propre ville de Kigali ”et ses infrastructures poussant comme des champignons, cache ce terrible mal rongeant le petit peuple. Telle est la farce de “good governance” servie ad libitum par le régime à ses sponsors étrangers et décrit comme suit par Ansoms (2009): “Tout comme ailleurs, l’élaboration des politiques est une affaire contrôlée par les élites au Rwanda. La majorité des petits producteurs pauvres a sans aucun doute peu d’influence sur la situation politique. Les responsables de formulation des politiques ont peu de liens institutionnels ou personnels avec les questions de développement rural, et sont nombreux à avoir une attitude condescendante, voire méprisante, envers les petits producteurs pauvres pratiquant des formes «traditionnelles » d’agriculture ” [15] .

Voilà pourquoi la pauvreté est généralisée en milieu rural. Les paysans ont difficile à s’acquitter des cotisations pour l’assurance maladie (Mutuelles), les enfants sont incapables de fréquenter l’école à cause de la pauvreté[16] et de la faim[17] ; ils errent plutôt dans des centres urbains ou s’adonnent à de petits boulots pour survivre. Pour ne pas rater leurs contrats de performance (Imihigo), certaines autorités locales n’hésitent pas à utiliser les milices pour battre à sang des pauvres qui ne peuvent pas payer la mutuelle ou pour détruire les habitations des moins nantis sous prétexte qu’elles ne répondent pas aux normes décrétées[18], les laissant ainsi sans abris à la belle étoile sur les collines.

La politique agricole pernicieuse du régime du FPR

Publication de Dr. Neil Dawson

L’article intitulé Rwanda Hit Surprisingly Bad by the ‘Green Revolution”, en français « Rwanda est désagréablement surpris par la révolution verte» est clair. On y lit Rwandan agricultural policies hurting the poorest of the poor”,  en français «les politiques agricoles rwandaises heurtent les plus pauvres des pauvres».

En effet, des faits bien précis montrent que la politique économique en général et agricole en particulier, est loin de se soucier de la majorité de la population rwandaise dont plus de 85% vivent en milieu rural. :

  1. Le choix du système néo-libéral de façade cache en fait un monopole flagrant des sociétés du FPR ;
  2. La réforme agricole vise à dépouiller des agriculteurs de leurs terres[19];
  3. L’orientation vers la monoculture cache des politiques qui visent à favoriser les nouveaux capitalistes fabriqués ex-nihilo par le FPR et pour le FPR.

Dr. Neil Dawson est d’avis que forcer l’agriculteur à adopter la monoculture en abandonnant son système de polyculture (multi-crops) est un moyen de fragiliser son économie familiale. Il part d’un constat cinglant : « la transformation de l’agriculture rwandaise passe par l’utilisation des intrants (semences, engrais, pesticides…) dont l’accès exige la monétarisation de l’agriculture et des capitaux que le pauvre agriculteur n’a pas ». Pire encore, le gouvernement a adopté la loi sur la réforme agricole[20] qui stipule que si l’agriculteur ne valorise pas son exploitation comme exigé, il perdra ses terres, son principal facteur de production. Le producteur passera donc du statut de pauvre au statut de « sans terres » ; il sera poussé à l’errance, à l’instabilité familiale, à la misère. Les populations deviennent donc victimes des lois votées par des parlementaires imposés par le FPR, parlementaires qui se soucient très peu des intérêts des agriculteurs, à qui ils n’ont aucun compte à rendre.

Le constat de Dr. Neil Dawson se trouve validé par trois faits suivants :

  • Premièrement : Le gouvernement rwandais impose au paysan de prendre le risque économique sans lui donner des garanties de rentabilité financière du système proposé ;
  • Deuxièmement : Quand bien même que la main-d’œuvre familiale serait considérée comme “gratuite”, le gouvernement ne donne aucune garantie que les semences sont de qualité requise ni ne prend aucun engagement d’assurance agricole ou d’exonération de la dette des semences et engrais en cas d’aléas climatiques défavorables ;
  • Troisièmement : L’agriculteur a normalement son système de production pour assurer la sécurité alimentaire à sa famille. Le gouvernement ne garantit pas cette sécurité alimentaire, ni la disponibilité des produits succédanés ou des produits alimentaires de première nécessité que l’agriculteur ne produit pas lui-même. Or, rien n’indique non plus que le revenu financier de la monoculture lui permettra d’acheter, à des prix abordables, ce qu’il ne peut pas produire lui-même ;

Le problème central de tout ce système découle donc de la politique d’interdiction au paysan de choisir lui-même un système de production agricole assurant la sécurité de sa famille. Le paysan se voit forcé à pratiquer la monoculture qui n’a, à ses yeux, aucune justification technique ni économique. Par ailleurs, d’autres analyses ont indiqué que derrière la politique agricole rwandaise de pseudo “révolution verte” se cachent des intérêts des multinationales américaines, Monsanto et Syngenta,[21] associées aux opérateurs économiques locaux qui font la chaîne des sociétés du FPR. Ce sont ces dernières qui contrôlent le secteur Banquier pourvoyeur de crédits agricoles et qui attribuent les marchés relatifs aux services de transport des intrants que les agriculteurs sont obligés d’utiliser malgré eux. Les agriculteurs n’ont aucun pouvoir de négocier ces intrants au prix rendu puisqu’ils se trouvent dans un néo- libéralisme nourri par le monopole de fait de ces sociétés.

La régionalisation des cultures ou le développement des filières de cultures de rente ou de substitution à l’importation est une voie obligée de la modernisation et de la monétarisation de l’agriculture. En 1991-1992 la Commission nationale d’agriculture[22] a publié des options de politiques agricoles qui nous semblaient plus raisonnables. À moins de le justifier par l’incapacité et les qualités douteuses de ses planificateurs, ce que je ne crois pas, le FPR s’est embourbé en voulant réinventer la roue au lieu d’améliorer le produit existant. Je suis plutôt porté à croire que la rigueur des planificateurs s’est heurtée à l’obstructionnisme politique du régime qui a d’autres en-dessous non déclarés. Certains osent même parler d’une volonté politique sournoise de vouloir appauvrir[23] la population pour la dompter et continuer à la tenir en otage.

Déclarations du Ministre de l’Agriculture et de l’élevage, Mme Dr G. Mukeshimana
 Geraldine Mukeshimana

Geraldine Mukeshimana

Madame la Ministre a déclaré: « Certains problèmes que nous enregistrons dans l’agriculture sont liés aux changements climatiques et à la forte régression de la recherche agricole… ».

Les changements climatiques ont certes leur part dans la baisse de la production. Mais, ce n’est pas le Rwanda qui devrait en souffrir plus que les autres pays de la région qui accueillent les immigrants de la faim. Si les cultures de réserves comme le Manioc et le bananier ou résistantes à la sécheresse comme le sorgho et la patate douce à court cycle n’avaient pas été remplacées par le maïs, la situation n’aurait pas été si catastrophique.

Tout ne peut non plus se justifier par le génocide. C’est vrai que la recherche agricole a souffert de la guerre de “libération” du FPR (1990-1994) et de l’instabilité post-conflit (1995-2002), mais c’est trop facile de tout justifier par le génocide. C’est regrettable que cette guerre et les crimes qui s’en sont suivis aient détruit les ressources humaines, dont 7 Tutsi sur 60 chercheurs et un grand nombre de Hutu, non encore officiellement recensés ; certains végètent encore en prison sans dossiers. La guerre a aussi anéanti certains résultats et infrastructures de recherche qui avaient été obtenus grâce aux investissements très coûteux ; on peut citer entre autres plusieurs animaux sélectionnés et les arbres/ cultures pérennes (caféiers et patrimoine forestier) ; les banques de germoplasme créée à Rubona, à Ruhande (Arboretum) et à Ruhengeri (PNAP) .

Comme je l’ai souligné lors d’une conférence à Amsterdam le 19/11/2015 “Sustainable development is not possible without true reconciliation and democracy in Rwanda, which are prerequisite for peace and security[24], l’un des handicaps pour les Rwandais, c’est l’éternel recommencement: le nouveau venu détruit ce que ses prédécesseurs ont construit, et recommence à zéro. Ce manque de capitalisation des résultats d’efforts déjà consentis est un gaspillage énorme et regrettable de ressources financières.

L’ISAR, une expérience réduite à néant

Qu’elle soit fondamentale, appliquée ou de développement, la recherche requiert beaucoup de ressources humaines et financières, du temps et de l’intégrité assidue sans faille. Or, la recherche agricole rwandaise d’aujourd’hui semble souffrir du manque de volonté politique[25] et d’éthique de la part du régime RPF et chez certains chercheurs. N’est-il pas surprenant par exemple, de voir que les résultats de recherche agricole que l’ISAR a réalisés sont rarement cités en référence dans les nouveaux travaux de recherche du régime du FPR?; tout semble avoir commencé en 1994 !

Quand la guerre de 1990 a éclaté, l’ISAR venait d’avoir une expérience de 28 ans (à peine 5 ans de plus que le règne du FPR) de recherche Agro-sylvo-pastorale. L’effort pour une recherche de qualité bien orientée commença avec le premier “plan directeur” en 1985 ; ce plan directeur était dans sa deuxième phase en 1994. Il avait permis la décentralisation de la recherche pour tenir compte de la spécialisation agricole régionale et de la nécessité de la recherche-développement en milieu réel.

L’ISAR totalisait 60 chercheurs qualifiés qui géraient les programmes de recherche sur 8 Centres régionaux de recherche agricole: Ruhengeri (Pomme de terre – Maïs); Rwerere (Blé – Triticale – Pomme de terre – Maïs) ; Mutara (Riz – Soja – Maïs irrigué – Elevage); Kibungo (Bananeraie); Karama (Sorgho –  Manioc – Élevage – Irrigation par aspersion); Rubona (Manioc – Patate douce – Café – Sorgho – Haricot – Arboretum); Gakuta-CZN (Foresterie – Agroforesterie – Terres acides); Ntendezi (Bananeraie – Café).

L’ISAR avait sélectionné des semences adaptées à chaque région agro-climatique et avait élaboré des techniques culturales appropriées. Les résultats de recherche obtenus par l’ISAR sont disponibles dans des Institutions nationales sœurs de recherche agricole du Burundi, Kenya, Uganda et Éthiopie qui étaient regroupées au sein de ASARECA (Association for Strengthening Agricultural Research in Eastern and Central Africa) ainsi que dans des Centres Internationaux de Recherche agricole de la CGIAR[26] (Consortium of International Agricultural Research Centers) qui travaillaient avec l’ISAR.

S’il y avait eu la volonté politique durant les 23 ans de règne du régime actuel, les chercheurs du Rwanda Agricultural Board (RAB) auraient pu y trouver les méthodologies qui ont permis d’atteindre ces résultats, s’en inspirer et apporter des améliorations éventuelles, ou faire de la recherche adaptative en fonction des nouvelles contraintes et  des outils modernes de recherche. Mais , faut-il blâmer la recherche et les chercheurs ou les politiques agricoles incohérentes?

La recherche exige beaucoup et coûte cher. Bénéficie-t-elle d’assez d’attention et de financement[27] ainsi qu’une liberté scientifique pour se référer même aux écrits des scientifiques non alignés ou des non-alliés au FPR? Lui a-t-on assigné des priorités pour réellement résoudre les besoins du paysan?

Tout laisse penser qu’il y a quelque chose de pourri dans le royaume de Gihanga ! En effet, lorsqu’on voit que dans le programme d’intensification agricole du Rwanda en vigueur depuis 10 ans: “Started in September 2007, the CIP program focuses on six priority crops namely maize, wheat, rice, Irish potato, beans and cassava” [28], un doute s’installe, car la Patate douce, le Bananier et le Sorgho sont absents de la liste. On est donc en droit de se demander si le RAB est orienté pour s’atteler réellement aux besoins des paysans. Tout rwandais ou scientifique rigoureux sait que, sauf en hautes altitudes, ces trois cultures constituent, avec le haricot, la base de l’alimentation de la majorité des Rwandais (pp 110-111)[29]. Et, il était même dit, dans la mythologie rwandaise, que le sorgho était parmi les semences de base que le Roi rwandais apportait dans sa poignée de main à sa naissance. Or, actuellement le sorgho est interdit dans plusieurs régions du pays[30]. Quant au maïs, décrété comme monoculture prioritaire, beaucoup d’articles locaux soulignent que son prix n’est pas rémunérateur et ne couvre même pas les coûts des intrants. C’est pourquoi, l’agriculteur travaille à perte, et n’a pas de larges alternatives pour répondre aux besoins alimentaires de sa famille. Ajoutons que, dans l’agriculture pluviale, le maïs est une culture fragile et sensible à la sécheresse. Les paysans paient donc un lourd tribut dû principalement au mauvais choix des politiques agricoles.

La terre appartient à qui la cultive !

Les politiques agricoles judicieuses devraient venir en aide au savoir-faire de l’agriculteur rwandais pour le stimuler à s’améliorer et adopter des filières de cultures rentables. Au fil des années, le paysan rwandais a pu résister aux effets néfastes des aléas climatiques en diversifiant les semences, les variétés et les cultivars, et en associant les cultures.

Un gouvernement cohérent et conséquent respecte son paysan/producteur dans ses choix et comportements économiques, et se soucie des préoccupations journalières des gouvernés ainsi que de la sécurité alimentaire de leurs familles. La recherche agricole n’est qu’une mesure d’accompagnement pour mettre à point des paquets technologiques qui garantissent le profit au producteur et donc leur adoption conséquente. L’interventionnisme coercitif, amendes, retrait des terres, sont des mesures inadéquates à caractère colonial ou monarchique, génératrices des frustrations qui conduisent à des révolutions sanglantes.

Le FPR refuse actuellement les aides alimentaires qui pourraient aider les agriculteurs rwandais à faire la soudure entre deux productions ; il préfère des liquidités souvent détournées[31] par des responsables soigneusement placés dans des cercles de clientélisme devenus monnaie courante! Mais, il n’est ni sain ni durable pour le Rwanda d’investir ces aides financières dans les salaires mirobolants des parlementaires et des hauts fonctionnaires[32], dans des dépenses excessives de multiples voyages du Président à l’étranger[33] ou dans le maintien d’une armée surdimensionnée[34]. Le FPR devrait savoir qu’il est universellement connu que, par rapport à la guerre, le dialogue est l’option la moins chère financièrement et en pertes de vies.

La meilleure solution est de revoir la réforme foncière. Tout en évitant le morcellement des terres, il faut respecter la propriété privée et veiller à ce que la terre appartienne à qui la cultive. Cela favorisera les investissements et les améliorations foncières. La régionalisation des cultures et la spécialisation régionale doivent être stimulées par des mesures incitatives appuyées par des mesures d’accompagnement appropriées dont la recherche, l’approvisionnement des intrants aux prix abordables et les prix rémunérateurs au producteur.

Charles Ndereyehe

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Références

[a] Charles Ndereyehe : Ingénieur Agronome, Chef du service agricole au MUTARA-OVAPAM 1977-1986; Coordinateur des services agricoles à Gikongoro et directeur du projet PIA-PDAG 1986-1992; Directeur général de l’Institut des Sciences Agronomiques du Rwanda (ISAR 1992-1994).

[1]   http://www.economist.com/news/business/21718000-crystal-ventures-has-investments-everything-furniture-finance-rwandan-patriotic

[2]   Rwandan Patriotic Front: Party builds a formidable business group; By William Wallis; September 24, 2012

http://www.ft.com/cms/s/0/7fcab78c-ff1b-11e1-a4be-00144feabdc0.html#axzz41BviKQNT ;

The East African: Our businesses are clean, says RPF ; By Edmund Kagire Rwanda Today ; October 12   2012

http://www.theeastafrican.co.ke/Rwanda/News/Our-businesses-are-clean-says-RPF/-/1433218/1532008/-/7j64skz/-/index.html

http://www.celebritynetworth.com/richest-politicians/presidents/paul-kagame-net-worth/

[3] http://www.fdu-rwanda.com/fr/english-politique-agricole-1995-2016-au-rwanda-contraste-entre-les-belles-statistiques-de-productions-agricoles-et-les-famines-chroniques/

[4]  http://m.en.rfi.fr/africa/20160208-Rwandan-agricultural-policies-hurting-poorest-poor-study

[5]  Ibibazo byugarije ubuhinzi bifitanye isano n’ubushakashatsi bwasubiye inyuma-Minagri : 16-02-2016

http://www.igihe.com/ubukungu/article/ibibazo-byugarije-ubuhinzi-bifitanye-isano-n-ubushakashatsi-bwasubiye-inyuma

[6]  http://igihe.com/amakuru/u-rwanda/article/minagri-yemeje-ko-abanyarwanda-bihagije-mu-biribwa-nubwo-hari-uturere

https://www.youtube.com/watch?v=RD1Uhzk_TUc (VOA: Nta nkumi yigaya koko! Bazivamo nawe aratubeshya ko nta NZARAMBA iri mu Rwanda)

[7] http://rugali.com/ubukana-bw-inzara-nzaramba-bukomeje-kwiyongera-hirya-no-hino-mu-rwanda/

[8]  https://nkbnkb.wordpress.com/2016/02/29/la-famine-qui-fait-rage-au-rwanda-est-elle-virtuelle/

[9] http://www.jambonews.net/actualites/20161207-les-emeutes-de-la-faim-au-rwanda-une-realite-quotidienne

[10] http://www.france24.com/en/20151102-rwanda-accused-manipulating-poverty-statistics

[11] http://www.theeastafrican.co.ke/business/Tough-times-as-Rwanda-cuts-down-on-spending-/-/2560/3245294/-/gsmqrx/-/index.html

[12] https://www.youtube.com/watch?v=d76KOr4oSQU (Umwiherero w’abayobozi b’u Rwanda 2017)

http://umunyamakuru.com/perezida-kagame-aremeza-ubwe-ko-ikinyoma-cyahawe-intebe-mu-butegetsi-bwe/

[13] United Nations Development Programme, « Human Development Indicators », Rwanda : http://hdr.undp.org/en/countries/profiles/RWA

http://www.jambonews.net/en/news/20160624-is-rwandas-economy-resilient/

Le Devoir, « Le développement économique au Rwanda–miracle ou mirage? », le 11 juillet 2008 :http://www.ledevoir.com/non-classe/197227/le-developpement-economique-au-rwanda-miracle-ou-mirage : https://medium.com/@dhimbara/kagames-economic-mirage-892ae7d15cdb#.nyvq7wqgc

[14] http://www.kigalitoday.com, http://www.kigalitoday.com/spip.php?rubrique44, http://izubarirashe.rw/… (détails voir Référence 3)

[15] http://www.iss.nl/fileadmin/ASSETS/iss/Research_and_projects/Research_networks/LDPI/LDPI_WP_16_FR.pdf pg 10

[16] http://www.igihe.com/amakuru/u-rwanda/article/ikibazo-cy-abana-bata-amashuri-cyongeye-kugarukwaho-nk-igiteye-inkeke

[17] http://www.theeastafrican.co.ke/Rwanda/News/US-report-exposes-shame-of-child-labour-in-Rwanda-/-/1433218/2515048/-/l9jkq5/-/index.html

http://www.theeastafrican.co.ke/Rwanda/News/Children-still-face-hardships-despite-Rwanda-high-ranking/-/1433218/2084268/-/3gj0snz/-/index.html

[18] http://www.kigalitoday.com/spip.php?page=ocslevel3&id_rub=1478

http://imvahonshya.co.rw/amakuru/mu-ntara/intara/article/karongi-gitifu-yakubise-izakabwana-umuturage-amuziza-gutura-muri-nyakatsi

[19] https://www.hrw.org/fr/news/2017/03/31/rwanda-le-gouvernement-se-livre-une-repression-dans-des-affaires-foncieres

[20] Official Gazette no Special of 16/06/2013; itegeko n. 43 ryo ku wa 16/06/2013 rigenga ubutaka mu Rwanda; kuva ku ngingo 52 kugeza ku ngingo 63

[21] L’investissement agricole » facilité par l’État au Rwanda : regroupement des terres, renforcement du contrôle par Chris Huggins; Septembre 2013

http://www.iss.nl/fileadmin/ASSETS/iss/Research_and_projects/Research_networks/LDPI/LDPI_WP_16_FR.pdf

[22] Commission Nationale d’Agriculture : Volume I – Novembre 1990: (1) Allocation et Exploitation des Terres de Marais; (2) Le Terrassement pour la Conservation des Sols; (3) Les Cultures Associées ;  Volume II : Appuis à la production agricole ;  Analyse du Sous-Secteur des productions animales ; Avril 1991 ; Volume III : Productions Agricoles du Rwanda ; Zones agro-climatiques du Rwanda ; Juin 1991 ;  Volume IX : La Commercialisation des Produits Agricoles au Rwanda : Février 1992 ; Volume VI – Décembre 1991: (1) Le Sous-Secteur Forestier; (2) Développement des Ressources Halieutiques ; Rapport préliminaire de synthèse : 1992

[23] RWANDA: Politike yo kwicisha abaturage inzara: https://www.youtube.com/watch?v=b11oaeQqGBY

[24]http://www.fdu-rwanda.com/en/english-sustainable-development-is-not-possible-without-true-reconciliation-and-democracy-in-rwanda-which-are-prerequisite-for-peace-and-security/#more-4583

[25] http://www.igihe.com/amakuru/u-rwanda/article/haracyari-icyuho-mu-bushakashatsi-bwo-mu-rwanda

http://imirasire.com/amakuru-yose/hirya-no-hino/mu-rwanda/article/abahanga-mu-rwanda-baranenga-leta-kudaha-agaciro-ubushakashatsi-bwabo

[26] http://www.cgiar.org/cgiar

[27] The Institute of Policy Analysis and Research (IPAR- Rwanda): Annual Analysis of Rwanda’s Agriculture Budget Expenditure 2015-2016; October, 2015 ; Action aid International Rwanda;

http://ipar-rwanda.org/index.php?option=com_edocman&view=document&id=60&catid=1&Itemid=115&lang=en

[28] About Crop Intensification Program- CIP : http://www.minagri.gov.rw/fileadmin/user_upload/documents/CIP/MORE_INFORMATION_ABOUT_CROP_INTENSIFICATION_PROGRAM.pdf

[29] Table 6.4.2 Percentage of households cultivating different crops

http://www.minagri.gov.rw/fileadmin/user_upload/documents/CIP/MORE_INFORMATION_ABOUT_CROP_INTENSIFICATION_PROGRAM.pdf

THE THIRD INTEGRATED HOUSEHOLD LIVING CONDITIONS SURVEY (EICV3)  NATIONAL INSTITUTE OF STATISTICS OF RWANDA

http://www.statistics.gov.rw/survey-period/integrated-household-living-conditions-survey-3-eicv-3.

[30] http://script.igihe.com/ubukungu/article/gatsibo-barakajwe-no-kubuzwa-n-ubuyobozi-guhiga-amasaka-batagishijwe-inama

[31] http://umuryango.rw/amakuru/mu-rwanda/article/wasac-reg-ur-na-rab-mu-batunzwe-agatoki-kubera-guhombya-leta

[32] http://www.theeastafrican.co.ke/Rwanda/News/Outrage-over-huge-disparities-in-new-public-service-salaries-/-/1433218/1855740/-/156yosez/-/index.html  ; http://www.igihe.com/amakuru/u-rwanda/article/ibigenderwaho-mu-kugenera-abayobozi-imishahara

[33] http://www.theeastafrican.co.ke/Rwanda/Opinion/A-leader-who-travels-a-lot-probably-does-not-need-you-so-much/-/1433246/2490140/-/dawxf4/-/index.html

[34] http://www.echosdafrique.com/20160412-rwanda-lois-reprimant-le-negationnisme-une-parade-du-parti-etat-aux-demandes-pressantes-de-democratiser-le-pays

Rwanda assessing risks to stability: CSIS, June 2011: csis.org/files/publication/110623_Cooke_Rwanda_Web.pdf  “….the country’s apparent stability masks deep-rooted tensions , unresolved resentments, and an authoritarian government that is unwilling to countenance criticisms or open debate”;  https://www.theguardian.com/world/commentisfree/2016/jan/03/paul-kagame-and-others-damage-africa-lust-to-rule-for-ever; http://www.twagiramungu.com/index.php/403-panama-papers-les-jets-prives-du-monarque-kagame-et-son-pillage-du-patrimoine-rwandais-6.html

Rwanda — Belgique : Un programme très chargé pour la visite de Kagame à Bruxelles

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Le président rwandais Paul Kagame a été invité pour participer aux European Development Days 2017 qui se tiendront à Bruxelles du 7 au 8 juin 2017. Les Journées européennes du Développement constituent le plus important forum européen sur la coopération internationale et le développement. Le forum de cette année aura pour thème « Investir dans le développement ». Plusieurs sujets seront abordés à travers le thème : la jeunesse, la migration ou encore les partenariats avec le secteur privé.

Une invitation orchestrée par Louis Michel

C’est la seconde fois que le président Paul Kagame va participer aux European Development Days. Il avait déjà participé à l’édition 2006. Il devait à également participer à l’édition de 2010, mais après le refus du Premier ministre belge de l’époque, Yves Leterme, de le rencontrer, très en colère, il avait annulé sa présence au dernier moment et envoyé sa ministre des Affaires étrangères, Madame Louise Mushikiwabo, pour le remplacer. Grâce au travail de lobbying en coulisse de Louis Michel, eurodéputé belge et fervent soutien de Paul Kagame, le président rwandais a été une nouvelle fois invité à participer à ce forum très stratégique pour les questions liées à l’aide au développement et à la coopération entre l’Union européenne et les pays bénéficiaires.

Le président Paul Kagame arrivera à Bruxelles le mardi 6 juin 2017 où il devrait séjourner dans la suite la plus luxueuse d’un grand hôtel du centre de la capitale. Le mercredi 7, premier jour des European Development Days qui se tiendront à Tour & Taxis (un complexe situé dans le centre de Bruxelles dédié aux festivals et conférences), Paul Kagame devrait participer à la Cérémonie d’ouverture et à la signature du nouveau consensus européen pour le développement. Il devrait disposer d’un petit temps pour une allocution et partager la scène avec les présidents de la Guinée, du Sénégal, de la Bolivie, de la Guyane et de la Norvège ainsi que plusieurs dirigeants d’organisations internationales tels que Christine Lagarde, présidente du FMI. Ensuite, Louis Michel a invité le président rwandais à participer au forum « Towards a new partnership with African, Caribbean and Pacific countries : Delivering on global challenges and mutual interests », mais sa présence est encore incertaine. Le panel devrait échanger sur les futures relations entre l’Union européenne et les pays de la zone Afrique-Caraïbe-Pacifique.

Rencontre avec ses quelques soutiens au Dockx Dome

Dans l’après-midi du mercredi 7 juin, Paul Kagame profitera de sa présence à Bruxelles pour rencontrer ses quelques soutiens résidents en Belgique. La rencontre organisée par l’association DRB-Rugali et par l’ambassade du Rwanda à Bruxelles aura lieu dans un tout nouveau centre de conférence bruxellois : Dockx Dome. Le choix de cette salle, situé sur le toit du complexe commercial Dockx Bruxsel, a été tenu secret pour éviter que les membres de la communauté rwandaise et congolaise de Belgique ne puissent organiser de manifestation contre le Président Kagame.

Dans la soirée, Kagame est convié pour un dîner d’honneur au Berlaymont où la Haute représentante de l’Union Européenne aux Affaires étrangères, Madame Federica Mogherini, recevra les chefs d’états et d’institutions internationales qui auront participé à la journée inaugurale des European Development Days.

Dans la matinée du jeudi, 8 juin 2017, le Premier ministre belge Charles Michel a invité le président Paul Kagame au Château de Val Duchesse pour une rencontre bilatérale. Durant son séjour à Bruxelles, Paul Kagame rencontrera en outre différents acteurs internationaux tels que Jean-Claude Juncker, président de la Commission européenne ; Neven Mimica, commissaire pour la coopération internationale et le développement ; Daniel Kablan Duncan, Vice-président de la Côte d’Ivoire, qui participera également aux European Development Days ; Charles Goerens, eurodéputé luxembourgeois proche Louis Michel, qui a lancé différents projets pour lutter contre le VIH au Rwanda ; Tony Elumelu, le dirigeant de Heirs Holding Limited, un groupe d’investissement nigérian ; Werner Hoyer, le président de Banque européenne de développement.

Le bureau du président a annoncé lundi soir que Kagame restera plus longtemps que prévu dans la capitale belge. En effet, dans la hâte, il a été décidé qu’il serait organisé samedi 10 juin, un « Rwanda Day » à Bruxelles. Le « Rwanda Day » est une journée où le Président Kagame rencontre les membres de la diaspora dans un pays étranger. Cette organisation surprise a été décidée dans un contexte où la venue de Kagame à Bruxelles suscite de nombreuses critiques dans la communauté rwandaise et congolaise. Elle aura pour objectif redorer l’image de Kagame qui risque d’être écornée par les différentes manifestations de contestation prévues à l’occasion de sa visite à Bruxelles.

Un programme tenu confidentiel

Le programme du président Paul Kagame à Bruxelles a été tenu secret par son cabinet. D’après nos informations même l’ambassade du Rwanda à Bruxelles n’est pas au courant de tous les détails. Le cabinet du président Kagame à cette habitude de vouloir garder confidentielles les informations liées aux déplacements du président à l’étranger afin d’éviter les mouvements protestataires. En effet, dans tous ses déplacements à l’étranger le président Kagame est régulièrement accueilli par une masse protestataire de Rwandais et Congolais exilés et réfugiés et jugeant sa politique « dictatoriale et criminelle ». Cette visite de Kagame à Bruxelles ne dérogera donc pas à la règle, puisqu’à l’initiative de la communauté rwandaise de Belgique, d’organisations de la société civile, d’associations de défense de droits de l’Homme et de partis politiques d’opposition, une grande mobilisation est prévue le mercredi 7 juin 2017 à Tour & Taxis à partir de 12h30 pour protester contre sa présence à Bruxelles. De tous les Chefs d’État présents pour les European Development Days, il sera le seul qui sera accueilli par des manifestants à son encontre.

Article édité le 05/06/2017 à 23h32

Emmanuel Hakuzwimana

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Rwanda — Belgique : Kagame attendu au tournant à Bruxelles

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Ce mercredi 7 juin 2017, le président Paul Kagame sera à Bruxelles pour participer aux European Development Days 2017. À l’occasion de sa présence dans la capitale belge une mobilisation sans précédent se prépare pour dénoncer le pouvoir « dictatorial et criminel » de Paul Kagame.

Une visite périlleuse 

C’est une semaine très importante pour le président Paul Kagame qui se rendra à Bruxelles à l’invitation des organisateurs des European Development Days. À deux mois des élections présidentielles, Paul Kagame se rendra en Belgique, là où se trouve la communauté rwandaise à l’étranger la plus fervente dans son opposition au pouvoir du FPR. Il n’était pas venu en Belgique depuis 2014 et une visite éclair de 24 h pour participer au sommet Union européenne — Afrique. À quelques mois des élections présidentielles prévues en août prochain, Kagame avait longtemps hésité à venir sur ce terrain hostile de peur d’écorcher son image internationale.

À l’appel des organisations de la société civile, d’organisations de défense des droits de l’homme et en collaboration avec les partis politiques d’opposition, la communauté rwandaise de Belgique, mais également d’Europe est attendue ce mercredi à 12 h 30 à Tour & Taxis à Bruxelles pour une grande manifestation contre la présence de Kagame à Bruxelles. Cette manifestation, dénommée par les organisateurs « #KagameGetOut » (en Français : Kagame dégage) est très attendue dans la communauté. Natacha Abingeneye, présidente de Jambo ASBL, nous a affirmé que « les organisateurs ont très naturellement souhaité nommer cette manifestation #KagameGetOut, tout d’abord parce qu’après 23 ans d’un pouvoir sans partage, dictatorial et criminel, il est temps que cela cesse, que Kagame quitte le pouvoir et qu’une transition démocratique et pacifique puisse s’amorcer ». La mobilisation a dépassé les frontières belges, puisque de nombreux manifestants viendront d’Angleterre, d’Allemagne, des Pays-Bas et de France. « Nous viendrons de loin pour nous unir à nos compatriotes de Belgique pour manifester contre ce dictateur sanguinaire qui non seulement a confisqué la démocratie et la liberté du peuple rwandais, mais massacre aussi son peuple et les populations de la sous-région dans une impunité totale depuis 23 ans ! » nous a confié Leon Ruhungira, le président la Communauté rwandaise de Lyon, qui fera près de 750 km pour répondre à cet appel. Joseph Matata, activiste rwandais des droits de l’Homme rwandais, a également appelé les Rwandais et amis du Rwanda à participer au Sit-in hebdomadaire qui se tient devant l’ambassade du Rwanda en Bruxelles. Il a tenu à souligner le caractère « exceptionnel » du sit-in qui doit avoir lieu ce mardi 6 juin en raison de l’arrivée du président dans la soirée.

Les congolais de Belgique pleinement mobilisés

La communauté congolaise est également pleinement mobilisée. Dans le quartier africain de Bruxelles, Matonge, c’est le sujet sur toutes les lèvres. Junior, un jeune activiste congolais nous a affirmé, au sujet de Paul Kagame, que : « À chaque fois que cet assassin est ici, je dois être là, il faut que le monde entier sache qui il est vraiment, et ce qu’il représente. Il faut qu’on lui fasse sentir qu’on ne veut pas de lui en Belgique, ni même chez nous au Congo où il vient piller nos terres, tuer nos frères, violer nos sœurs et massacrer nos enfants. »

En réponse à la grande mobilisation qui se prépare, l’ambassade du Rwanda a réagi en organisant un rassemblement de soutien qui devrait se tenir tôt dans la matinée du mercredi 7. Une source proche de l’ambassade nous a affirmé : « Cette réunion de soutien a été organisée afin de tenter de répondre à la masse attendue pour manifester contre le Président Kagame ». Il a également été décidé d’un « Rwanda Day ». C’est une journée où le président Kagame rencontre la diaspora rwandaise dans un pays étranger. Attendu au tournant par ses nombreux opposants, ce rendez-vous, organisé dans la hâte, avec ses fans bruxellois est censé redorer une image qui risque d’être ternie par les manifestations de contestation prévues.

La Belgique est le pays regroupant le plus grand nombre de ressortissants d’origine rwandaise en dehors du Rwanda. D’après l’ambassade du Rwanda à Bruxelles, la communauté rwandaise de Belgique atteint 35 000 membres, d’autres sources vont jusqu’à 50 000 et plus. La Communauté rwandaise de Belgique est aussi renommée pour être libre et très fervente dans son combat pour les droits de l’homme, la démocratie et la justice au Rwanda. Elle comporte un grand nombre de partis politiques d’opposition au FPR installés à l’étranger et de nombreuses organisations de la société civile très critique contre le pouvoir du Président Kagame. Kigali a depuis plusieurs années essayé de faire vaciller cette communauté en l’infiltrant ou en faisant rallier à sa cause, moyennant compensation, des personnalités réputées influentes de celle-ci. La dernière tentative de déstabilisation en date est l’apposition de Olivier Nduhungirehe, ancien membre de la communauté et maintenant rallié au FPR, comme ambassadeur du Rwanda à Bruxelles afin de coordonner son noyautage.

Kagame en campagne pour redorer son image internationale

L’élection présidentielle se tiendra le 4 août prochain. Qualifiée de « mascarade » par les principaux partis d’opposition, ils ne présenteront pas de candidat. Qui sera face à Kagame ? C’est encore l’incertitude. Si Frank Habineza, le président du Parti démocratique vert, sera certainement candidat, la participation de Diane Rwigara et Phillipe Mpayimpana, tous deux candidats indépendants, est loin d’être assurée. Le Rwanda est accusé par les organismes internationaux des droits l’Homme de vouloir verrouiller son espace politique et médiatique au bénéfice du FPR et de Kagame. Alors que les rapports critiques sur l’état de pauvreté, la spoliation des paysans, la famine qui fait rage dans le pays, les manipulations des statistiques de développement ou encore la liberté de la presse s’amoncellent et que les langues se délient à l’image de Diane Rwigara, le FPR essaye de reprendre le contrôle de la situation. La récente tentative de verrouiller la communication sur les réseaux sociaux des candidats à la présidentielle par la Commission électorale nationale a été tuée dans l’œuf en raison de la masse de critiques provenant principalement de l’international. La guerre médiatique et de communication fait rage. Ces derniers mois, Kigali a fait appel à ses soutiens historiques tels que François Soudan de Jeune Afrique ou Louis Michel pour soutenir l’image internationale de Paul Kagame. Cette visite à Bruxelles, sur un terrain hostile pour lui, est une prise de risque pour Paul Kagame qui pourrait s’avérer très négative si la mobilisation à son encontre est très suivie.

Découvrez ci-dessous le mémorandum rédigé par la communauté rwandaise d’Europe pour l’occasion:

Découvrez ci-dessous les appels à manifester réalisés par la communauté rwandaise et congolaise de Belgique:

 

Emmanuel Hakuzwimana

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Retour sur une semaine compliquée pour Kagame à Bruxelles

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Paul Kagame, présent à Bruxelles la semaine du 5 au 11 juin 2017 sur invitation des organisateurs des « European Development Days », a eu à faire face à une mobilisation étonnamment ardue durant son séjour dans la capitale européenne. Retour sur les coulisses d’une semaine bruxelloise compliquée et chahutée pour l’homme fort de Kigali.

Le 10 mai dernier, Michael Ryan, l’ambassadeur de l’Union européenne à Kigali, informait les journalistes présents lors de la réception inaugurant les festivités liées à la fête de l’Europe à Kigali que le président du Rwanda, Paul Kagame, participerait aux European Development Days de 2017, qui devaient se tenir du 7 au 8 juin 2017 à Bruxelles.

Retour sur l’opération séduction de Kagame orchestrée par ses lobbys européens

Ce n’est pas la première fois que Paul Kagame est invité aux European Development Days, il avait déjà été invité à l’édition de décembre 2010. A l’époque, le président rwandais avait, à la surprise générale, annulé sa présence une heure seulement avant son passage à la tribune. En effet, considérant avoir été très mal reçu par l’Etat belge, Kagame avait décidé de bouder l’invitation et avait à la place envoyé sa ministre des Affaires étrangères, Louise Mushikiwabo. Le premier ministre belge de l’époque, Yves Leterme avait refusé de recevoir officiellement le Président Kagame malgré l’insistance de la délégation rwandaise. De plus, quelques mois auparavant, une vive altercation avait éclaté entre le ministre des Affaires étrangères belge Steven Vanaeckere et le président rwandais lors d’une visite de travail du premier à Kigali en janvier 2010. Le président rwandais s’était emporté et avait alors menacé le ministre belge alors que ce dernier lui suggérait d’ouvrir un peu plus l’espace politique rwandais. Par conséquent, le gouvernement belge de l’époque, à dominante Démocrate-Chrétien néerlandophone (CD&V), n’entretenait pas les meilleures relations avec le gouvernement rwandais.

Cette invitation pour l’édition 2017 a été préparée, en coulisses, par Louis Michel, eurodéputé et grande figure des libéraux francophone belges. Le père de Charles Michel, l’actuel premier ministre belge, entretient d’excellentes relations avec Paul Kagame depuis son passage au ministère des Affaires étrangères entre 1999 et 2004.

En 2010, au lendemain de la publication du Rapport Mapping faisant état de crime de génocide sur les population hutus à l’Est de la RDC de la part des troupes de Paul Kagame, il avait même créé un groupe de lobbying nommé « Les amis du Rwanda » au sein du parlement européen afin de soutenir les causes et intérêts chers au Président Kagame et redorer son blason au sein de l’hémicycle européen. Après avoir fait échoué l’initiative d’un diplomate allemand qui souhaitait l’adoption de sanctions économiques contre le Rwanda suite à la publication des rapports de l’ONU prouvant l’implication des troupes rwandaises dans le pillage et la déstabilisation de la RDC, il a à plusieurs reprises été accusé d’avoir des intérêts dans le pillage des minerais congolais par le Rwanda tout en réussissant toujours à passer à travers les mailles du filet.

Depuis le début de l’année 2017, Kagame a actionné son réseau de soutien et lobbystes, composé de politiques, journalistes, grands dirigeants et autres influenceurs reconnus mondialement, afin de redorer son image à l’approche d’élections qui sont d’ores et déjà qualifiées de « mascarades, truquées et anti-démocratiques » par l’opposition rwandaise.

Un premier rendez-vous manqué de Kagame avec ses partisans

Les Partisans du régime attendaient Kagame, ils n’auront eu que quelques discours d’officiels

Dès que les membres de l’organisation DRB-Rugali (association des membres de la diaspora rwandaise partisans de Kagame en Belgique) ont appris que le président rwandais viendrait à Bruxelles, une demande a été faite auprès de l’Ambassade afin d’étudier la faisabilité d’un « Rwanda Day » à Bruxelles, requête à laquelle l’Ambassade s’est jointe. Mais dans un premier temps, cette idée n’a pas trouvé suite auprès du bureau du président à Kigali. De plus, après les violences dont les services de sécurités de Kagame ont été les auteurs à l’encontre de journalistes et d’activistes des droits de l’Homme lors du dernier « Rwanda Day » à Amsterdam, les autorités belges n’étaient pas très enthousiastes à l’idée d’accueillir un « Rwanda Day » à leur tour sur leurs terres.

Les collaborateurs du président Kagame ont dès lors décidé de mettre en place 2 événements : une première rencontre entre le président et les membres de la diaspora qui serait organisé le mardi 6 juin dans la toute nouvelle salle de conférence bruxelloise, le Dockx Dome, et une seconde rencontre, avec des invités triés sur le volet, qui devait se tenir à l’Ambassade du Rwanda à Bruxelles le mercredi 7 juin. A l’approche de l’évènement, les organisateurs ont constaté une faible mobilisation de la part des partisans par rapport aux attentes.  En effet, les organisateurs comptaient trop peu d’inscrits, alors même qu’ils s’attendaient à une marée humaine en provenance de l’Europe entière. D’autre part, ils observaient la mobilisation de l’opposition politiquue et de la société civile en exil, #KagameGetOut, prendre de l’ampleur au sein de la communauté rwandaise, alors même que la stratégie de Kagame était de faire de sa visite à Bruxelles une opération de communication et une démonstration de force à l’Europe.

Le bureau de Kagame a donc été contraint de modifier sa stratégie. Il a été décidé que le président ne se rendrait finalement pas aux Dockx Dome pour rencontrer la diaspora. « Cela aurait été un échec de prendre la parole devant 200 ou 300 partisans seulement », nous a avoué un proche de l’Ambassade du Rwanda à Bruxelles. « La décision a alors été prise à Kigali d’organiser un « Rwanda Day » afin de mobiliser un public plus large », nous a-t-il confirmé par la suite. Lors d’une réunion qui a duré jusque tard dans la soirée du lundi 5 juin dans les locaux de l’Ambassade du Rwanda à Bruxelles, les membres de la DRB et de l’Ambassade ont pris connaissance de cette décision et la date du samedi 10 juin a dès lors été fixée. La décision s’est donc révélée judicieuse pour les organisateurs car l’imposante salle du Dockx Dome, pouvant contenir près 1200 personnes, n’a finalement accueilli que 300 partisans. « Nous nous sommes bien amusés, il y avait beaucoup de nourriture, des animations, et même Louise Mushikiwabo est venue quelques minutes, mais c’est vrai que la salle paraissait un peu vide » nous a avoué Claude M. « Toute la semaine, on nous a annoncé que le président viendrait nous rencontrer. Nous étions à Tour & Taxis mercredi dès 8h du matin, où il devait tenir sa conférence pour le soutenir. Nous nous sommes ensuite rendus au Dockx, on nous avait dit qu’il viendrait nous saluer là bas mais nous avons attendu et il n’est finalement pas venu ! J’avais pris congé rien que pour ça », nous a également confié, très déçue, Diane R.

Une première mobilisation qui a largement rassemblé

Du côté des organisations des droits de l’Homme, de la société civile et des partis politiques d’opposition, là aussi, les préparatifs avaient été engagés assez tôt. « Début mai, nous avons appris de la part des instances européennes que l’invitation allait être faite à Paul Kagame afin qu’il participe aux European Development Days. Par conséquent, nous avons directement pris nos dispositions pour mettre en place la mobilisation la plus large possible de la communauté rwandaise afin que chacun puisse exprimer son message et ses désidératas que le pouvoir de Kagame essaye d’éteindre » nous a confié Natacha Abingeneye, présidente de Jambo ASBL.

Au final, pas moins de 17 organisations se sont réunies pour lancer la mobilisation #KagameGetOut. Parmi celles-ci, on retrouvait des organisations de la société civiles telles que Jambo ASBL, initiatrice de la mobilisation ou encore AmahoroIwacu2017, la campagne internationale menée par Peter Mutabaruka et lancé en mai 2016 à Montréal en vue d’une transition démocratique et pacifique lors des élections présidentielles à venir.

On y retrouvait également des associations actives dans le domaine des droits de l’Homme comme Global Campaign For Human Rights in Rwanda de l’activiste René Claudel Mugenzi et basée à Londres, ou encore le Centre de lutte contre l’impunité et l’injustice au Rwanda de Joseph Matata. On y retrouvait par ailleurs le Réseau International des Femmes pour la Démocratie et la Paix, une organisation transatlantique regroupant des femmes déterminées à promouvoir la paix dans la région des Grands Lacs d’Afrique. Du coté politique, on retrouvait les principaux partis d’opposition dont ceux de la plateforme P5, tels que le FDU-Inkingi de Victoire Ingabire et le RNC-Ihuriro du Kayumba Nyamwasa. D’autres leaders de l’opposition comme le Père Thomas Nahimana de Ishema Party ou l’ancien premier ministre, Faustin Twagiramungu se sont également joints à l’initiative.

La classe politique rwandaise de l’opposition et la société civile installées à l’étranger ont longtemps été caractérisés par des querelles internes, des divisions et autres trahisons. Sous l’impulsion de nouveau leaders responsables, les organisations de la société civile et les partis politiques donnent l’air d’avoir trouvé un nouvel élan. « Cette mobilisation est le fruit d’un travail collectif mené par tous dans un sens commun. Nous avons montré que la diversité ne nuit pas, au contraire, elle est créatrice de richesse, de synergie et d’émulation. C’est aussi un message que l’on souhaite transmettre à ce régime qui n’admet qu’une seule vision », a déclaré Brave Bahibigwi, coordinateur du mouvement #KagameGetOut.

C’est ainsi que le mercredi 7 juin 2017, près 300 rwandais, ainsi que des Congolais, des Burundais et des Belges se sont réunis au complexe Tour & Taxis à Bruxelles pour manifester contre la présence de Paul Kagame. Ces derniers dénonçaient le manque de liberté d’expression, la fermeture de l’espace politique, les crimes du FPR au Rwanda, au Congo et au Burundi, l’économie aux mains du pouvoir, une politique générale affaiblissant les populations les plus pauvres et une manipulation des chiffres sur le développement. Les manifestants se sont ensuite dirigés en cortège vers le Dockx Dome où il était initialement prévu que Kagame rencontre ses partisans. Rejointe par une centaines d’autres manifestants, la mobilisation s’est poursuivie devant le complexe commercial bruxellois où le président a finalement renoncé à se rendre.

Un « Rwanda day » organisé à la hâte

Le « Rwanda day » ironiquement surnommé le « Kagame Day » pour sa forme de one-man show présidentiel

Après avoir anticipé l’échec de la journée du mercredi 7 juin, où Kagame devait rencontrer ses partisans, l’Ambassade du Rwanda à Bruxelles et la DRB-Rugali s’étaient lancés dans un marathon pour l’organisation de ce « Rwanda Day ».  Les services du président avaient donné deux consignes aux organisateurs : secret absolu sur les préparatifs et mobilisation la plus large possible. Autre instruction, et pas des moindres, que la ville choisie soit éloigné de Bruxelles afin de tromper les manifestants qui anticiperaient une organisation dans la capitale et décourager les nombreux partisans qui en sont originaires.

Une première salle a été envisagée, l’Ethias Arena d’Hasselt, le plus grand hall événementiel couvert de Belgique qui peut contenir jusqu’à 16000 personnes assises. « Ils sont venu nous voir en début de semaine. Dès le début des discussions, ils nous ont fait comprendre que les finances n’étaient pas un problème et qu’ils étaient prêt à répondre favorablement à toutes nos demandes » nous ont confié les propriétaires du complexe. Même son de cloche du côté du Flanders Expo de Gand où s’est finalement déroulé l’événement : « Ils ne semblaient avoir aucune limite. Les préparatifs tardifs ont demandé des frais supplémentaires pouvant normalement freiner un organisateur lambda mais cela ne semblait pas être un problème pour eux. Ce furent de bons clients », nous a confié une employée du Flanders Expo. Les moyens de mobilisation mis en œuvre étaient colossaux. Il a été demandé aux ambassades du Rwanda en Europe d’affréter des cars au départ des grandes villes de leurs pays respectifs afin de permettre au public le plus large de s’y rendre. Thierry M., un membre de la diaspora rwandaise de Suisse, nous a confié que : « L’ambassade a été très insistante, ils ont appelé quasiment tous les membres de la diaspora pour les convaincre de venir. Après 3 appels de leur part, nous avons fini par accepter. Un voyage aller-retour pour Bruxelles plus le repas offert, le tout aux frais de la princesse, ça ne se refuse pas ! »

Au final l’assistance était très large, 1500 personnes selon les propriétaires de la salle. Bien moins qu’attendu néanmoins puisque le « Rwanda Day » d’Amsterdam avait rassemblé 4000 personnes et que l’Ambassade du Rwanda à Bruxelles espérait dépasser ce chiffre pour l’édition belge. Ce chiffre de 2000 se relativise alors au regard des moyens humains et financiers engagés, du chiffre imposant de Rwandais en Belgique (plus de 35000 d’après l’Ambassade) auxquelles on additionne les milliers de Rwandais invités à se joindre à l’événement avec des cars gratuits et des conditions de voyage exceptionnelles.

La mobilisation contre Kagame a continué toute la semaine et jusqu’à Gand

« C’est lundi soir que nous avons eu la confirmation qu’un Rwanda Day aurait bel et bien lieu à Bruxelles. Mardi à la première heure, nous avions déjà lancé les procédures pour une seconde manifestation. La détresse, la pauvreté et la tyrannie dans lesquelles vit le peuple rwandais nous obligent à rester mobilisés tant que notre peuple ne sera pas débarrassé de ce dictateur » nous a affirmé, très déterminé, Brave Bahibigwi. Les organisateurs ont donc continué à appeler à la mobilisation sur les réseaux sociaux ainsi que dans les communautés rwandaises, burundaises et congolaises de Belgique mais aussi d’Europe. Pour Bahibigwi, : « C’est certainement, le succès populaire et médiatique ainsi que l’élan crée par la première manifestation qui a aidé à sensibiliser un nouveau public et à garder la communauté mobilisée. Nous avons lancé les invitation jeudi, 48h plus tard, 300 personnes ont répondu présent. On ne s’attendait pas à une mobilisation aussi large. ». Ainsi, la communauté rwandaise en Belgique a de nouveau répondu à l’appel des organisateurs et plusieurs centaines de manifestants se sont rendus à la seconde manifestation de la semaine, qui avait lieu samedi 10 juin 2017 au Flanders Expo où se tenait le « Rwanda Day ».

Les manifestants qui ont attendu le président Paul Kagame n’ont pas pu l’apercevoir. Il est en effet rentré par une petite porte détournée à l’arrière du complexe gantois. Un membre du personnel de l’Hotel Holiday Inn de Gand, où Kagame avait décidé de passer la journée, nous a confié que : « Kagame était très tendu et très véhément sur ses collaborateurs, on entendait des fortes remontrances émaner de ses appartements. Il se tenait régulièrement informé de l’évolution de la manifestation qui avait lieu. Il a d’ailleurs repoussé son départ à plusieurs reprises. J’imagine que c’était pour éviter de croiser les manifestants. »

Malgré qu’ils n’aient pas aperçu Kagame comme au Dockx Dome, les organisateurs de la manifestation étaient satisfaits de la mobilisation. Pour Natacha Abingeneye : « cette semaine de mobilisation n’est qu’une petite démonstration de notre détermination à permettre à notre peuple d’atteindre la démocratie, la justice et le développement pour tous auxquels il aspire. Plus les jours avancent, plus l’aspiration du peuple pour un changement radical et une transition politique est grande. La forte mobilisation en continu tout au long de cette semaine démontre qu’un vent du changement commence à souffler. »

Violences et menaces contre les opposants de Kagame

Les déplacements du président Kagame à l’étranger et particulièrement dans les pays à forte concentration de ressortissants rwandais sont toujours marqués par la présence d’un gros contingent de membres de sa Garde présidentielle, et le déplacement de juin à Bruxelles n’a pas dérogé à la règle. Une semaine avant l’arrivée de Kagame, un premier contingent de sa Garde est donc arrivé à Bruxelles afin d’évaluer l’atmosphère et préparer l’arrivée du chef. Cette démarche qui peut paraitre normale pour un président ne l’est pas tant que ça dans le cas rwandais, la Garde présidentielle étant l’unité militaire la mieux entrainée et renommée du pays mais elle est aussi réputée la plus cruelle et donc est la plus crainte. Un agent de la police fédérale belge nous a confié : « La plupart d’entre eux ne sont pas présents en Belgique en tant que membres de la délégation du président. Ils viennent sous de faux papiers, se promènent en civil et sont donc difficilement identifiables comme agents de sécurité habilités à protéger un président. » C’est ainsi que dans un rayon de 2km autour du Complexe Tour & Taxis, où se tenaient les European Development Days, on retrouvait 2 agents rwandais en civil à chaque coin de rue. « Nous en avons croisé un qui semblait particulièrement nerveux du côté de la station de métro d’Yser, nous lui avons demandé de quitter les lieux. Il nous a répondu qu’il ne répondait qu’aux ordres de son colonel. Ils font ce qu’ils veulent, c’est le monde à l’envers ! » nous a confié un agent police en service près du complexe.

Gustave Mukunde, salarié de l’Ambassade du Rwanda à Bruxelles arrêté à Londres en possession d’un poignard

Ces agents venant du Rwanda travaillent main dans la main avec la milice mise en place par l’Ambassade du Rwanda à Bruxelles. Créée en 2014 sous l’impulsion du Lt.Col. Franco Rutagengwa, anciennement à la tête du DMI (Direction des Renseignements Militaires), cette milice au fonctionnement occulte et secret est en charge de la récolte de renseignements, de la sécurité de certaines personnalités et de l’intimidation des membres de l’opposition. Elle compte plus d’une cinquantaine de membres et est organisée en faction afin de couvrir toutes ses missions. Elle est pilotée directement à partir de l’Ambassade, notamment par des individus comme Gustave Ntwarimuheto, 1er secrétaire à l’Ambassade du Rwanda à Bruxelles. Elle compte en son sein plusieurs membres travaillant directement en tant que salariés de l’Ambassade tel Gustave Mukunde, arrêté par la police britannique à Londres en possession d’une arme blanche à proximité d’opposants politiques en 2014, ou Claude Birasa, instigateur de l’attaque contre le journaliste Peter Verlinden et les activiste de Jambo ASBL à Amsterdam en 2015.

Plusieurs opposants rwandais ont été attaqués lors de cette semaine où Kagame était à Bruxelles. Le Père Athanase Mutarambirwa a été agressé, roué de coup et s’est fait volé son appareil photo dans une embuscade qui visait Thomas Nahimana, ex-candidat déclaré à l’élection présidentielle 2017. Le Père Mutarambirwa est très engagé sur les questions des droits de l’Homme au Rwanda. Cette attaque a eu lieu aux alentours de Tour & Taxis alors que le Père Mutarambirwa rentrait chez lui après la manifestation du mercredi 7 juin. Lui et son compère ont été victimes d’une équipe d’une dizaine d’Intore (nom donné aux miliciens du FPR). Parmi eux se trouvait Lewis Murahoneza, précédemment accusé par le régime d’avoir commis des actes de génocide en 1994 mais désormais membre très actif de la milice et travaillant sous les ordres directs du Général de l’armée rwandaise Fred Ibingira. D’autres opposants ont vu leur voiture caillassée ou ont été victimes de coup et de provocation sans gravité heureusement. Toute la semaine les membres de la milice, accompagnés de soldats de la garde présidentielle, ont été aperçu circulant dans les rues bruxelloises dans des vans de location.

Cette violence manifeste des agents de Kagame a poussé un manifestant à répondre lui aussi par la force lors du rassemblement du 7 juin au Dockx Dôme. Alors que les bus des partisans passaient, le manifestant a perdu son sang-froid et a lancé une pierre contre le bus. Un acte immédiatement condamné par les organisateurs qui lui ont directement demandé de quitter le rassemblement : « Nous manifestons pacifiquement contre la violence de ce régime sanguinaire, ne tombons pas dans le piège de la violence qu’ils nous imposent, » a déclaré Joseph Matata, militant des droits de l’Homme en s’adressant à la foule.

Fuite à l’Ambassade du Rwanda à Bruxelles

Comme à son habitude, le secret du programme du président était si strictement gardé que même l’Ambassade du Rwanda n’en connaissait pas les détails. Seuls les membres du bureau du président en détenaient le secret. Ce secret se justifie par la volonté du président de brouiller les pistes afin d’éviter les manifestations d’opposants. Il arrive régulièrement que les lieux où il doit s’exprimer publiquement à l’étranger soient découverts trop tard par les communautés en exil qui ne peuvent alors plus organiser des manifestations légales.

Même les autorités belges étaient décontenancées face à la culture du secret qui prévaut dans l’administration Kagame. « Ils ne veulent nous donner aucune information précise afin que nous puissions faire notre travail. Son programme change toutes les heures, Il a changé je ne sais combien de fois de lieu de séjour, 5 fois l’heure de son arrivée et nous n’avons été informés que quelques heures seulement avant son atterrissage à Bruxelles. En 30 ans de carrières, je n’avais jamais été confronté à de tels agissement de la part d’un président étranger. » nous a confié un agent de la police fédérale belge en charge de la protection des personnalités étrangères.

C’est ainsi que mêmes ses partisans ne savent jamais où ils vont rencontrer le président. « Nous commençons à avoir l’habitude, à chaque fois c’est la même chose, on rentre dans les bus et seul le chauffeur et l’accompagnateur savent où nous allons » nous a confié Alice K. qui a participé aux 3 derniers « Rwanda Day » en Europe.

D’après les informations que nous avons réussis à obtenir, le président et ses collaborateurs directs ont très mal réagi en découvrant que les membres de l’opposition et les médias leur hostiles avaient toutes les informations sur le programme de Kagame. Pour le bureau du président, les fuites ne peuvent venir que de l’Ambassade à Bruxelles. Les collaborateurs du président n’ont appris qu’à postériori que l’Hotel Tangle où résidait Kagame dans la banlieue cossue de Bruxelles était connu, infiltré et surveillé de tous. Des documents appartenant au président y aurait même été récupérés. Des failles de sécurité qui ont été imputées à l’Ambassade et à ses services.

C’est d’ailleurs la divulgation dans les médias du lieu de la rencontre du mercredi 7 juin entre le président et la diaspora, le Dockx Dôme, qui a fini de convaincre le bureau du président de totalement changer ses plans et de finalement organiser un « Rwanda Day » en Belgique.  Même le lieu où se tenait le « Rwanda Day » a été découvert par l’opposition quelques heures seulement après la signature de la convention avec la salle. Cela a permis aux organisateurs de la mobilisation #KagameGetOut d’anticiper et de demander à temps les autorisations de manifester aux autorités belges.

Au final, malgré l’exploit des services de l’Ambassade et de la DRB-Rugali d’organiser un « Rwanda Day » en quelques jours, le bureau du président pointe du doigt l’Ambassadeur, Olivier Nduhungirehe, et ses collaborateurs pour les fuites. Au sein de l’Ambassade et de l’association DRB-Rugali chacun se questionne sur les origines des fuites et les soupçons n’épargnent personne.

Ce n’est pas la semaine qu’il avait prévue

Chahuté par ses opposants, abandonné par ses partisans dans un premier temps, infiltré au sein même de ses propres rangs, Kagame n’aura pas passé la semaine qu’il souhaitait à Bruxelles. Bien que le « Rwanda Day » se soit relativement bien passé, l’opération de communication et la démonstration de force qu’il avait prévues à l’aune de l’élection présidentiel de 2017 ne se sont pas déroulées comme prévu. L’unité retrouvée et le dynamisme insufflé par les jeunes générations au sein de la communauté rwandaise d’Europe redonnent également de la vigueur au mouvement d’opposition contre le président Kagame. Pierre Mertens, un célèbre écrivain bruxellois disait : « Bruxelles est la ville où l’on aime revenir. On partirait d’ici, rien que pour cela. » Pas certain que Kagame puisse faire sienne cette belle citation bruxelloise.

Emmanuel Hakuzwimana

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Rwanda : la gouvernance en question (1er partie)  

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Le programme de développement Vision 2020, publié par le Ministère rwandais des finances et de la planification économique en juillet 2000, puis révisé en 2012, définit la gouvernance que la classe dirigeante en place a promise aux citoyens. Le document du programme indique : « L’État assurera une bonne gouvernance qui peut être comprise comme la responsabilité, la transparence et l’efficacité dans le déploiement de ressources limitées. Cela signifie aussi un État respectueux des structures et des processus démocratiques et qui est engagé en faveur de l’État de droit et la protection des droits de l’homme en particulier. La participation des populations au niveau de la base sera encouragée par le biais du processus de décentralisation, dans lequel les communautés locales seront habilitées dans le processus décisionnel, ce qui leur permettra de résoudre les problèmes qui les touchent le plus » (Pg 10).

 À l’approche de l’année 2020, il convient d’explorer les principales caractéristiques de la gouvernance promise au peuple rwandais. Par conséquent, cette première partie de l’article couvre les défaillances dans les principales caractéristiques de la gouvernance promise, à savoir la responsabilisation, la transparence et l’efficacité dans le déploiement de ressources limitées. L’objectif est de stimuler, en particulier les citoyens rwandais ainsi que les décideurs en exercice comme les postulants, à l’intérieur et à l’extérieur du pays, à travailler avec diligence pour améliorer la gouvernance au Rwanda.

Responsabilité

Bien que le Rwanda ait été classé 2ème à l’indice de la responsabilité sur les 54 pays africains en 2015, le score des indicateurs essentiels de responsabilisation du Rwanda est soit inchangé, soit faible, soit s’est considérablement détérioré entre 2000, l’année au cours de laquelle Vision 2020 a été lancée, et 2015. Cela peut évidemment être observé à partir de L’Indice Ibrahim de la gouvernance africaine de 2016 (IIAG), un indice annuellement publié qui fournit une mesure statistique de la performance de la gouvernance dans chaque pays africain (Pg 12).

Tout d’abord, l’indicateur de la corruption dans les pouvoirs publics et chez les fonctionnaires publics montre que le niveau d’intérêt personnel/de favoritisme et la corruption dans le secteur public rwandais est restée inchangé ; indiquant un score de 60 sur 100 au cours des 15 dernières années.

Deuxièmement, l’indicateur du détournement de fonds public, qui mesure la prévalence du détournement de fonds public vers des entreprises, des particuliers ou des groupes en raison de la corruption au Rwanda,      s’est lui détérioré. Le Rwanda avait atteint 100 sur 100 sur cet indicateur jusqu’en 2010. Depuis, bien qu’il reste considérablement élevé, le score a chuté et le pays n’a plus réussi à l’élever à nouveau à 100.

Troisièmement, l’indicateur de Responsabilité des fonctionnaires publics, qui mesure le degré de pénalités si les fonctionnaires abusent de leurs positions, est resté faible et inchangé, marquant 45,2 sur 100 au cours des 15 dernières années.

Quatrième, l’indicateur de l’enquête sur la corruption n’a pas changé. Celui-ci évalue dans quelle mesure les allégations de corruption dans le secteur public et l’exécutif sont examinées par un organisme indépendant et la mesure dans laquelle le public est satisfait de la façon dont le gouvernement lutte contre la corruption. Cet indicateur indique un score de 50 sur 100 jusqu’à 2014, puis il a chuté à 37,5 en 2015.

Du point de vue des indicateurs de responsabilisation mis en évidence, on comprend leur importance pour promouvoir la bonne gouvernance dans n’importe quel pays. Le Rwanda est un cas particulier en ce qui concerne la responsabilité, compte tenu de la culture de l’impunité et du favoritisme qui a caractérisé l’administration précédente renversée par le régime actuel en 1994. Par conséquent, l’échec du gouvernement actuel du Rwanda à faire des progrès significatifs dans les indicateurs de responsabilité susmentionnés soulève des questions sur sa transparence concernant le budget du pays.

Transparence

En fait, Transparency (Open Budget Index) pour 2015 indique que le gouvernement du Rwanda fournit au public des informations minimales sur le budget. Lors de l’enquête en 2008, 2010 et 2012, le Rwanda a toujours été classé parmi les pays qui fournissent au public peu d’informations, sinon aucune sur le budget. Transparency (Open Budget Index) évalue si le gouvernement central met les documents budgétaires clés à la disposition du public en temps opportun et si les données contenues dans ces documents sont complètes et utiles.

Le rapport de l’Open Budget Survey 2015 que publie Transparency (Open Budget Index) a indiqué que le Rwanda est un exemple frappant d’un pays qui publie tous les documents budgétaires requis, mais le niveau de détail et la variété des informations contenues dans les documents sont limités (Pg 22). En conséquence, le score de transparence du Rwanda était de 36 sur 100, ce qui reste modérément inférieur au score moyen mondial de 45 et inférieur par rapport à celui de l’Ouganda (62), du Kenya (48) et de la Tanzanie (46). À la fin de 2016, le Rwanda n’avait rendu publics que cinq des huit documents budgétaires clés requises, ce qui implique une diminution nette par rapport aux résultats d’Open Budget Survey 2015.

Le budget d’un pays est important, car il est au cœur du développement. Son contenu aide le public à surveiller la façon dont le gouvernement gère les revenus et les dépenses du pays pour favoriser le développement social promis (comme ceux inclus dans Vision 2020) et mesurer les progrès du gouvernement. Par conséquent, le manque de transparence du gouvernement du Rwanda sur les questions budgétaires du pays est une préoccupation. Cela soulève des questions sur son efficacité pour déployer les ressources limitées du pays.

Efficacité dans le déploiement de ressources limitées

Le Rwanda a reçu des louanges des communautés donatrices de l’aide pour son efficacité dans la gestion des fonds d’aide. Le Forum économique mondial a classé le Rwanda 7e sur la liste des pays gouvernementaux les plus efficaces en 2015, grâce en grande partie au faible niveau de gaspillage des dépenses publiques. Toutefois, les éléments de preuve montrent que le gouvernement actuel au Rwanda a perdu, et continue de perdre, des fonds considérables au-delà des dépenses gouvernementales inutiles.

Ceci est documenté dans les rapports annuels publiés par l’Office de l’Auditeur Général du pays. Selon les rapports d’audit passés, le gouvernement rwandais a subi des pertes estimées à 215 millions de dollars américains entre 2002 et 2016 à travers des dépenses publiques irrégulières. Ceux-ci incluent des dépenses non étayées et partiellement soutenues, des dépenses inutiles et des avances illégales au personnel. Si d’autres pertes de fonds publics avaient été incluses, telles que celles provenant d’actifs non utilisés, des contrats retardés et abandonnés, des activités frauduleuses, des services ou des biens payés, mais non livrés, etc., les fonds publics perdus par le gouvernement en place au Rwanda seraient beaucoup plus élevés que le montant indiqué.

Pour le mettre dans une perspective globale, le montant perdu par des dépenses publiques irrégulières équivaut à un prêt de 204 millions de dollars US que le FMI a offert au Rwanda en juin de l’année dernière. Le prêt a été délivré pour permettre au pays de financer ses obligations internationales suite à sa diminution brutale de la réserve due à la baisse persistante des recettes des exportations.

En outre, le montant perdu dans les dépenses publiques irrégulières est en moyenne de 15 millions de dollars US de fonds publics perdus chaque année. Il s’agit incontestablement d’une énorme perte de revenus pour une petite économie, comme le Rwanda, qui aurait pu être utilisé plus efficacement pour faire face à certains des défis de développement auxquels le pays est confronté, tels que :

1) Lutter contre la dénutrition des enfants, que l’étude Cost of Hunger in Africa (COHA) sur le Rwanda a déclaré qu’elle a coûté 11,5 % du PIB du pays en 2012. (Pg12)

2) Relever les défis du changement climatique ainsi qu’éradiquer les insectes ravageurs et les épidémies qui touchent les cultures au Rwanda. La Banque mondiale a indiqué que ces pertes ont affecté la production agricole rwandaise pour une valeur de 1,2 milliard de dollars américains entre 1995 et 2012. (Pg37)

3) Créer un environnement commercial sain pour les petites entreprises informelles. Le développement de ce type de structure est une des recommandations de la Banque mondiale à l’État rwandais pour la création d’emplois et la réduction de la pauvreté en 2013. (Pg51)

4) Développer le secteur des biens commercialisables qui, selon la Banque mondiale, reste inchangé depuis la fin des années 1990. (Pg4)

5) Prévenir la famine continue qui a été dénommée « Nzaramba », qui frappe le Rwanda et qui aurait obligé 100 000 familles à fuir vers les pays voisins à partir de juillet 2016.

Dans ce contexte, la promesse de déployer efficacement des ressources limitées faites par le gouvernement rwandais aux citoyens n’a pas encore été honorée.

Les défaillances dans le reste des principales caractéristiques de la gouvernance promise au peuple rwandais seront couverts dans la deuxième et dernière partie de cet article. Les thèmes qui seront abordés sont : les structures et les processus démocratiques, l’état de droit, les droits de l’homme et le processus de décentralisation.

Écrit par Aimé Muligo Sindayigaya

traduit de l’anglais par Pacifique Habimana

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Rwanda: « Tous les voleurs doivent être tués », le rapport glaçant

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Dans un rapport publié ce 13 juillet 2017, l’organisation de défense des droits de l’Homme Human Rights Watch tire la sonnette d’alarme et accuse les forces de sécurité rwandaises  d’avoir exécuté « au moins 37 personnes soupçonnées de petite délinquance » et d’en avoir fait disparaître au moins quatre autres depuis avril 2016.

Rangée du haut, de gauche à droite : Juma Ntakingora (exécuté le 21 septembre 2016) ; Alexandre Bemeriki (exécuté en octobre 2016) ; Benjamin Niyonzima (exécuté le 16 décembre 2016) ; Basabose Hakuzimana (exécuté le 6 décembre 2016) ; Elias Habyarimana (exécuté le 25 mars 2017). Rangée du milieu, de gauche à droite : Samuel Minani (exécuté le 15 décembre 2016) ; Jean de Dieu Habiyaremye (arrêté fin novembre 2016 et exécuté deux jours plus tard) ; Ernest Tuyishime (exécuté le 5 août 2016) ; Thaddée Uwintwali (exécuté le 13 décembre 2016) ; Emmanuel Ntamuhanga (exécuté en mars 2017). Rangée du bas, de gauche à droite : Fulgence Rukundo (exécuté le 6 décembre 2016) ; Naftal Nteziriza (exécuté fin décembre 2016) ; Jeannine Mukeshimana (exécutée le 16 décembre 2016) ; Jean Kanyesoko (exécuté le 2 août 2016) ; Emmanuel Hanyurwabake (exécuté fin décembre 2016). ©

Dans ce rapport de 42 pages intitulé « tous les voleurs doivent être tués, exécutions extrajudiciaires au Rwanda », l’organisation de défense des droits de l’Homme « décrit en détail comment l’armée, la police et des unités de sécurité auxiliaires, parfois avec l’aide des autorités civiles locales, ont appréhendé de petits délinquants présumés et les ont sommairement exécutés. »[1]

Le rapport, qui se base sur 119 entretiens réalisés notamment auprès de membres de familles de victimes, de témoins ou de responsables gouvernementaux, est un véritable condensé d’horreurs précisément documentées au sujet des atrocités commises par les forces de sécurité dans les districts de Rubavu et de Rutsiro dans la province de l’Ouest du Rwanda.

L’organisation affirme par ailleurs avoir reçu des rapports dignes de foi d’ « au moins six autres exécutions extrajudiciaires qui sont en cours de vérification, incluant des cas qui auraient eu lieu tout récemment, en juin 2017, et quelques cas dans le district de Rusizi (Province de l’Ouest) et le district de Musanze (Province du Nord) ».

Selon le rapport, la plupart des victimes étaient des personnes accusées de vols divers, comme le vol de bananes, d’une vache ou d’une moto, ou étaient soupçonnées « de faire du trafic de marijuana, d’avoir franchi illégalement la frontière de la République démocratique du Congo vers le Rwanda ou d’utiliser des filets de pêche illégaux ».

Le rapport décrit les supplices infligés aux victimes, le plus souvent par des militaires, avant leurs exécutions. Un témoin ayant vu le corps d’une des victimes peu après son exécution a ainsi raconté à l’organisation avoir remarqué « des plaies créées par des balles et des blessures qui semblaient avoir été causées par des passages à tabac ou des coups de couteau. »

Pour Human Rights Watch, « ces meurtres ne sont pas des éléments isolés, mais semblent faire partie d’une stratégie officielle », des autorités militaires et civiles locales ayant expliqué aux habitants après plusieurs exécutions, souvent lors de réunions publiques, « qu’elles appliquaient les ‘nouveaux ordres’ ou une ‘nouvelle loi’ stipulant que tous les voleurs et autres criminels de la région devaient être arrêtés et exécutés. »

Selon Human Rights Watch, ces meurtres sont rarement évoqués au Rwanda malgré le fait que certains ont eu lieu devant plusieurs témoins, en raison des restrictions qui pèsent sur les médias indépendants et la société civile au Rwanda ainsi que de la peur éprouvée par les groupes de défense des droits de l’Homme locaux à l’idée de publier des informations sur ces atrocités.

L’organisation liste ensuite nommément les cas documentés, cite l’identité des victimes, souvent des jeunes n’ayant pas atteint la trentaine et publie leurs photos en détaillant les circonstances de leurs exécutions.

Ainsi, Juma Ntakingora, âgé de 26 ans, a été exécuté le 21 septembre 2016 alors qu’il péchait près du village de Bugarura dans la cellule de Bushaka. Un proche de la victime a raconté à Human Rights Watch: « Il était en train de pêcher avec un ami qui est venu plus tard nous raconter qu’ils avaient été attaqués par le bateau de patrouille militaire, qui a avancé droit sur eux, et que les militaires ont commencé à tirer. Nous sommes allés au lac le lendemain et avons trouvé son corps. Il était encore dans la pirogue qui était échouée sur la berge. Juma avait été tué, atteint par une balle dans le ventre. »

Thadée Uwintwali, un fermier du village de Murambi a reçu la visite de cinq militaires le soir du 13 décembre 2016, qui l’ont interrogé sur le vol d’une chèvre. Ils ont ensuite commencé à le battre avant de l’emmener avec eux. Un proche de la famille a raconté à l’organisation que le corps de Thadée avait été retrouvé le lendemain à une vingtaine de minutes de marche de sa résidence.

Claude Barayavuga, 19 ans et souffrant d’un handicap mental avait des antécédents de vol. Le 27 avril 2017, il vole deux ampoules chez un particulier qui le poursuit et le bat à mort avec un marteau. Le suspect est arrêté et libéré quelques jours plus tard. Selon un habitant du village, la mort de Claude a été décidée quelques jours avant qu’il ne soit tué.  Ce témoin affirme avoir entendu  le chef du village dire lors d’une réunion : “Si Jean-Claude est de nouveau pris à voler, tuez-le”. »

Le rapport documente ainsi de manière précise et détaillée, 37 cas d’exécutions extra judiciaires commises par les forces de sécurité, 2 cas de meurtres par des civils sur incitation des autorités locales ainsi que 4 cas de disparitions forcées toutes commises depuis avril 2016.

Les membres des familles des victimes sont souvent trop effrayés pour réclamer justice, la déclaration de l’oncle d’une des victimes à Human Right Watch résumant leur sentiment face à la situation «Qui pourrions-nous accuser même si nous le voulions ? Ces hommes sont tués par l’État et vous ne pouvez pas accuser les autorités de l’État ».

De peur de subir des représailles de la part des autorités, certaines familles ont enterré leurs proches dans le plus grand secret, et « plusieurs familles ont quitté leur village, lorsque leurs maris, fils ou frères ont été tués, craignant d’être aussi prises pour cible. »

Cliquez ici pour lire le rapport complet

Ruhumuza Mbonyumutwa

Jambonews.net

 

 

 

 

[1] https://www.hrw.org/fr/news/2017/07/13/rwanda-executions-sommaires-de-personnes-soupconnees-de-petite-delinquance

Rwanda: Diane Rwigara, candidate empêchée à l’élection présidentielle, et 4 membres de sa famille portés disparus

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Selon plusieurs sources que nous pouvons confirmer, des hommes armés en habits civils ont entouré toute la nuit du 29 au 30 août le domicile de la famille Rwigara avant d’emmener Diane Rwigara et 4 autres membres de la famille. Pour l’heure, leur lieu de détention n’est toujours pas révélé.

C’est la tante de Diane Rwigara,  Tabita Gwiza qui vit au Canada, qui a révélé l’information sur les ondes de Voice of America, mercredi 30 aout dans la matinée. Diane Rwigara, sa mère, Adeline, sa sœur, Anne ainsi que ses deux frères, Arioste et Aristote ont été emmenés par des forces de sécurité dans un lieu inconnu et sans mandat d’arrêt. Siméon Ndwaniye, l’oncle de l’opposante rwandaise l’a confirmé lors d’une interview avec la BBC : « des membres de la  CID (Criminal Investigation Department ) se sont présentés dans la maison familiale et ont commencé à fouiller partout dans la maison y compris les documents privés, les ordinateurs, les téléphones, l’argent et tout autre chose qu’ils ont voulus prendre avant de les amener  dans une place inconnu jusqu’à maintenant. » Pour le petit frère de Diane Rwigara, Aristide Rwigara, résidant aux Etat-Unis: «Il s’agit de réduire ma soeur au silence, parce qu’elle a dévoilé des choses et qu’elle n’a pas peur de dire ce qu’elle pense de tout le mal que le gouvernement rwandais fait».

Par l’intermédiaire du compte Twitter officiel de la police rwandaise, les autorités ont nié toute arrestation de la famille Rwigara et ont annoncé avoir procédé seulement à une perquisition, en relation avec deux affaires. La première serait l’accusation de la Commission électorale selon laquelle des fausses signatures d’appui ont été jointes au dossier de candidature de Diane Rwigara; la seconde toucherait à des impôts non payés par les sociétés d’Assinapol Rwigara (père de la Famille assassiné en mars 2015). Joint au téléphone par la RFI, Theos Badege, porte-parole de la police rwandaise a déclaré : « Je n’ai pas d’explication pour cela. Je peux juste vous confirmer que nous avons fouillé son domicile et que, dans le cadre de l’enquête des objets qui pourraient constituer des preuves, peuvent être saisis comme des ordinateurs, des documents, même des téléphones peuvent être saisis. Mais elle n’a pas été arrêtée ; aucun des membres de sa famille n’a été arrêté. » Relancé par la journaliste de la RFI sur la raison pour laquelle, il n’y a toujours pas d’enquête lancé pour retrouver les membres de la famille Rwigara disparues, Badege a déclaré n’avoir reçu « aucune plainte disant que Diane Rwigara ou des membres de sa famille ont disparu, donc pourquoi ouvrir une enquête ? »

Les scandales se sont multipliés depuis l’annonce de sa candidature. Des images de l’opposante dénudée ont miraculeusement commencé à circuler sur Internet. Les premières attaques ont été juste après l’annonce de sa candidature le 3 mai 2017, puis les suivantes lors du lancement de son mouvement, People Salvation Movment – Itabaza, le 14 juillet. Pour les soutiens de Diane Rwigara, nul doute, c’est la DMI, les services de renseignement rwandais à la solde du FPR, qui serait à l’origine de ces montages photoshop ignobles. Après une interprétation hasardeuse des listes de signature pour la candidature à l’élection présidentielle et des explications douteuses de la part de la NEC (National Electoral Commission), Diane Rwigara fut exclue de la course au scrutin présidentiel. Le prétexte invoqué est qu’elle aurait falsifié 26 signatures parmi ses soutiens et de compter parmi eux trois personnes décédées.

Diane rwigara (à gauche), Assinapol Rwigara (rang 1), Aristide Rwigara et Arioste Rwigara (Rang 2), Adeline Rwigara (Rang 3), Aristote Rwigara et Anne Rwigara (Rang 4)

Les messages et marques d’inquiétudes se sont multipliés sur les réseaux sociaux de la part des proches, amis et soutient de Diane Rwigara, depuis l’annonce de la disparition inexpliquée de l’opposante et de trois membres de sa famille. En interview avec un journaliste de l’AFRIQUE MAGAZINE en juillet 2017, Diane RWIGARA avait déclarée : « Je crains plus pour la sécurité de mes proches. Au Rwanda, si l’on décide de se lancer dans la politique ou de s’exprimer, les conséquences sont subies par votre entourage. On peut être privé de son travail, faire faillite, se retrouver en prison ou perdre la vie. »

Comme un symbole, l’enlèvement de Diane Rwigara et de sa famille survient le 30 aout, le jour qui a été désigné par l’ONU comme Journée internationale des victimes de disparition forcée. Cette journée a été instaurée pour attirer l’attention sur le sort des personnes emprisonnées contre leur gré dans de mauvaises conditions et dans des lieux inconnus de leurs familles et/ou de leurs représentants légaux. La Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées a été signée à New York, 20 décembre 2006. 93 états sont signataires, et 43 Parties à la convention. Cependant, le Rwanda refuse toujours d’y adhérer. « Les disparitions forcées ont souvent servi de stratégie pour faire régner la terreur dans une société », rappelle l’ONU. Le sentiment d’insécurité résultant de cette pratique ne se limite pas aux proches de la personne disparue mais touche aussi la communauté et l’ensemble de la société. Au Rwanda, ceci est une pratique courante. Un nombre croissant de personnes ont été victimes de disparitions forcées ou ont été officiellement portées disparues au Rwanda depuis 2015 et le début de la campagne pour le changement de constitution devant permettre à Paul Kagame de se maintenir indéfiniment au pouvoir. Plusieurs cas ont été largement documentés ; tels que Illuminé Iragena, membre du FDU-Inkingi, un parti d’opposition, qui n’a jamais été retrouvée. Rappelons également les cas des corps retrouvés dans le lac Rweru faisant suite à une série de disparitions dans les villages de personnes critiques au pouvoir.

TURINIMANA GATSINZI Egide

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Rwanda : la famille Rwigara enfermée à domicile ?

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Ce lundi 4 septembre 2017, une dizaine de policiers ont arrêté Diane Rwigara, sa mère Adeline Rwigara et sa sœur Anne Rwigara et les ont amenées au poste de police, avant, selon la police, de les relâcher dans la foulée. Cet épisode constitue un énième rebondissement dans une affaire autour de laquelle règne, depuis une semaine, une grande confusion en raison des versions divergentes qui circulent.

Diane Rwigara (devant), sa mère et sa soeur, entourées par la police lors de leur arrestation du 5 septembre 2017

Rétroactes

Diane Rwigara est une jeune femme de 35 ans qui avait décidé de se présenter aux élections présidentielles rwandaises du 4 août 2017. Elle est aussi la fille d’Assinapol Rwigara, un riche homme d’affaires souvent présenté comme « le financier du FPR », le parti au pouvoir au Rwanda, et qui est tombé en disgrâce, en raison de son indépendance selon sa famille. Le 4 février 2015, Assinapol Rwigara décédait; officiellement suite à la collision entre sa voiture et un camion, mais pour la famille qui avançait plusieurs éléments en ce sens, il s’agissait plutôt d’un assassinat maquillé en accident.

Très rapidement après l’annonce de sa candidature, Diane Rwigara a été vue comme la principale challenger de Paul Kagame et les soucis ont commencé pour elle et son entourage. Elle fut empêchée de se présenter aux élections, les autorités prétextant un nombre de signatures valables insuffisant, là où elle déclarait avoir près du double des signatures nécessaires.

La suite est connue. Sans réelle opposition, Paul Kagame remporta l’élection avec 98,63% des voix pour un taux officiel de participation de 96,42%. On pensait alors l’affaire close et Diane Rwigara ainsi que sa famille hors du collimateur des autorités rwandaises.

Mais le mardi 29 août, Diane Rwigara et une partie de sa famille ont été interrogées par la police. Suite à l’interrogatoire, la famille n’a plus donné signe de vie et Aristide Rwigara, l’un des frères de Diane vivant aux Etats-Unis, a affirmé à Reuters, sur base de témoignages qui lui étaient parvenus, que sa famille avait été emmenée menottée par la police, dans un lieu inconnu. Depuis plusieurs jours, la confusion régnait car la police de son côté affirmait catégoriquement ne pas détenir la famille, assurant n’avoir procédé à aucune arrestation, mais reconnaissant avoir fouillé le domicile en raison de soupçons d’« évasion fiscale » et de « falsifications de documents ».

La version de la police rwandaise était toutefois sujette à caution car il arrive fréquemment qu’elle nie détenir des personnes avant de le reconnaître par la suite. L’un des derniers épisodes retentissants en date concerne Violette Uwamahoro, une Rwando-britannique enceinte qui s’était rendue au Rwanda pour l’enterrement de son père. Bien qu’elle ne soit membre d’aucun parti politique, Uwamahoro est mariée à Faustin Rukundo, un cadre du mouvement d’opposition Rwanda national Congress. Le 14 février 2017, alors qu’elle s’apprêtait à regagner la Grande-Bretagne, elle n’avait plus donné signe de vie et pendant plusieurs jours, les autorités rwandaises avaient nié la détenir, avant que la police ne confirme sa détention le 3 mars 2017.

Ce lundi 4 septembre 2017, coup de théâtre dans l’affaire Rwigara. Plusieurs journalistes ont été invités par la police afin d’assister à l’arrestation de la famille et constater que durant toute cette période pendant laquelle sa disparition était annoncée « la famille se cachait dans sa cuisine » comme le rapporte le New Times, le principal quotidien pro gouvernemental rwandais.

« Si c’est moi que voulez, prenez-moi, amenez-moi, mais qu’est-ce que ma famille a à voir là-dedans? »

Mais malgré la confusion de la scène et le nombre de policiers et journalistes présents, Diane Rwigara et sa mère Adeline Rwigara se sont exprimées et ont donné leur version des faits.

Dans une vidéo de l’arrestation devenue virale au cours des dernières heures, l’on entend Diane Rwigara et sa mère s’écrier en chœur « depuis combien de temps sommes nous enfermés ici ? Pourquoi venez-vous mentir aux journalistes ? »

La candidate empêchée s’adresse ensuite seule à un des policiers,  » Dites-nous d’abord ce que vous nous reprochez ? » Et le policier lui répond d’une voix calme « Vous le saurez une fois arrivés au poste de police. »

Particulièrement remontée, la jeune femme hausse ensuite le ton et continue en s’adressant au même policier : « Vous nous avez enfermés ici, vous avez pris tout notre argent, vous avez pris tous nos téléphones, comment vouliez-vous que nous nous rendions au poste alors que vous ne nous avez rien laissé ? Vous êtes juste des menteurs et des voleurs ! » Avant de continuer d’une voix ferme : « Si c’est moi que vous voulez, prenez-moi, amenez-moi, nous savons tous ce que vous me reprochez, à savoir que je me sois portée candidate aux élections, mais qu’est-ce que ma famille a à voir la dedans ? Que reprochez-vous à ma mère ? Que reprochez-vous à mes frères et sœurs ? »

« Il va tuer mon enfant »

Dans une audio qui circule également sur les réseaux sociaux et qui semble être la suite de la scène, l’on peut entendre la maman de Diane Rwigara, manifestement en passe d’être menottée, prendre le relais de sa fille et s’écrier « Laisse-moi parler, laisse-les me mettre les menottes, j’y suis habituée, j’y suis habituée, cela fait une semaine que mes enfants et moi sommes menottés, enfermés dans cette maison, ma fille s’est présentée comme une Rwandaise, dans ce pays dans lequel personne n’a aucun droit (…), amène vite les menottes, j’y suis habituée! »

Après un court moment de confusion, la veuve d’Assinapol Rwigara continue : « Vous les avez amenés (parlant des journalistes, ndlr), alors laissez-nous nous exprimer, vous n’êtes pas malins, vous pensez que ce sont tous des tueurs comme vous? L’Etat s’est engagé à exterminer sa propre population.(…) »

S’adressant ensuite aux journalistes présents, la mère de famille déclare : « Cela fait une semaine que mes enfants et moi sommes dans cette maison, menottés et sous la surveillance de la garde présidentielle, ils nous ont pillés, ils ont détruit notre maison, le plafond a été détruit, tout est à même le sol, toutes les portes ont été défoncées, ils ont pris tout notre argent! »

Elle est ensuite interrompue par un brouhaha dans lequel on entend notamment des chiens aboyer et dans lequel on peut distinguer un homme crier « Qu’est-ce que tu fais ? ».

L’on distingue ensuite à nouveau la voix de la mère de famille qui s’exclame, presque en sanglots, sur un ton d’appel à l’aide : « Attention tu vas tuer mon enfant, il est entrain de tuer mon enfant, ils veulent aller tuer mon enfant, ils veulent aller tuer mon enfant, c’est ce à quoi ils sont habitués (…) depuis 1995, un état de tueurs, vous êtes des Interehamwe d’un autre genre ! »

Diane, Anne et Adeline Rwigara ont ensuite été emmenées au poste de police. Ce 5 septembre au matin, la police rwandaise annonçait sur son compte twitter que les trois femmes avaient été ramenées à leur domicile suite à l’interrogatoire et a dans la foulée ajouté que « l’enquête continue et que ceux qui sont impliqués peuvent être rappelés pour d’autres interrogatoires ».

En réponse au tweet de la police, le compte officiel de Diane Rwigara, actuellement géré par son assistante, a répondu : « Si les Rwigara sont libres, pourquoi n’ont-ils aucun contact avec quiconque, famille, amis, ou autorités belges ? », avant d’ajouter dans un second tweet « Le harcèlement et l’oppression de la famille Rwigara continuent. La police est délibérément entrain de tromper le public. »

« Notre campagne continuera »

Dans un communiqué envoyé à la presse ce 5 septembre 2017, Aristide Rwigara, le frère de Diane, actuellement aux Etats-Unis, dénonce les propos de la police selon lesquels la famille avait refusé de répondre aux convocations de la police et les qualifie de « façon erronée de couvrir la détention illégale à laquelle la famille avait été soumise depuis le mardi 29 août 2017 ».

Dans le communiqué, le jeune homme affirme ne pas savoir où, entre les lieux de détention et la maison, la famille aurait passé ses dix dernières nuits. « Nous savons juste qu’ils ont été empêchés de communiquer avec qui que ce soit d’autre, y compris les membres de la famille et les amis proches.»

Il termine son communiqué en remerciant toutes les personnes qui se sont mobilisées en faveur de la famille et estime que leurs actions « pourraient avoir sauvé leur vie ». Il conclut en expliquant que la campagne continuera « jusqu’à ce que cette opération illégale et d’oppression contre la famille Rwigara soit terminée ».

Ruhumuza Mbonyumutwa

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Rwanda : nouvelle rafle d’opposants à Kigali, les FDU et le PDP visés

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Dans la matinée de ce mercredi 6 septembre 2017, le Premier Vice-Président des FDU-Inkingi, Boniface Twagirimana, 4 autres hauts cadres du parti et les travailleurs de maison ont été arrêtés par les forces de sécurité rwandaise à Kigali et Rubavu. En plus des membres des FDU-Inkingi, Jean-Marie Vianney Kayumba, porte-parole des PDP-Imanzi a lui aussi été mis sous arrêt. Dans la soirée la police a déclaré avoir procédé à l’inculpation 7 individus, 4 membres du FDU-Inkingi et 3 autres non identifiés.

Rafle à Kigali et Rubavu

Au centre: Boniface Twagirimana – A droite: Leonille Gasengayire et Gratien Nsabiyaremye – A gauche: Theophile Ntirutwa et Jean-Marie Vianney Kayumba

Ce mercredi aux alentours de 12 h, nous apprenions par l’intermédiaire d’un membre du voisinage que le quartier où se situe le siège des Forces Démocratiques Unifiées — Inkingi à Kicukiro était bouclé par les forces de l’ordre. « Plus personne n’a le droit d’approcher les rues environnantes, les gens ont ordre de ne pas sortir de leur maison, même les balayeurs de rue ont été chassés, plusieurs voitures de police patrouillent dans les alentours », nous a-t-il confié au téléphone.

Nous apprenions quelques instants plus tard que Boniface Twagirimana (1er Vice-Président des FDU-Inkingi), Fabien Twagirayezu (responsable de la mobilisation), Gasengayire Leonille (trésorière adjointe), Alphonse (employé de maison) et Julien (Gardien) avaient tous les 5 étés mis sous arrêt par la police rwandaise. Ils se trouvaient au siège du FDU-Inkingi.

Joint par téléphone un membre des FDU à Kigali nous a apporté quelques précisions : « quand nous avons appris la nouvelle, nous avons directement rejoint les lieux. Les voitures de police étaient parties, le quadrillage avait été relâché. La rumeur disait que nos compères auraient été emmenés au siège du CID. En arrivant, j’ai aperçu certains journalistes et individus qui m’ont fait penser à des policiers en civil devant l’entrée principale. Je me suis alors introduit dans la propriété par une porte détournée. J’ai alors aperçu mes compères assis dans la cour, menottés et sous le joug d’individus dont certains portaient l’uniforme de police et d’autres étaient en civile. J’ai alors directement fait chemin inverse. Ils ont tenté de me poursuivre, mais par la grâce de Dieu, j’ai réussi à leur échapper ».

Nous avons également pu échanger avec Théophile Ntirutwa, coordinateur des FDU-Inkingi à Kigali qui nous a appris que simultanément à l’attaque qu’ont subite les membres des FDU à Kigali, une autre avait eu lieu à Rubavu, dans le nord-ouest du pays. « Ce matin, nous avons également appris que Gratien Nsabiyaremye, a été arrêté sans mandat par des hommes non identifiés alors qu’il était dans sa résidence à Rubavu. Sa résidence a été mise à sec et elle est à l’heure actuel encore sous le contrôle des forces de sécurité », nous a affirmé Ntirutwa en milieu d’après-midi. Gratien Nsabiyaremye, est le Commissaire-adjoint à la Stratégie et aux affaires politiques des FDU-Inkingi.

Les FDU, mais aussi le PDP visé

Quelques minutes après avoir échangé avec Théophile Ntirutwa, c’est un de nos contacts proche de la police rwandaise qui nous apprenait que celui-ci ainsi que Jean-Marie Vianney Kayumba, porte-parole de PDP-Imanzi, un parti d’opposition, venaient à leur tour d’être capturés par des forces sécurités. « Ils étaient recherchés depuis ce matin, ils ont été retrouvés à Kicukiro près de la quincaillerie Sonatube », nous a confié notre contact qui a préféré rester anonyme.

Pour Jean-damascène Munyampeta, Secrétaire général du PDP-Imanzi : « C’est clairement une opération préparée, le régime veut se débarrasser de tous les opposants une bonne fois pour toutes. »

Placide Kayumba, membre du comité exécutif des FDU-Inkingi, et qui réside en Europe, nous a lui aussi confirmé les faits survenus : « Ces arrestations font partie de l’arsenal répressif en vue d’intimider la population rwandaise pour qu’elle adhère inconditionnellement au pouvoir du FPR. Nous suivons minute par minute la situation à Kigali. À la vue des membres des FDU qui ont été assassinés récemment, nous sommes très inquiets pour le sort de nos compères qui ont été arrêtés dans des circonstances douteuses et dont nous n’avons toujours pas de nouvelle rassurante à l’heure actuelle. »  

Accusés d’être liés à un groupe armé 

Twagirimana et Nsabiyaremye en compagnie d’une délégation de parlementaire européens (octobre 2016)

Plus tard dans la soirée un communiqué de la Police nationale a indiqué que les forces de l’ordre « ont procédé à l’inculpation de 7 individus liés à des groupes armés opérant dans un pays voisin ». Le communique indique que « 3 des suspects sont des jeunes recrues interceptées en route pour aller se former militairement à l’extérieur du Rwanda ». Les jeunes suspects auraient ainsi « révélé des détails qui ont mené à l’arrestation de quatre individus soupçonnés d’être des recruteurs dans la province de l’Ouest et la ville de Kigali ». Ainsi la police déclare détenir : Boniface Twagirimana, Fabien Twagirayezu, Gratien Nsabiyaremye, Leonille Gasengayire (tous cadres des FDU-Inkingi) ainsi que Ufitamahoro Norbert, Twagirayezu Janvier et Nshimiye Papias (que nous n’avons pas encore pu identifier à l’heure d’écrire ses lignes). Pas d’information donc à propos de Theophile Ntirutwa, Jean-Marie Vianney Kayumba et les travailleurs de maison qui, à l’heure actuelle et selon nos informations, sont toujours détenus par les forces de sécurité.

Les FDU-Inkingi ont réagi au communiqué de la police auprès de Jambonews par l’intermédiaire de leur porte-parole, Justin Bahunga. « Nous nions catégoriquement et rejetons totalement ces accusations. Ces arrestations démontrent un régime acculé et comme tout pouvoir dictatorial, face à l’adversité il réagit par la force, par la diversion et en apeurant le peuple pour éviter toute réaction de sa part. Ce n’est pas la première fois qu’ils accusent les FDU de préparer un soi-disant groupe armé. Ils avaient déjà essayer d’accoler à Victoire Ingabire cette accusation et leurs arguments s’étaient écroulés comme un château de sable lors du procès. C’est d’ailleurs une accusation qu’ils portent à tous les opposants politiques pacifiques quand ils ne trouvent rien de crédible à leur reprocher. Ce fut le cas pour Deo Mushayidi qui purge une peine à perpétuité et de Bernard Ntaganda qui a été emprisonné durant 4 ans » nous a confié Bahunga. Pour lui, le régime va essayer de faire accuser les membres du FDU en fabriquant de fausses preuves : « Nous savons qu’ils ont dans leur service, une véritable formation pour délateurs. Ils forment des personnes qu’ils instrumentalisent et qui, soit sous la menace soit contre rémunération, participent au montage juridique de l’accusation en appuyant leurs thèses par des mensonges fabriqués de toute pièce ». Concluant son propos Justin Bahunga, nous a confié que ces accusations à propos d’un soi-disant groupe armé en préparation à l’étranger cachent certainement autre chose. Pour le porte-parole des FDU : « Le Rwanda entretient des relations exécrables avec ses voisins. Ils avaient déjà utilisé l’argument des FDLR pour attaquer l’ex-Zaïre, ne veulent-ils pas à nouveau utiliser cet argument afin de justifier une invasion chez un voisin ? La question mérite d’être posée. »

Ces derniers mois, plusieurs membres des FDU-Inkingi ont été soit portés disparus soit retrouvés morts. L’un des cas les plus médiatisés étant celui de Jean Damascène Habarugira, activiste des FDU dans le district de Ngoma, dans l’est du pays, dont le corps a été retrouvé le 8 mai dernier sans vie. Ce dernier portait des traces de sévices : sa tête était à moitié tranchée et ses yeux énuclés. L’autre cas qui porte à interrogation est celui d’Illuminée Iragena, qui était infirmière et membre des FDU-Inkingi. Elle avait disparu le 26 mars 2016 alors qu’elle se rendait à son travail à l’hôpital Roi Fayçal à Kigali et dont on est sans nouvelles depuis. Des éléments concordants tendent à indiquer qu’elle aurait subi des tortures qui lui auraient été fatales.

Contexte de tension extrême à Kigali

L’opposante Diane Rwigara subit elle aussi des pressions policières actuellement

Pour les 5 cadres politiques du FDU et pour celui du PDP, ce n’est pas la première fois qu’ils sont victimes d’arrestation ou d’enlèvement de la part des forces de sécurité. Sur les 2 dernières années, chacun d’eux a été entre les mains des forces sécurité et a dû subir interrogatoires, menaces ainsi que tortures et ce, sur des périodes plus ou moins longues. Le régime leur reproche leur soutien indéfectible à Victoire Ingabire, Présidente des FDU-Inkingi et Deo Mushaydi, Président du PDP-Imanzi, figures de l’opposition rwandaise. La première est en prison depuis 2010 alors qu’elle était rentrée pour concourir à l’élection présidentielle de la même année. Le second, ancien membre du FPR, s’était désolidarisé du parti préférant prôner une réelle unité, réconciliation et une transition dans les agissements politiques. Il a ensuite été condamné à perpétuité et purge également sa peine depuis 2010. Cette rafle intervient à la veille du verdict de la Cour Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples dans l’affaire qui oppose Victoire Ingabire à l’État rwandais et qui devrait être rendue dans les semaines qui viennent. Pour Leonille Gasengayire, cela est même la 3e arrestation en moins d’un an. Pour Justin Bahunga, ces arrestations répétées de Leonille Gasengayire se justifient par le fait que : « c’est la jeune femme qui apporte en prison, à un rythme quotidien, les repas de notre présidente, Victoire Ingabire. Soit ils veulent lui priver de vivre, soit ils veulent, pour une raison qu’on peut imaginer, contraindre Victoire Ingabire à se nourrir des vivres qu’ils auraient préparés pour elle ».

Surtout encore, cette affaire intervient dans un contexte de tension extrême à Kigali. Puisqu’une autre figure de l’opposition, Madame Diane Shima Rwigara, présidente du Mouvement pour le Salut de Peuple, une organisation de défense des droits de l’Homme, et d’autres membres de sa famille sont sous le coup d’une enquête et qu’ils sont toujours aux mains de la police et ne peuvent communiquer avec leurs proches.

Le 3e mandat du Président Paul Kagame commence donc dans un climat très lourd et qui peut être interprété comme une volonté de ce dernier de réaffirmer, par la force, son autorité à l’aube de son mandat. Cette série de rafle d’opposants n’en est peut-être qu’à ses débuts.

Norman Ishimwe

www.jambonews.net

 

 

 

 

Rwanda: la gouvernance en question (2ème partie)

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Il s’agit de la deuxième et dernière partie de l’article qui révèle les défaillances dans les principales caractéristiques de la gouvernance qui ont été promises au peuple rwandais par les dirigeants en place comme il est indiqué dans le document officiel du programme Vision 2020 (Pg 10). La première partie de l’ article peut être lue ici.

[Cliquez ici pour découvrir la 1er partie de l’article]

Cet article vise à stimuler les citoyens rwandais ainsi que les décideurs politiques actuels et potentiels à travers le monde à travailler avec diligence pour améliorer la gouvernance du Rwanda. Surtout que l’année 2020 approche rapidement.

Structure et processus démocratiques

Selon le document du programme Vision 2020, le leadership du Rwanda a promis «un État respectueux de la structure et des processus démocratiques» aux citoyens. Cependant, la démocratie rwandaise est toujours en déclin.

Le Transformation Index BTI) qui mesure la transformation de la démocratie et de l’économie de marché dans 129 pays indique que le score de la démocratie au Rwanda est passé de 4,23 sur 10 en 2006 à 3,83 sur 10 en 2016. Le rapport le plus récent de l’indice sur le Rwanda décrit la structure démocratique du pays dans les mots suivants:

« Le système politique rwandais est blanchi à la chaux par le cercle au pouvoir en tant que démocratie « consensuelle » » de partage de pouvoir « , justifiée par la nécessité de surmonter les divisions ethniques et l’exigence d’un développement accéléré. La constitution donne au président une autorité illimitée en matière de sécurité et de politique étrangère. Il nomme le premier ministre et les membres du cabinet, et bien qu’il soit obligé par la constitution de donner une part de postes à tous les partis représentés au parlement, il peut choisir les personnes de son choix. En outre, il nomme ses conseillers personnels, les officiers supérieurs de l’armée, les principaux administrateurs, les juges en chef, un quart des sénateurs, et cetera. Le système est en fait une façade institutionnelle habilement conçue qui dissimule la répartition réelle du pouvoir. Toutes les principales questions politiques et liées au pouvoir sont décidées par le président, avec ses principaux conseillers. Le FPR (parti dirigeant) et l’armée contrôlent l’accès au bureau politique et administratif  » (Pg 7-8).

L’Indice de la démocratie, publié par Economic Intelligence Unit (EIU) , qui évalue le niveau de démocratie de 167 pays, réaffirme également le déclin de la démocratie au Rwanda entre 2006 et 2016. L’indice révèle que la détérioration de la démocratie au Rwanda est en grande partie due au fait d’une mauvaise performance dans la catégorie du processus électoral et du pluralisme. Cette catégorie vérifie la condition d’avoir des élections libres et équitables et de satisfaire les aspects de la liberté politique au Rwanda. Le score pour le Rwanda dans cette catégorie est passé de 3 sur 10 en 2006 à 0,83 sur 10 en 2016. L’EIU a systématiquement marqué le niveau de démocratie du Rwanda en dessous de la moyenne de l’Afrique subsaharienne et classé le pays parmi les régimes autoritaires chaque année depuis 2006 jusqu’à 2016, l’année la plus récente de la publication de l’indice.

En dépit de ce qui précède, l’affaiblissement de la démocratie rwandaise est souvent négligé en raison du progrès social et économique que le pays a réalisé depuis 1994. Mais, ceux-ci sont surestimés.

LIRE: L’économie du Rwanda est-elle résiliente?

Sur cette toile de fond, la promesse faite par le gouvernement en place de transformer le Rwanda en un État qui respecte la structure et les processus démocratiques n’est toujours pas tenue. En fait, le déclin continu  de la démocratie soulève des questions sur l’État de droit, les droits de l’homme et la participation des citoyens dans la prise de décisions au Rwanda.

État de droit

Á travers le document officiel de Vision 2020, le leadership en place a promis un État soumis au droit. Pourtant, le Rwanda est confronté à de nombreux défis en ce qui concerne l’État de droit qui restent préoccupants. Selon Hill Innovating Justice publication 2012 , il s’agit de 1) la façon dont l’idéologie du génocide a été criminalisée dans la loi et mise en pratique, 2) la réduction de la liberté de la presse, 3) l’espace politique restreint et l’indépendance de la magistrature en ce qui concerne les affaires juridique de haut profil et 4) l’équité des Gacaca.

Le fait qui affecte l’État de droit au Rwanda le plus est le manque de transfert de pouvoir. Ceci est évidemment observé à partir de l’Index Ibrahim pour la gouvernance africaine (IIAG), un indice annuellement publié qui fournit une mesure statistique de la performance de la gouvernance dans chaque pays africain. L’indice affirme une baisse au classement de l’État de droit au Rwanda entre 2001 et 2015 en raison principalement des résultats médiocres du pays dans son indicateur de transfert de pouvoir. De 2001 à 2006, le Rwanda est noté  44,4 sur 100 du transfert de pouvoir. Cela a augmenté à 66,7 en 2007 et 2008. Toutefois, il a diminué à 33,3 sur 100 en 2009 puis à 0 en 2010 jusqu’en 2015

L’indicateur de transfert de pouvoir évalue dans quelle mesure les mécanismes constitutionnels sont clairs, établis et acceptés pour le transfert ordonné du pouvoir d’un gouvernement à l’autre. Le rapport de l’indice de transformation de 2016 (BTI) expliquait le problème avec la séparation des pouvoirs au Rwanda dans les mots suivants:

 «La constitution prévoit une séparation des pouvoirs, mais le pouvoir de contrepoids du parlement est faible puisqu’il n’a que des compétences limitées, et est composé d’un seul côté. L’administration centrale atteint le niveau local. Le président a un pouvoir décisif en tant que chef des forces armées et de l’administration centrale. Après avoir été l’homme fort et le chef absolu du pays depuis 1994, il sert maintenant selon la constitution, son dernier mandat finissant en 2017. Il existe déjà des propositions pour changer la constitution lui permettant de briguer un autre mandat. » (Pg 9)

En décembre 2015, un référendum a été voté pour modifier la constitution au Rwanda. Ce référendum a autorisé le président sortant à se présenter pour un autre mandat de sept ans ainsi que deux autres de cinq ans chacun, ce qui signifie qu’il pourrait gouverner le pays jusqu’en 2034.

Compte tenu des défis susmentionnés pour le Rwanda en ce qui concerne l’État de droit et, en particulier, le manque de transfert de pouvoir – qui a caractérisé le régime précédent renversé par les titulaires actuels en 1994 – la promesse de rendre le Rwanda un État soumis au droit faite par le gouvernement actuel aux Rwandais n’a pas encore été honorée.

Les Droits de l’homme

Bien que la Vision 2020 du Rwanda promet la protection Des droits des citoyens, de violations des droits de l’homme au pays sont  à grande échelle. Le Cingranelli-Richards (CIRI) human right dataset qui mesure les pratiques gouvernementales en matière de droits de l’homme montre que le Rwanda a se situe très bas en ce qui concerne   l’intégrité physique. L’indice englobe quatre indicateurs individuels, à savoir le droit à l’absence de meurtres extrajudiciaires, de disparitions, de torture et d’emprisonnements politiques. Le score du Rwanda sur cet indice est passé de 5 sur 8 en 2007 à 2 sur 8 en 2011. (Un score de 0 indique qu’il n’y a pas de respect du gouvernement pour les quatre droits et un score de 8 implique un respect total du gouvernement pour les quatre droits. )

En outre, le CIRI montre que le score du Rwanda sur l’Indice des Droits d’Émancipation s’est détérioré de 7 sur 10 en 2006 à 5 en 10 en 2010. Les composantes de l’échelle, desquelles le Rwanda a des défaillances sont: liberté d’expression, liberté de réunion et d’association, les droits des travailleurs, l’autodétermination électorale et la liberté de culte.

Le respect des droits de l’homme au Rwanda demeure une préoccupation aujourd’hui. Le plus récent rapport sur les pratiques en matière de droits de l’homme au Rwanda a été publié par le Département d’État américain en mars 2017 et illumine les problèmes de droits de l’homme au Rwanda comme suit:

«Les problèmes les plus importants en matière de droits de l’homme étaient le harcèlement, l’arrestation et les abus des opposants politiques, Les défenseurs des droits de l’homme et les individus perçus comme menaçant le contrôle et l’ordre social du gouvernement; Le manque de respect de la loi par les forces de sécurité; Et les restrictions à la liberté des médias et aux libertés civiles. En raison des restrictions sur l’enregistrement et l’exploitation des partis d’opposition, les citoyens n’ont pas la capacité de changer leur gouvernement par des élections libres et équitables. »

Il est évident que le gouvernement en place au Rwanda n’a pas tenu sa promesse de protéger les droits des citoyens.

Le processus de décentralisation

Selon le document Vision 2020, les citoyens rwandais auront le pouvoir de participer aux processus décisionnels sur les problèmes qui les touchent le plus grâce au processus de décentralisation. Néanmoins, une étude de 2010 sur la participation des citoyens à la gouvernance démocratique au Rwanda menée par l’Institut de Recherche et de Dialogue pour la Paix (IRDP), une organisation qui opère dans le pays, a conclu que les documents officiels du Rwanda (y compris la politique nationale de décentralisation) exprime la volonté politique d’engager les citoyens rwandais dans le processus décisionnel. Cependant, l’analyse de la réalité sur le terrain est différente (Pg 67).

Les résultats de l’étude, générés par l’entremise d’un échantillon de 1200 Rwandais de différents milieux sociaux à l’échelle nationale, permettent de comprendre le statut de la participation des citoyens au Rwanda. 49% des répondants de l’échantillon ont déclaré qu’ils n’étaient pas impliqués dans la mise en place des lois (Pg 31), alors que 74% ont déclaré ne pas être impliqués dans l’élaboration des politiques (Pg 33). Plus de 50% ont répondu qu’ils ne sont pas suffisamment informés sur les politiques et les lois (Pg 39). 45% n’étaient pas particulièrement conscients des décisions prises au niveau des entités décentralisées (Pg 41). 62% des répondants ont indiqué qu’ils n’avaient jamais été consultés par les parlementaires dans la mise en place des lois, tandis que 41% ont souligné qu’ils n’avaient jamais été visités par un membre du gouvernement pour discuter les questions relatives à la vie du pays ou de la communauté (Pg. 48 à 49). En outre, 60% des personnes interrogées ont confirmé qu’elles n’avaient jamais été visitées par des responsables des partis politiques pour discuter les questions nationales relative a la vie du pays ou de la communautaires et 68% en disent de même pour les responsables de la société civile (Pg 56 à 57).

Les répondants de l’enquête ont souligné les politiques qui ont été mises en œuvre sans leur participation, y compris la transition abrupte du français vers l’anglais en tant que langue de l’éducation et les politiques de la consolidation des terres et la régionalisation des cultures (Pg 34)

Alors que les changements soudains dans la langue de l’éducation ont été mis en œuvre avec effet direct en 2008, les politiques de consolidation des terres et la régionalisation des cultures sont étroitement liées et constamment mises en œuvre dans tout le Rwanda. Malheureusement, la question du manque de participation des citoyens dans la mise en œuvre de ces politiques prévaut même aujourd’hui.

En 2012, les experts indépendants des Nations Unies ont appelé le gouvernement rwandais « … à veiller à ce que la mise en œuvre de la politique de consolidation des terres soit menée sur la base des valeurs des droits de l’homme en matière de consultation et de participation « . En mars 2017, Human Rights Watch a signalé une répression dans des cas fonciers au Rwanda, selon laquelle le gouvernement local a imposé des solutions sans le consentement ou la participation complète des résidents.

En outre, une étude récente explique que la politique agricole qui cherche à orienter l’agriculture du Rwanda vers la spécialisation, impose aux agriculteurs quelles cultures doivent être cultivées. Afin de s’assurer que les agriculteurs s’y conforment, la politique stipule que: «… il devrait être possible pour le gouvernement de reprendre possession du terrain si le propriétaire ou le titulaire des droits fonciers n’a pas réussi à l’utiliser conformément à la loi.»

La manque de participation des citoyens au Rwanda est également reprise par des sources mondiales, indépendantes et crédibles. Par exemple:

  1. L’indice sur le budget ouvert (IBO) qui évalue dans quelle mesure les gouvernements fournissent des opportunités au public de participer dans les processus budgétaires a attribué au Rwanda un score de 25 sur 100 lors de son évaluation de 2015. Ce score indique que la disposition du gouvernement au Rwanda pour que le public participe dans le processus budgétaire soit faible.
  2. L’indice de la démocratie a constamment noté le Rwanda 2.22 sur 10 de 2006 à 2016 sur la participation politique.
  3. L’indice de développement de la jeunesse (YDI) de 2016, préparé par le Secrétariat du Commonwealth et qui évalue les progrès réalisés en matière de développement de la jeunesse place le Rwanda parmi les dix pays les moins classés dans la participation civique des jeunes, à la 180e place sur 183 pays (Pg 44).  En outre, l’indice décrit le niveau de la jeunesse rwandaise dans la participation politique comme « Medium » avec un score de 0,514. Ce niveau a diminué par rapport à ce que le Rwanda avait réalisé en 2010 (un score de 0,559). La note est également inférieure à la moyenne de l’Afrique subsaharienne (0,574) et les pays membres du Commonwealth (0,621).
  4. Malgré son bilan mondial d’avoir un grand nombre de membres féminins au Parlement, une étude récente a révélé que l’augmentation de la représentation descriptive des femmes en politique, n’a pas de sens pour les femmes ordinaires au Rwanda. Les explications possibles à cet égard sont que les pouvoirs décisionnels incombent au régime autoritaire et à l’éviction de l’identité de genre par l’identité ethnique au Rwanda. L’étude soutient alors que la perception de la représentation politique dépend de la mise en œuvre des politiques, donc de la représentation substantielle, et non de la représentation descriptive.

La voie à suivre

Les caractéristiques de la gouvernance que les dirigeants en place ont promis aux citoyens –  rédigées dans le document  programme de développent Vision 2020 – sont complets et réalistes. Cependant, des défis majeurs demeurent dans les caractéristiques de cette gouvernance comme cela a été souligné dans la première et deuxième parties de cet article. Les citoyens rwandais ainsi que les décideurs potentiels à l’intérieur et à l’extérieur du pays devraient faire pression pour que la rhétorique dans les documents officiels se traduise dans des actes qui favorisent la mise en œuvre d’une réelle bonne gouvernance au Rwanda. Dans tous les autres cas, les citoyens et la communauté des partenaires mondiaux considéreront les décideurs rwandais comme des menteurs qui ne font que parler sans jamais joindre le geste à la parole. Lisez le premier article ici.

Écrit par Aimé Muligo Sindayigaya

Traduit de l’anglais par Pacifique 

Pour lire plus d’articles écrits par l’auteur, visitez: http://insightfulquotient.com/

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Rwanda : de quels crimes les Hutus et les Tutsis ont-ils été victimes ?

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Les crimes qui ont été commis, principalement au Rwanda et au Congo depuis le 1er octobre 1990, contre les Rwandais, Hutus et Tutsis, ne peuvent pas se résumer en une seule expression ou appellation, sous peine de globaliser et de falsifier indéfiniment l’histoire.

Une seule appellation globale pour tous ces crimes ?

A l’heure actuelle, les appellations des crimes qui ont été commis au Rwanda contre les Tutsis ou contre les Hutus sont disparates, contradictoires et dépendent souvent des intérêts immédiats et du point de vue totalement subjectif de celui qui s’exprime.

En effet, la question de l’appellation des crimes qui ont été commis contre les Tutsis ou les Hutus du Rwanda est sans doute celle qui divise le plus tous ceux qui s’intéressent au Rwanda, à commencer par les Rwandais eux-mêmes.

Quelques un estiment ainsi qu’il s’agirait d’un « génocide rwandais ».

D’autres soutiennent que ce fut un « double génocide ».

D’aucuns pensent que le seul « génocide » fut celui des Tutsis et concèdent parfois qu’il y a aussi eu des « massacres de Hutus ».

Les plus décidés évoquent aujourd’hui « deux génocides », « un génocide des Hutus » ou « contre les Hutus » et un « génocide des Tutsis » ou « contre les Tutsis ».

Les plus prudents s’en tiennent à une « tragédie rwandaise » ou un « drame rwandais ».

Les plus classiques parlent simplement de « guerre civile » qui devient une « guerre de reconquête » ou « d’occupation », pour certains, de « libération » ou « d’agression », pour d’autres, en occultant totalement les crimes qui ont été commis pendant cette guerre.

Pour les plus imaginatifs, le génocide commis contre les Hutus serait un « contre-génocide » ou un « génocide sélectif ».

Quelques-uns évoquent parfois des « crimes de guerre ».

Les plus distants se contentent d’évoquer des « massacres inter-ethniques » et parfois même des « luttes tribales ».

D’autres en sont encore à l’appellation incohérente de « génocide des Tutsis et des Hutus modérés » qui aurait été suivi de « représailles et d’exactions contre les Hutus».

Cette appellation est incohérente en effet puisqu’un génocide, dont l’élément essentiel est de vouloir détruire un groupe national en tant que tel, ne saurait avoir été commis par le même auteur en même temps contre des Tutsis et des Hutus, ces derniers furent-ils modérés.

Cette appellation est d’ailleurs la seule, dans toutes les appellations confuses qui existent, à attribuer une caractéristiques aux victimes, déjà catégorisées selon leur « ethnie », en les désignant comme « Hutus modérés », avec la conséquence terriblement néfaste que cette appellation induit implicitement mais nécessairement que les « Hutus », sans autre précision, n’auraient pas été modérés ou, pire, n’auraient pas été victimes.

Le comble est atteint lorsque certains définissent les « Hutus modérés » comme étant ceux qui ont refusé de participer aux massacres, induisant par-là que les Hutus qui n’ont pas été victimes des Interahamwe sont ceux qui ont accepté de participer au génocide des Tutsis.

Et lorsqu’ils parviennent parfois à s’entendre sur l’appellation elle-même et l’identité des victimes, rares sont ceux qui parviennent à s’entendre sur l’identité des auteurs de ces crimes.

Désigner correctement les auteurs de ces crimes

En réalité, c’est même sur l’identité des auteurs de ces crimes que la polémique et les tensions sont les plus vives dans ce débat puisque les auteurs de ces crimes essaient naturellement d’échapper à leurs responsabilités en voulant, au mieux, se confondre aux victimes ou, au pire, salir leurs victimes et inverser les responsabilités.

C’est ainsi que la désignation des auteurs de ces crimes relève dangereusement et le plus souvent de catégories ethniques telles que : « extrémistes Tutsis », « extrémistes Hutus », « miliciens Hutus », « tueurs Tutsis », « régime Hutu » ou « rebelles Tutsis ».

Certains ne s’embarrassent même pas et désignent tout simplement les criminels comme étant « les Tutsis » ou « les Hutus », sans autres adjectifs protocolaires.

Comment voulez-vous qu’un enfant qui a grandi avec un discours qui désigne les « Tutsis » ou les « Hutus » comme ceux qui ont tué les siens ne développe pas une peur et une haine automatique contre ces « Tutsis » ou ces « Hutus » ?

Mais d’autres désignations très répandues mélangent, tout aussi dangereusement, des catégories ethniques et politiques en désignant les auteurs de ces crimes comme étant « les extrémistes Hutus du MRND et de la CDR » ou « les extrémistes Tutsis du FPR ».

Les désignations les plus critiquables et les plus dangereuses sont sans doute celles qui, en plus de stigmatiser une ethnie dans la désignation des auteurs d’un crime, associent cette ethnie à un terme tout droit issu de la propagande politique comme lorsque d’aucuns évoquent allègrement les crimes commis par un prétendu « régime Hutu Power » qui n’a jamais existé.

Nul doute que ceux qui se rapprochent de la vérité, voire des seules appellations acceptables pour la postérité et la réconciliation des Rwandais, sont ceux qui attribuent les crimes à leurs auteurs, sans référence à l’ethnie de ces derniers mais uniquement au groupe politique et/ou militaire auxquels ils auraient adhéré tels que « les Inkotanyi » ou les « Interahamwe ».

Mais la confusion ne pourra définitivement être levée que si l’on évite la globalisation ou au moins la catégorisation ethnique et que l’on s’attache avant tout à rechercher minutieusement la responsabilité individuelle des auteurs de ces crimes plutôt que la stigmatisation de leur ethnie qui, par essence, relève de ce qu’ils sont et non de ce qu’ils auraient fait.

Certains s’accusent mutuellement de négationnisme mais tous partent de la même réalité difficilement contestable, il y a eu plus de deux millions et demi de morts Rwandais dans la région des grands lacs ces 25 dernières années, dont les plus nombreux étaient des Hutus.

Il est difficile de connaître le nombre exact des victimes mais les chiffres eux-mêmes divisent beaucoup moins que l’identification des crimes qui ont été commis et de leurs auteurs.

En réalité, cette division persistante entre nous tous sur la manière de nommer ces crimes et d’identifier leurs auteurs ou de désigner les victimes, est, pour ceux qui sont de bonne foi, le fruit de plusieurs confusions et d’idées reçues, tant concernant les faits eux-mêmes que la définition légale – seule référence – des crimes en question.

De quels crimes s’agissait-il ?

Il convient par conséquent d’identifier d’abord ce qu’il s’est passé, où et quand, en vérifiant en même temps à quelle appellation peuvent correspondre ces faits tels qu’ils se sont produits.

L’identification de ce qu’il s’est passé est nécessairement à circonscrire sur le plan géographique et dans le temps tout en concentrant l’analyse sur les victimes Rwandaises et spécialement sur les Tutsis et les Hutus car de nombreux crimes ont été commis contre les Twas mais ne font pas l’objet de polémiques sur leur appellation.

Sur le plan temporel, l’on pourrait remonter très loin dans l’histoire du Rwanda pour revenir sur toutes les victimes qui l’ont émaillée, mais la date du 1er octobre 1990 est une date charnière et appropriée comme point de départ de la période d’observation.

Si personne ne peut contester que le terreau de la haine et de la violence se trouve dans l’histoire plus ancienne du Rwanda, il est un fait que son dernier éclatement se situe à cette date qui correspond au début de la guerre fratricide déclenchée par le FPR contre le Rwanda.

A cet égard, il paraît primordial de rappeler que tous les crimes qui ont été commis l’ont été pour la plupart en temps de guerre au Rwanda ou en République Démocratique du Congo.

Quant aux territoires sur lesquels ces crimes ont été commis, il paraît adéquat de les limiter – dans le cadre de cet examen – à ceux du Rwanda et de la République Démocratique du Congo qui sont de loin ceux qui ont connu le plus grand nombre de victimes.

L’on pourrait en effet étendre l’analyse à d’autres pays d’Afrique, comme la Zambie, le Kenya, le Cameroun ou l’Afrique du Sud, voire à des pays d’Europe comme la Belgique où des Rwandais ont notoirement été assassinés pour des raisons politiques.

Compte tenu du point névralgique de ce débat, il s’agit de se concentrer essentiellement sur les victimes rwandaises que sont les Hutus et les Tutsis mais cela n’occulte pas le fait qu’il y a eu de très nombreuses victimes étrangères, notamment congolaises, burundaises, belges, françaises, espagnoles, canadiennes ou de plusieurs autres nationalités.

Il est en effet important de circonscrire le débat pour éviter qu’il ne soit biaisé sur une question aussi sensible où les interlocuteurs qui ont des backgrounds différents s’opposent de manière véhémente sans se rendre compte qu’ils ne parlent parfois pas de la même chose.

Il est un fait que l’hommage rendu aux victimes ou le poids politique de ces victimes dépend parfois de la nature du crime dont elles ont été victimes et de son appellation officielle.

Il est aujourd’hui de notoriété publique mondiale que le terme de génocide est émotionnellement et politiquement le plus marquant.

Plus que tout autre, il suscite la compassion envers ceux qui en ont été victimes et la solidarité politique internationale envers leur communauté.

C’est ainsi que l’examen des faits dans ce contexte, laisse apparaître sans grande ambiguïté que les cinq catégories de crimes suivants ont été commis : génocides, crimes contre l’humanité, crimes de guerre, assassinats politique, crimes de droit commun.

Il faut nécessairement les examiner un par un et le faire en fonction des victimes qui sont certaines et qui sont le centre et la raison d’être de tout crime.

Mais avant cela, il paraît indispensable de rappeler d’abord ce qu’on entend légalement par « génocide », par « crime contre l’humanité » et par « crime de guerre » qui sont des crimes dits de droit international humanitaire.

Il ne paraît pas nécessaire de définir ce qu’on entend par « assassinats politiques » et par « crimes de droit commun » dont le sens paraît plus évident.

L’article 2 de la convention de 1948 sur la répression du crime de génocide dont les termes sont repris à l’identique dans tous les autres textes nationaux ou internationaux qui lui sont postérieurs, définit le génocide comme étant le fait de vouloir détruire, en tout ou en partie, un groupe national, ethnique, racial ou religieux, comme tel, soit en commettant des meurtres de membres de ce groupe ou des atteintes graves à l’intégrité physique ou mentale de membres de ce groupe, soit en soumettant intentionnellement ce groupe à des conditions d’existence devant entraîner sa destruction physique totale ou partielle, soit en entravant les naissances au sein de ce groupe ou soit en transférant de force des enfants du groupe à un autre groupe.

A la lumière de la définition légale qui précède, il est tout de suite aisé de constater qu’il existe deux idées reçues qui font encore long feu actuellement sur les éléments constitutifs du crime de génocide, celle selon laquelle il ne peut y avoir génocide que s’il est l’œuvre d’un Etat doté d’un gouvernement et celle selon laquelle un génocide doit nécessairement être planifié.

Ce sont deux idées reçues totalement fausses mais qui persistent dans l’imaginaire collectif au point que même les débats qui se sont tenus devant le Tribunal Pénal International pour le Rwanda ont longtemps porté sur la question de la responsabilité de l’Etat et du gouvernement ou sur la question de la planification alors que ces deux éléments ne sont pas des conditions exigées pour qu’il puisse y avoir un génocide.

La troisième idée reçue, tout aussi répandue, est que le génocide consiste à vouloir détruire en totalité le groupe en question alors que la définition du génocide vise également le fait de vouloir détruire le groupe en partie seulement.

Quant au crime contre l’humanité, l’article 7 du statut de la Cour pénale internationale signé à Rome le 17 juillet 1998 et entré en vigueur le 1er juillet 2002 en donne une définition assez complète dont on peut retenir qu’il s’agit d’une attaque générale et systématique lancée sciemment contre une population civile que l’auteur, notamment, tue, extermine, emprisonne, torture, persécute ou soumet à des actes inhumains causant intentionnellement de grandes souffrances ou des atteintes graves à l’intégrité physique ou mentale.

Au vu de cette définition, l’on constate que les actes matériels constitutifs de crimes contre l’humanité ne sont pas d’un degré inférieur à ceux qui peuvent constituer un génocide mais sont de même nature et énumérés de manière encore plus complète.

La différence entre le génocide et le crime contre l’humanité réside donc dans l’intention de l’auteur qui doit, pour le génocide, avoir l’intention de détruire un groupe en tout ou en partie, alors que cette intention n’est pas requise pour le crime contre l’humanité, même si ce dernier est souvent dicté par des mobiles politiques, raciaux ou religieux.

Quant au crime de guerre, il est défini à l’article 8 du statut de la Cour pénale internationale qui se réfère lui-même aux conventions de Genève du 12 août 1949 qui protègent les biens et les personnes en temps de guerre contre une partie au conflit.

Le crime de guerre est défini de manière encore plus complexe que le crime contre l’humanité mais on peut retenir d’une manière assez simple qu’il englobe, en cas de conflit armé, le crime contre l’humanité tel que défini ci-dessus, commis par une partie au conflit, auquel il faut ajouter les atteintes spécifiques qui peuvent être commises en temps de guerre par une partie au conflit contre des prisonniers, des blessés, des malades, des services de secours ou des personnes et des biens qui ne prennent pas part au conflit.

En l’espèce, en ce qui concerne le cas du Rwanda, les deux parties au conflit étaient le gouvernement de la République Rwandaise et les Forces Armées Rwandaises (FAR), d’un côté, et le Front Patriotique Rwandais et l’APR (Armée Patriotique Rwandaise), de l’autre.

Les crimes de génocide

Si l’on s’intéresse à la question du génocide pour commencer, et qu’on prend par exemple le cas des victimes Hutus, le fameux Mapping report du Haut-Commissariat des Nations-Unies aux Droits de l’Homme d’août 2010 concernant les violations les plus graves des droits de l’homme et du droit international humanitaire, commises entre mars 1993 et juin 2003 sur le territoire de la République Démocratique du Congo, relate à lui seul qu’il y a bien eu un génocide contre les Hutus dans les camps de réfugiés au Zaïre puisque les actes commis contre les Hutus dans ces camps correspondent à la définition du génocide.

En l’occurrence, l’intention de l’APR à travers l’AFDL de Laurent KABILA fut, entre le mois d’octobre 1996 et le début de l’année 1998, de tuer en tant que tels les Hutus qui étaient restés au Zaïre et qui n’avaient pas pu être rapatriés de force au Rwanda, sinon de les soumettre intentionnellement à des conditions de vie devant entraîner leur destruction totale ou partielle.

Les réfugiés Hutus au Congo qui ont pu être appréhendés par l’APR pendant cette période ont été exterminés en tant que tels sans distinction d’âge ou de sexe, sur plus de 2000 kms de territoire congolais jusqu’à la frontière du Congo Brazzaville.

Il y a aussi eu un génocide contre les Hutus sur le territoire du Rwanda depuis 1991 mais surtout en 1994 et en 1995, donc avant l’attaque des camps de réfugiés en 1996, si l’on s’en tient à la définition du terme de génocide.

En effet, les Hutus ont été tués en tant que tels par l’APR, en 1991 dans le nord du pays, dans les anciennes préfectures de Byumba, Ruhengeri et Gisenyi, en 1994 dans les camps de déplacés comme celui de Nyacyonga et en 1995 dans les camps de déplacés qui parsemaient le pays, essentiellement à l’Ouest, du Nord au Sud, même si son intention, sur le territoire du Rwanda, n’a pas été de détruire les Hutus en totalité.

La condition de vouloir détruire le groupe en totalité n’est pas exigée par la définition du génocide qui requiert seulement que l’auteur ait l’intention de détruire le groupe en partie.

Le génocide commis contre les Hutus l’a été par un mouvement politique et militaire qui n’agissait pas à travers un Etat, c’est à dire le FPR, mais il a continué par ce même mouvement politique et militaire à travers l’Etat après sa prise du pouvoir en juillet 1994.

La circonstance qu’aucun des auteurs du génocide commis contre les Hutus n’ait jamais été traduit en justice n’est pas de nature à atténuer ou à effacer la nature du crime.

Bien au contraire, c’est sans doute ce qu’il y a de plus anormal concernant ce génocide, c’est à dire le fait qu’aucun de ses auteurs n’ait été poursuivi jusqu’à présent.

Certains estiment même que tant qu’un tribunal n’a pas confirmé l’existence d’un génocide commis contre les Hutus, un tel génocide n’existe pas, ce qui est absurde évidemment.

D’ailleurs, la résolution 955 du 8 novembre 1994 adoptée par le Conseil de Sécurité et portant création du le Tribunal pénal International pour le Rwanda n’a pas limité la compétence de celui-ci aux seuls crimes commis contre les Tutsis.

Au contraire, il visait à juger les personnes présumées responsables de violations graves du droit international humanitaire commises sur le territoire du Rwanda et dans les pays limitrophes entre le 1er janvier 1994 et le 31 décembre 1994.

Ce n’est donc que pour des raisons politiques que le Bureau du Procureur près le Tribunal Pénal International a limité ses poursuites au seul génocide commis contre les Tutsis sans poursuivre les responsables du FPR pour les crimes qui avaient déjà été commis contre les Hutus au moment de la création du Tribunal Pénal International pour le Rwanda.

En ce qui concerne les Tutsis, il y a eu un génocide des Tutsis au moins à partir du mois d’avril 1994, sinon avant cela si l’on observe ce qu’il s’est passé contre la population des Bagogwe en 1992, une communauté Tutsie du Nord du Rwanda qui a été décimée.

En l’occurrence, le génocide des Tutsis n’a pas été planifié, mais il ne faut pas imaginer que l’absence de planification serait de nature à enlever au crime son caractère de génocide.

Cette réalité dérange de nombreux propagandistes qui s’évertuent à défendre l’idée d’une planification qui ne résulte d’aucun élément.

Dans certains milieux, cette propagande est la seule version des faits qui a été circulée alors que l’absence de planification du génocide des Tutsis est une réalité qui saute aux yeux.

Cette réalité a d’ailleurs été confirmée par les constatations sans équivoque du Tribunal Pénal International (TPIR) faites pourtant contre vents et marées.

Le génocide des Tutsis n’a pas été planifié, en tous cas pas par ceux qui ont été condamnés, notamment par le TPIR, pour l’avoir commis, puisque ce dernier a expressément acquitté tous les accusés de la prévention spécifique d’entente en vue de commettre le génocide.

Il ne fallait pas toutes les décisions du TPIR pour pouvoir conclure que le génocide des Tutsis n’a pas été planifié, cela résulte à l’évidence des faits eux-mêmes.

Il paraît pour le moins étrange de soutenir que la manière chaotique et totalement incontrôlée dont le génocide des Tutsis a été commis aurait été planifiée, avec un élément déclencheur, l’attentat contre l’avion du Président Juvénal HABYARIMANA, qui est en totale contradiction avec la thèse d’une planification du génocide par lui-même et ses partisans.

En réalité, la thèse de la planification a été élaborée par la propagande politique du FPR, concomitamment et après sa prise du pouvoir, qui pensait qu’il fallait nécessairement démontrer une planification pour pouvoir parler de génocide alors que tel n’est pas le cas et qu’un génocide ne doit pas avoir été planifié pour pouvoir être qualifié de génocide.

L’absence de planification n’enlève d’ailleurs rien à la gravité intrinsèque du crime lui-même.

Les décisions du TPIR, qu’on ne peut pas accuser de complaisance envers ceux qu’il a jugés, ont sérieusement battu en brèche la thèse de la planification que le FPR avait élaborée pour discréditer ses ennemis politiques et justifier sa prise de pouvoir total à Kigali par les armes.

La thèse de la planification du génocide des Tutsis est à ce point absurde que ceux qui l’ont élaborée sont allés jusqu’à invoquer, comme preuves de cette planification, des éléments qui démontrent en eux-mêmes qu’il ne peut pas y avoir eu de planification.

Par exemple; le génocide des Tutsis a suivi de peu l’attentat commis contre l’avion du Président Juvénal HABYARIMANA le 6 avril 1994 et surtout l’offensive militaire généralisée lancée par le FPR sur tous les fronts dès le 7 avril 1994 à l’aube, ce qui – logiquement – exclut d’emblée que ce génocide ait pu être planifié par le Président Juvénal HABYARIMANA et ses partisans.

Mais la propagande politique du FPR et de ses relais étrangers est telle qu’elle a réussi à développer, depuis bientôt 23 ans, une thèse rocambolesque selon laquelle l’avion du Président Juvénal HABYARIMANA aurait en fait été abattu par ses partisans, dont son épouse, pour pouvoir exécuter le génocide des Tutsis qu’ils avaient planifié de longue date.

Selon cette thèse invraisemblable, le Président Juvénal HABYARIMANA aurait même eu une mésentente avec ses partisans et ces derniers auraient décidé de l’éliminer pour pouvoir exécuter ce génocide auquel il se serait opposé à la dernière minute.

Dans cette propagande, il a donc fallu trouver un « cerveau » du génocide parmi ceux qui ont essayé de prendre les choses en mains avec le gouvernement intérimaire mis en place après le 6 avril 1994, sauf que celui à qui l’on a attribué la planification du génocide des Tutsis a été acquitté par le TPIR de la prévention d’entente en vue de commettre le génocide.

Un autre élément qui démontre qu’il n’y a pas eu de planification du génocide des Tutsis par le gouvernement en place avant 1994 est la manière dont le génocide des Tutsis a été perpétré, c’est-à-dire à l’arme blanche par des hordes de miliciens et de civils dans le chaos le plus total avec des victimes le plus souvent trouvées dans leurs lieux de refuge ou dans leur fuite.

Or cet élément est utilisé par la propagande du FPR pour accréditer la thèse d’une planification, en allant jusqu’à inventer une thèse rocambolesque de commande par l’Etat de millions de machettes en Chine afin d’exécuter un génocide contre les Tutsis.

Il est évident qu’un Etat qui aurait planifié d’exécuter un génocide sur une partie de sa population l’aurait sans doute fait de manière structurée et méthodique.

Le gouvernement aurait sans doute exécuté le crime avec les quelques 50 000 hommes que comptait la force publique composée de l’armée, de la gendarmerie et de la police.

La force publique aurait probablement utilisé des armes à feu ou des méthodes criminelles plus efficaces que les armes blanches et n’aurait certainement pas fait autant de publicité.

Cela ne signifie pas qu’il n’y ait pas eu de militaires ou de gendarmes des FAR qui auraient participé au génocide des Tutsis, il y en a eu mais absolument pas dans le cadre d’une planification qui aurait été faite au niveau de l’Etat, que ce soit avant ou après le 6 avril 1994.

Le TPIR a d’ailleurs acquitté définitivement la plupart des plus hauts responsables militaires de la gendarmerie et de l’armée qui étaient en place avant et après le 6 avril 1994.

Ceci amène directement à la question épineuse de l’identification des auteurs du génocide des Tutsis qui ne sont pas et ne peuvent pas être « les Hutus » d’une manière globale et générale.

Si les auteurs du génocide commis contre les Hutus sont facilement identifiables et étaient d’ailleurs organisés pour le faire au sein du FPR et plus particulièrement au sein de l’APR, sa branche armée qui l’a exécuté avec méthode et efficacité, ceux du génocide commis contre les Tutsis ont été beaucoup plus difficiles à identifier parce qu’ils n’étaient pas regroupés sous une bannière politique ou militaire définie.

Même si des civils ont pu s’improviser et participer à ces crimes, ils ne l’ont fait, ni au nom de toute leur ethnie, ni en tant que Tutsi ou Hutu.

Autant il est incongru d’attribuer les crimes commis par le FPR aux « Tutsis », autant ça l’est d’attribuer les crimes commis par les miliciens Interahamwe aux « Hutus ».

D’ailleurs, même le fait de désigner les Interahamwe comme auteur du génocide n’est pas rigoureusement exact s’il s’agit de viser la jeunesse du parti MRND car cela reviendrait à attribuer injustement la responsabilité du génocide à ce parti alors que le sens du mot Interahamwe après le 6 avril 1994 a désigné tous ceux qui se sont improvisés sous cette bannière sans aucun contrôle.

En effet, de nombreux autres individus qui se réclamaient, avant le 6 avril 1994 de la jeunesse d’autres partis politiques (Les Impuzamugambi du parti Coalition pour la défense de la République (CDR), les Inkuba du parti Mouvement Démocratique Républicain (MDR) et les Abakombozi du Parti Social-Démocrate (PSD)), initialement et officiellement mus pour combattre le FPR après le 6 avril 1994, ont commis de nombreux crimes entre avril et juillet 1994 et notamment le génocide contre les Tutsis.

Mais le fait d’appartenir aux Interahamwe en tant que jeunesse politique du MRND, avant ou après le 6 avril 1994, ne signifie évidemment pas qu’on soit un criminel car la responsabilité pénale doit, quoi qu’il arrive, toujours s’apprécier de façon individuelle, surtout que, dans le cas d’espèce, le président des Interahamwe avant et après le 6 avril 1994 était lui-même Tutsi.

Les crimes contre l’humanité

Les Hutus ont également été victimes de crimes contre l’humanité commis par le FPR, notamment à Kibeho le 22 avril 1995, lorsque l’APR a démantelé le camp de près de 100.000 déplacés qui s’y trouvait, en massacrant plus de 8.000 réfugiés à la mitrailleuse et à l’arme lourde dans le cadre de ce qui constituait une attaque générale et systématique.

Les crimes de guerre

Les Rwandais ont aussi été victimes de crimes de guerre tant que ces attaques contre les populations civiles étaient faites dans le cadre d’un conflit armé ou lorsque les militaires Hutus ou Tutsis étaient par exemple torturés ou achevés dans cette guerre sans prisonniers.

Entre autres crimes de guerre commis par le FPR, il faut placer les nouvelles recrues, pour la plupart de jeunes Tutsis, venus du Rwanda et du Burundi, qui avaient fait des études secondaires et qui ont rejoint le FPR après les accords d’Arusha mais qui ont été assassinées par les cadres ougandais du FPR à l’approche de la victoire finale.

Un autre crime de guerre qui a fini par paraître banal aux yeux des Rwandais entre 1990 et 1994 est celui des « Kadogos », c’est-à-dire des enfants soldats enrôlés par le FPR et participant directement au combat, certains ayant à peine atteint l’âge de 10 ou 12 ans.

Les assassinats politiques

Agathe Uwilingiyimana

A côté de ces deux génocides, de ces crimes contre l’humanité et de ces crimes de guerre, les Tutsis et les Hutus ont également été victimes d’assassinats politiques et même de crimes de droit commun, d’où l’importance de faire les distinctions qui s’imposent.

Tous les leaders politiques qui ont été assassinés, que ce soit avant le 6 avril 1994 (Félicien Gatabazi, Emmanuel Gapyisi etc.), après le 6 avril 1994 (les Ministres Landouald Ndasingwa, Frédéric Nzamurambaho, Boniface Ngulinzira, Agathe Uwiliniyimana, le Président de la Cour suprême Joseph KAVARUGANDA ou les évêques de Gitarama), ont été victimes d’assassinats politiques.

Certains de ces assassinats n’ont pas encore officiellement été élucidés mais d’autres ont été commis soit par la garde présidentielle du Président Juvénal HABYARIMANA après sa mort le 7 avril 1994, soit par l’APR, avant, pendant et après sa prise de pouvoir.

Ces assassinats politiques ont continué au Rwanda et même à l’étranger, bien après la prise du pouvoir par le FPR (notamment Théoneste Lizinde en 1996 au Kenya, Seth Sendashonga en 1998 au Kenya, Juvénal UWILINGIYIMANA en 2005 en Belgique, Patrick Karegeya en 2013 en Afrique du Sud).

Ces assassinats politiques, dont les exemples ci-dessus ne sont pas du tout exhaustifs, ne peuvent pas être englobés dans les trois catégories de crimes décrits précédemment.

Seth Sendashonga

Pour ceux qui connaissent le Rwanda, l’ethnie de ces victimes d’assassinats politiques n’a pas été la raison pour laquelle ils ont été assassinés.

On ne peut énumérer ces crimes sans oublier les milliers d’assassinats politiques commis par les miliciens Interahamwe contre des Hutus, connus ou anonymes, pour leur connivence réelle ou supposée avec le FPR, essentiellement entre le mois d’avril et le mois de juillet 1994.

Mais ces Hutus qui sont ceux que la propagande du FPR a voulu qualifier de « modérés » n’ont évidemment pas été visés en tant que Hutus par les miliciens Interahamwe et tous les autres criminels qui se sont joints à ses miliciens pendant cette période noire de l’histoire.

Les étrangers qui ont été tués au Rwanda ont aussi été victimes d’assassinats politiques, que ce soient les missionnaires espagnols tués par l’APR, de nombreux civils belges tués par des miliciens Interahamwe ou les casques bleus belges tués par des militaires des FAR.

Les crimes de droit commun

De même, il n’y a jamais eu autant de crimes de droit commun au Rwanda qu’entre avril et juillet 1994, dans le cadre du chaos politique provoqué par la reprise de la guerre dans un contexte de génocides et de crimes de guerre.

C’est ainsi que de nombreux criminels en ont profité pour piller leur voisin, tuer et violer dans un but purement vénal et sans motif politique ou tout simplement en prenant la situation politique comme prétexte pour commettre les crimes les plus graves du droit commun.

La situation est donc très complexe et il n’y a qu’en répertoriant correctement et complètement les crimes en fonction des victimes qu’on peut avancer vers la dernière étape qui est d’identifier les responsabilités exactes dans ces crimes et parvenir à une justice pour tous.

Identifier les auteurs et leurs responsabilités exactes

Le FPR qui est au pouvoir actuellement et qui ne veut évidemment pas que sa part dans ces crimes, comme auteur direct ou instigateur, ne soit mise à jour, use de toute la propagande possible pour entretenir la confusion en mélangeant notamment les criminels et les victimes dans une seule catégorie ethnique pour camoufler sa responsabilité.

Une autre idée reçue est celle selon laquelle le FPR aurait arrêté le génocide des Tutsis.

Il n’y a pas d’affirmation historiquement plus fausse que celle-là puisque l’objectif militaire du FPR n’a pas été un seul instant d’arrêter le génocide des Tutsis mais tout simplement de gagner la guerre après l’assassinat du Président Juvénal HABYARIMANA.

D’ailleurs, le FPR a lancé son offensive à l’aube le 7 avril 1994 avant que le génocide des Tutsi ne commence vers la mi-avril 1994 et les témoignages d’anciens militaires de l’APR à l’instar du Lieutenant Abdul J. Ruzibiza et de militaires présents sur place comme le numéro deux des casques bleus des Nations-Unies, le colonel Belge Luc MARCHAL, démontrent que le FPR s’était préparé à attaquer bien avant l’attentat du président Juvénal Habyarimana.

A l’arrivée du FPR sur les lieux, dans sa conquête militaire qui était son objectif principal, le génocide des Tutsis était pratiquement terminé dans la plupart des endroits où il a eu lieu et où les Tutsis n’avaient pas pu être protégés, notamment par les gendarmes des FAR qui y sont parvenus, comme dans l’ancienne préfecture de Cyangugu.

Pire, les témoignages des soldats de l’APR relatent qu’ils étaient focalisés avant tout par leur progression militaire et par les crimes qu’ils étaient eux-mêmes en train de commettre contre la population Hutue plus que par arrêter le génocide des Tutsis.

Sur le plan logistique, il aurait d’ailleurs été militairement impossible pour le FPR d’arrêter le génocide des Tutsis qui a atteint son paroxysme dans le pays en quelques jours.

Eviter les généralisations et les amalgames

Résumer ce qui s’est passé au Rwanda en « génocide rwandais » est impropre parce que cela laisse planer une forme de généralisation ou de globalisation imprécise.

Personne n’a été tué uniquement en raison de son appartenance à la nationalité rwandaise (sauf au Congo lors de la guerre de 1998 entre Kabila et ceux qui l’avaient porté au pouvoir où, notamment à Kinshasa, les rwandais ont été pourchassés en tant que tels).

Résumer le tout au seul génocide des Tutsis ou au seul génocide des Hutus est un non-sens.

Il est vrai que chaque interlocuteur examine ce qu’il s’est passé à partir de son point de vue et relate ou impose sa vérité en fonction de ses intérêts sans s’intéresser à la vérité des autres.

Or nous devons nécessairement apprendre à inclure toutes les vérités dans nos analyses pour pouvoir toucher du doigt la vérité complète sur ces crimes.

Pour cela, il faut se libérer de la propagande et examiner les choses à partir des victimes.

Les victimes sont là parmi les Hutus et les Tutsis, leur existence ne peut être niée.

Si l’on ne se libère pas de la propagande pour s’attacher aux faits et reconnaître la souffrance de toutes les victimes et leurs droits égaux à toutes obtenir justice, nous n’irons nulle part.

C’est ainsi qu’aujourd’hui par exemple, vous avez des Hutus qui sont dérangés par la seule évocation du génocide des Tutsis et qui en nient parfois même l’existence puisque la propagande officielle veut accréditer la thèse selon laquelle les Hutus en seraient les auteurs.

Cela est dû à toutes ces désignations qui stigmatisent les auteurs de ce génocide dans leur ethnie comme ayant été les « Hutus », « le régime Hutu power », « les miliciens Hutus » ou les « génocidaires Hutus » qui ont été intériorisées par nombre d’entre nous.

La désignation qui fait référence au régime « Hutu power » par exemple est particulièrement sournoise car elle fait référence à un régime qui n’a jamais existé.

Seul le mot « Hutu » subsiste finalement dans cette expression dommageable, puisque c’est le seul qui correspond à une réalité, ce qui est inadmissible car cela revient à attribuer le génocide des Tutsis à l’ethnie Hutu dans son ensemble.

Le « Hutu power » est une expression qui n’a jamais été utilisée au Rwanda par qui que ce soit et qui est une invention tout droit sortie de la propagande du FPR postérieure à 1994 qui a prétendu qu’il s’agissait d’un slogan brandi par les miliciens pendant la guerre.

Le Hutu power n’est pas plus une réalité que le fameux Tutsi International Power (TIP) qu’une autre propagande avait érigé à la fin des années 90 mais dont aucune véritable trace n’a jamais été trouvée.

De nombreux Tutsis voire des étrangers qui prétendent s’intéresser au Rwanda, lèvent les boucliers lorsqu’on évoque le génocide des Hutus et vont jusqu’à soutenir que le fait d’affirmer qu’il y a eu un génocide des Hutus serait une manière de nier le génocide des Tutsis.

L’on a encore en mémoire le mot d’un ancien Président d’une association censée défendre les droits de l’Homme qui affirmait qu’ « évoquer le sang des Hutus c’est salir le sang des Tutsis ».

Aussi difficile que cela nous soit d’admettre des phrases pareilles, il faut comprendre qu’elles sont le fruit de cette propagande qui entretient la confusion.

La propagande est telle qu’elle en est arrivée à considérer comme négationniste celui qui affirme qu’il y a eu deux génocides plutôt que celui qui nie qu’il y a eu un génocide des Hutus.

Cesser de culpabiliser les Hutus et les Tutsis

Est-ce à dire qu’aucun Hutu et qu’aucun Tutsi n’aurait commis ces crimes ?

Non, bien sûr que les auteurs directs de ces crimes étaient pratiquement tous Rwandais, Tutsis ou Hutus, mais cela ne justifie pas que l’on doive désigner les auteurs en stigmatisant le fait qu’ils étaient Rwandais, Hutus ou Tutsis plutôt que de les stigmatiser, au moins, à travers les mouvements politiques et militaires auxquels ils ont adhéré pour commettre ces crimes.

La confusion vient du fait que les Interahamwe étaient essentiellement composés de Hutus, là où l’APR était une armée essentiellement composée de Tutsis ou en tous cas dominée exclusivement par des Tutsis, ce qui ouvre les portes de l’amalgame.

Lorsqu’on enseigne la confusion et les amalgames, notamment aux générations futures, il ne faut pas s’étonner qu’elles finissent par diriger leur haine contre une communauté particulière.

Symptomatiquement, c’est ce type d’amalgame terrible qui a entraîné le génocide des Tutsis puisque la propagande en cours dans certains milieux au Rwanda peu avant le génocide des Tutsis avait assimilé les Tutsis à des partisans du FPR.

C’est cette propagande extrêmement dangereuse qui a pris le dessus au sein d’une partie de la population après le 6 avril 1994 lorsque le FPR a lancé une offensive générale pour la conquête du pays et que ces troupes ont progressé sur le territoire national.

Les réfugiés qui fuyaient le FPR furent parmi les Interahamwe les plus virulents et le génocide commis contre les Tutsis a véritablement été attisé par la progression du FPR sur le champ de bataille plus que par l’assassinat du Président Juvénal HABYARIMANA.

Quant au terme de « double génocide » qu’on a parfois entendu, il renvoie à l’idée qu’un seul auteur aurait commis deux génocides en un seul, c’est à dire qu’il aurait à la fois commis un génocide contre les Hutus et un génocide contre les Tutsis.

Cette expression ne correspond à rien de vraiment concret, sauf à retomber dans les errements de la première propagande du FPR d’après 1994 qui avait tour à tour évoqué un « génocide des Tutsis et des Hutus modérés » avant de se rendre compte de l’incongruité de cette appellation.

Le nouveau discours du FPR évoque aujourd’hui uniquement « le génocide des Tutsis », à l’exclusion de toute référence aux victimes Hutus, ce qui laisse une partie des victimes sur le côté mais qui est néanmoins plus cohérent s’il s’agit de commémorer un génocide.

Le terme « contre-génocide » a déjà été utilisé pour expliquer ou même justifier le génocide commis contre les Hutus par le FPR. C’est aussi un non-sens.

Lutter contre la propagande qui sème la confusion

Les termes adéquats qui correspondent à la vérité des faits, à la vérité historique et à la vérité juridique sont les termes de « génocide contre les Tutsis » et de « génocide contre les Hutus ».

Il y a donc eu deux génocides au Rwanda et il ne s’agit pas ici d’une « thèse » mais d’une réalité historique, factuelle et juridique.

Il s’agit encore moins d’une « thèse négationniste » puisque cette réalité affirme justement l’existence de deux génocides et n’en nie pas.

C’est plutôt la propagande qui fait de la réalité du génocide des Hutus une « fiction » alors que l’Afrique, l’Europe et le monde entier regorgent de centaines de milliers de réfugiés Hutus qui ont perdu les leurs au Rwanda et au Congo, tués parce qu’ils étaient Hutus.

Le problème ne tient même pas vraiment de la question de savoir ce qu’il s’est passé exactement au Rwanda et quelle est la qualification que peuvent revêtir ces crimes.

Il tient en fait de la propagande politique qui monte les Tutsis contre les Hutus, et vice-versa, alors que les Hutus et les Tutsis en tant que groupes n’ont aucun conflit entre eux.

A aucun moment dans l’histoire du Rwanda les Hutus ou les Tutsis n’ont été globalement enrôlés les uns contre les autres dans un conflit qui les aurait opposés en tant que groupes.

Pire, cette propagande qui sème la confusion est à ce point pernicieuse que certains Tutsis se sentent obligés de nier qu’il y a eu un génocide des Hutus et certains Hutus se sentent obligés de nier qu’il y a eu un génocide des Tutsis au Rwanda.

Or ce n’est pas parce qu’il y a eu un génocide des Hutus que cela empêche qu’il y ait bien eu un génocide des Tutsis sur lequel la justice internationale et même les justices nationales de nombreux pays se sont déjà penchées.

De même, ce n’est pas parce que le FPR au pouvoir à Kigali a instrumentalisé le génocide des Tutsis à des fins politiques, notamment pour prendre le pouvoir et asseoir sa légitimité jusqu’à présent, que le génocide des Tutsis doit être nié.

Et ce n’est pas non plus parce que le FPR porte une responsabilité dans le génocide des Tutsis, pour l’avoir provoqué ou même attisé, voire pour avoir infiltré les miliciens Interahamwe, que le génocide des Tutsis doit être nié, relativisé ou minimisé.

La propagande est telle qu’on oublie que de nombreux Hutus ont été des victimes indirectes du génocide commis contre les Tutsis et vice-versa, notamment lorsqu’un homme Hutu ou Tutsi a pu voir son épouse et ses enfants tués uniquement parce qu’ils étaient de telle ethnie différente de la sienne.

On comprend mieux d’ailleurs la raison pour laquelle de nombreux Rwandais ne veulent même pas entrer dans ce débat dans lequel ils ne se reconnaissent dans aucune des thèses biaisées et partisanes qu’on leur présente et qui font d’eux ou de leurs proches des génocidaires alors qu’ils ne sont que des victimes.

Rares sont en effet les familles rwandaises qui ne comptent pas à la fois des Hutus et des Tutsis ou qui ne comptent pas à la fois des victimes des Inkotanyi et des victimes des Interahamwe.

Il n’y a aucune concurrence entre ces deux génocides et encore moins de concours entre eux.

Accepter les vérités de toutes les victimes

Chaque Rwandais doit finir par admettre que nous avons des histoires différentes et qu’il est impossible de nier indéfiniment les crimes qui ont été commis contre les autres Rwandais.

Le génocide commis contre les Hutus concerne les Tutsis autant que le génocide commis contre les Tutsis concerne les Hutus.

Il n’y a aucune prohibition faite à un Tutsi de commémorer le génocide commis contre les Hutus et de réclamer justice pour les Hutus de même que rien n’empêche un Hutu de s’intéresser au génocide commis contre les Tutsis et d’en condamner les coupables.

Les Rwandais doivent se sentir concernés par ces crimes en tant que Rwandais et non pas en tant que Hutus ou Tutsis, même si le rapport qu’on peut avoir avec un génocide commis contre sa communauté ne peut évidemment pas être le même que le rapport qu’on peut avoir avec un génocide commis contre une autre communauté.

L’essentiel est de ne pas tomber dans le piège de l’amalgame et de la négation de l’autre.

L’amalgame et la négation de l’autre conduisent parfois à des raccourcis particulièrement pervers, comme lorsque cette journaliste soutient haut et fort qu’il y a eu un millions victimes dans le génocide des Tutsis pour un million d’assassins dans le but de justifier les crimes commis par le FPR contre les Hutus qui, bien sûr, composeraient ce million d’assassins.

Enfin, ceux qui soutiennent qu’il s’agissait d’une guerre civile n’ont pas tort car tous ces crimes ont été provoqués par la guerre menée par le FPR, avec le soutien décisif de l’Ouganda, contre le Rwanda du 1er octobre 1990 au 16 juillet 1994 et qui a opposé l’APR aux FAR.

Même si le dénouement de cette guerre a été, pendant toute cette période, la préoccupation première de tous les Rwandais, spécialement et paradoxalement entre le 6 avril 1994 et le 16 juillet 1994, on ne peut pas réduire ce qu’il s’est passé à cette seule guerre civile.

Enfin, les Rwandais portent une responsabilité dans ces crimes mais il va de soi que les étrangers en portent une également, soit en tant qu’individus, soit en tant qu’Etats pour leur intervention active ou leur passivité dans ces crimes ou dans cette guerre.

L’Ouganda, la Belgique, la France, les Etats-Unis, la République Démocratique du Congo, le Burundi, l’Angleterre et le Canada sont les premiers concernés.

Seuls ceux qui ont intérêt à ce que les auteurs de tous les crimes ne soient jamais jugés entretiennent la confusion et tentent de laver le cerveau des générations futures qui ne se retrouvent de toute façon pas dans les explications incohérentes qu’on leur donne.

Et ce travail de mémoire, de reconnaissance et de justice n’incombe pas seulement aux Rwandais, il incombe également à tous les étrangers qui s’intéressent à cette cause, que ce soit des particuliers, des associations ou des collectivités publiques.

Par Patrice Rudatinya MBONYUMUTWA,

www.jambonews.net

L’auteur est rwandais, né en 1975. Il est témoin direct de l’histoire récente de son pays à laquelle il s’intéresse depuis son plus jeune âge. Il était au Rwanda le 6 avril 1994 et pendant les semaines qui ont suivi. Il tient à préciser que ce texte est le fruit de plus de 23 ans de réflexion et de recul pendant lesquels il a assisté à de très nombreuses conférences et s’est entretenu avec de nombreuses victimes rwandaises Hutus et Tutsis. Il s’est procuré et a lu plus de 230 livres, sans compter les milliers d’articles, c’est-à-dire pratiquement tous les ouvrages principaux qui ont été publiés sur le Rwanda avant et après 1994 par les auteurs de tous bords. Il est avocat spécialisé en droit pénal qu’il a enseigné à l’Université.

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Rwanda : scènes de torture systématiques et généralisées depuis 2010

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C’est un nouveau rapport alarmant sur la situation au Rwanda que vient de publier Human Rights Watch ce mardi 10 octobre 2017. Dans ce rapport de 102 pages, intitulé « Nous t’obligerons à avouer : Torture et détention militaire illégale au Rwanda », l’organisation internationale de défense des droits de l’Homme documente la détention illégale dans des camps militaires ainsi que la torture généralisée et systématique aux mains de membres de l’armée rwandaise. Plusieurs détenus ou anciens détenus décrivent à l’organisation les horreurs qu’ils ont subies dans ces centres.

Au terme d’une enquête qui aura duré 7 années, menée entre 2010 et 2017 et qui aura notamment conduit l’organisation à s’entretenir avec plus de 230 personnes, dont 61 détenus ou ex détenus, l’organisation a confirmé 104 cas  « de personnes détenues illégalement et, dans de nombreux cas, torturées ou maltraitées dans des centres de détention militaires au Rwanda au cours de cette période de sept ans ». Pour l’organisation toutefois, le nombre réel de cas est probablement plus élevé et l’organisation a recueilli des récits démontrant que ces violations des droits humains se sont poursuivies même en 2017.

Selon l’organisation, ces méthodes de détention illégales sont conçues pour « soutirer des informations aux membres ou sympathisants réels ou présumés des Forces démocratiques de libération du Rwanda (FDLR) (…) et dans une moindre mesure, du Congrès national rwandais (RNC). »

Comme l’explique l’ organisation, « le rapport décrit des schémas systématiques de torture, disparitions forcées, détention illégale et arbitraire, procès inéquitables et autres violations graves des droits humains dans des centres de détention au Rwanda, de 2010 à 2016, en violation flagrante du droit rwandais et international. »

Parmi les nombreux centres de détention illégale répertoriés, le camp militaire de Kami est celui ayant la réputation la plus sordide. Human Rights Watch s’est ainsi entretenu avec 39 personnes qui y ont été détenues entre 2010 et 2016 et plusieurs d’entre elles ont décrit  « des passages à tabac, l’usage de l’asphyxie, d’acide pour brûler la peau et des simulacres d’exécution » visant à leur soutirer des informations sur leurs liens présumés avec les FDLR ou des groupes d’opposition. Certaines de ces personnes avaient quant à elles été détenues et rouées de coups au Minadef avant leur transfert à Kami.

Dans plusieurs cas documentés par l’organisation, c’est seulement après plusieurs mois de détention illégale et souvent après que les détenus aient signé une déclaration sous la torture que ces derniers ont été transférés dans des centres de détention officiels, y compris des prisons civiles, et étaient alors inculpés et traduits en justice. L’organisation explique n’avoir connaissance d’aucun rejet de preuves obtenues sous la torture, alors que plusieurs personnes ont été condamnées à de lourdes peines, parfois de la prison à vie sur base d’aveux ou témoignages obtenus partiellement ou entièrement sous la torture.

Les témoignages recueillis par l’organisation décrivent de véritables scènes d’horreurs vécues par les détenus en vue de les faire passer aux aveux.

Un homme détenu à Kami en 2010 a ainsi indiqué à l’organisation que « les militaires l’avaient battu, lui avaient mis un sac sur la tête et versé de l’acide dessus, entraînant des brûlures graves de la peau. »

Un autre détenu à la base militaire de Mukamira raconte “ils me battaient pendant environ deux heures. Ils disaient : « Dis-nous où nous pouvons trouver les interahamwe avec qui tu collabores. » J’étais battu par un groupe de quatre soldats. L’un d’eux me frappait, puis un autre me frappait à son tour. Ils disaient toujours la même chose : « Tu es un interahamwe. » Je répondais : « Non je suis allé en RD Congo en toute légalité, je vous ai montré mes papiers qui le prouvent. » Mais ils ont continué à me dire d’avouer… Ils m’ont battu si fort que j’ai fini par avouer. (…)»

Un membre actif de l’armée rwandaise a confirmé à l’organistaion que les militaires passaient des gens à tabac à Mukamira, en déclarant notamment « il y a une salle spéciale. Il y a de l’eau dans cette salle et ils y utilisent de l’électricité. J’ai entendu les hurlements d’hommes provenant de cette maison. »

Un homme qui a été détenu durant 56 jours à la caserne militaire de Rubavu communément appelé la « Gendarmerie » a quant à lui déclaré à Human Rights Watch « ils m’y ont battu très rudement. Ils m’ont battu et poignardé avec la baïonnette d’un fusil. Ils m’on donné des coups de pied dans les testicules. Ils m’ont battu parce que je refusais de signer un document qui avait été préparé pour moi. Je n’ai pas pu le lire. Ils m’ont tellement battu que j’ai fini par le signer à cause de la souffrance. On m’a fait signer par la force. »

© John Emerson, Human Rights Watch

A côté de ces centres dé détention, plusieurs anciens détenus ont décrit à l’organisation avoir été intérrogés et torturés par les RDF dans des maisons ordinaires et anonymes. L’un d’entre eux a ainsi raconté à l’organisation « Quand ils m’ont transferé à Kigali, ils m’ont placé dans un lieu de détention clandestin à Kicukiro. C’était une maison bien meublée. Il y avait aussi d’autres détenus avec moi. Un homme a été battu si violemment qu’il était presque mort. Ils l’ont laissé sur un matelas. Il y avait aussi une pièce d’où sortait beaucoup de sang. Je ne sais pas ce qu’il y avait dans cette pièce. Ils ne nous ont pas permis de le voir. J’y ai passé une nuit terrible. Trois hommes m’ont battu très durement. Ils m’ont frappé à la tête à plusieurs reprises. »

En annexe de son rapport, l’organisation publie un tableau comprenant les noms de 65 personnes ayant declaré dans des procès publics suivis par Human Rights Watch au Rwanda qu’elles avaient été torturées ou détenues illégalement. D’autres co-accusés ont fait part des mêmes allégations confidentiellement à leur organisatin et leurs noms ne sont donc pas inclus.

Avant la publication du rapport, l’organisation a soumis ses conclusions au gouvernement rwandais, lui demandant une réponse et une rencontre en vue de discuter de ces constatations. L’organisation sollicitait également l’autorisation de visiter le centre militaire de Kami et malgré plusieurs demandes répétées notamment une lettre d’août 2017, le gouvernement n’a pas réagi.

Cliquez ici pour lire le rapport complet

Ruhumuza Mbonyumutwa

Jambonews.net

 

 

 

 

 

 


« INGABIRE DAY » :  Une journée internationale de solidarité avec tous les prisonniers politiques rwandais

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« INGABIRE DAY » s’est tenu ce 14 Octobre 2017 pour immortaliser un mouvement de lutte pour la démocratie et le transfert pacifique du pouvoir qui s’est enclenché le 16 Janvier 2010. A cette date Mme Victoire Ingabire Umuhoza, Présidente des FDU-Inkingi a décidé d’aller faire la politique au Rwanda. Ce mouvement est actuellement relayé par Melle Diane Shima Rwigara actuellement en prison pour des chefs d’accusation qui changent au fils des jours. Les deux femmes sont victimes du crime de « lèse-majesté » pour avoir eu le courage de déclarer qu’elles voulaient affronter le général Paul Kagame aux élections présidentielles.

Jusqu’en 2010, le général Paul Kagame déclarait encore qu’il n’avait refusé l’espace politique à personne et que la diaspora devait venir faire la politique au Rwanda au lieu de continuer de critiquer de l’extérieur. Il avait jusque-là coopté quelques Partis Politiques de l’intérieur, dits d’opposition mais qui souvent soutiennent sa candidature à toutes les élections Présidentielles. En effet, lors des élections en 2003 seuls 2 candidats indépendants, l’ancien Premier ministre Faustin Twagiramungu  et le Dr Théoneste Niyitegeka, s’étaient présentés  pour faire la compétition avec celui qui venait de jeter en prison son prédécesseur, le Président Pasteur Bizimungu  pour avoir initié un Parti politique indépendant.  Après avoir officiellement perdu ces élections avec moins de 3%, Mr Twagiramungu est retourné en Belgique d’où il a déclaré qu’il y avait eu fraudes électorales. Ces irrégularités ont été confirmées par les observateurs de l’Union Européenne. Quant au Dr Theoneste Niyitegeka, il fut jugé et condamné le 5 février 2008 à 15 ans de prison et purge encore actuellement sa peine.  Arrivée à Kigali en 2010 en provenance du Pays-bas où elle était en exile, Mme Victoire Ingabire s’est rendue au mémorial de GISOZI[1], rendre hommage à la mémoire des victimes du génocide Tutsi ; Elle regretta cependant que rien n’ait été encore fait pour les autres victimes (Hutu) de la tragédie rwandaise.  Elle plaida que pour qu’il y ait une réconciliation effective entre les rwandais, éviter un deuil discriminatoire, reconnaitre le génocide contre les Tutsis mais aussi donner l’espace aux victimes Hutu dont les crimes ne sont pas encore qualifiés[2]. Elle réaffirma sa volonté, en tant que futur Chef d’Etat, de mettre fin à l’impunité pour que tous les coupables soient traduits en justice et punis conformément à la loi.

Par la suite, après un matraquage médiatique par les journaux du pouvoir, et comme cela se passe actuellement pour Diane Shima Rwigara, elle sera jetée en prison et accusée de différents crimes dont celui de vouloir constituer un groupe armé pour renverser le pouvoir (comme Diane Rwigara). Mme Ingabire Victoire a été condamnée à 15 ans de prisons après un procès politique[3] qui a fait d’elle une prisonnière politique.

Depuis 2012[4] jusqu’à nos jours[5], Amnesty International, Human Rights Watch, le département d’Etat des USA[6]… ne cessent de publier des rapports sur des détentions arbitraires et tortures au Rwanda. Quant au Rapporteur spécial des Nations Unies sur les droits à la liberté de réunion pacifique et d’association, M. Maina KIAI[7], il a lancé un avertissement similaire dans son rapport de Juin 2014 adressé au Conseil des droits de l’homme, en disant « une société dépourvue de voix critiques pour parler librement et pacifiquement n’est pas durable ». Il a aussi souligné le fait que « la crainte d’un nouveau génocide ne peut être invoqué pour entraver les libertés fondamentales dans une société puisque ces libertés sont nécessaires pour prévenir les conflits et génocide ».

Ce 14 Octobre 2017, la consécration de « Ingabire Day » s’est voulu comme une journée de solidarité avec les prisonniers politiques et prisonniers d’opinion rwandais, victimes de ce système. On peut citer entre autres : Victoire Ingabire Umuhoza, Dr Theoneste Niyitegeka, Déo Mushayidi, Sibomana Sylvain, Anselme Mutuyimana, général Rusagara, colonel Tom Byabagamba, colonel Rugigana, Kizito Mihigo, les membres du Comités des FDU-Inkingi arrêtés le 06 septembre 2017 dont Boniface Twagirimana premier Vice-président des FDU-Inkingi[8] ; Diane Rwigara, sa sœur Anne et sa Maman Adeline.

Un peu partout sur le globe s’est tenu des manifestations et commémorations en l’honneur de Victoire Ingabire et en soutient à tous les prisonniers politiques et d’opinion au Rwanda. On peut citer par exemple : la cérémonie qui s’en tenu à Londres (Grande-Bretagne) pour la publication du livre : « Between the 4 walls of 1930 Prison », la traduction anglaise des mémoires rédigés par Victoire Ingabire en prison, le Gala organisé par la Fondation Victoire Pour La Paix à Bruxelles (Belgique) célébrant la figure héroïque de Victoire Ingabire ou encore la manifestation de soutien à la prisonnière politique qui a eu lieu à Madrid (Espagne) sous l’initiative de Umoya, une organisation des droits de l’Homme espagnol. Au Rwanda, les soutiens des victimes du système judiciaire étatique ont eu choisis de s’associer à l’événement en consacrant tout le weekend à la prière en l’honneur de tous ces prisonniers politiques et d’opinion. Un mouvement qui a été largement relayé sur les réseaux sociaux et qui s’est avéré être un succès puis que certaines églises ont connu une affluence bien au-dessus de la moyenne habituelle.

Les initiateurs du concept « Ingabire Day » veulent également dénoncer « le silence complice de la Communauté internationale et cette dictature impitoyable qui a installé un régime de terreur comme mode de gouvernance et continue à violer les droits de la personne humaine en toute impunité« .  Le flambeau allumé par Ingabire Victoire a suscité une dynamique d’un mouvement dont Diane Rwigara a repris le relai. « La flamme qui anime ce mouvement continuera à s’allumer et ne s’estompera jamais jusqu’à l’éradication de la dictature incarnée par le général Paul Kagame ».

Charles Ndereyehe

www.jambonews.net

 

[1] https://www.youtube.com/watch?v=CD2f8Vu-YY4 ;  
     http://hungryoftruth.blogspot.nl/2013/03/gisozi-discours-de-victoire-ingabire.html
[2] www.ohchr.org/Documents/Countries/CD/DRC_MAPPING_REPORT_FINAL_FR.pdf;
    https://www.hrw.org/reports/1999/rwanda/Geno15-8-03.htmhttp://jrad.unmict.org/webdrawer/webdrawer.dll/webdrawer/rec/195633/view/;
    http://en.wikipedia.org/wiki/Gersony_Report
[3] https://www.hrw.org/news/2012/10/30/rwanda-eight-year-sentence-opposition-leader ;
[4] https://www.amnesty.org/fr/latest/news/2012/10/rwanda-must-investigate-unlawful-detention-and-torture-military-intelligence/
[5] https://www.hrw.org/fr/news/2017/10/10/rwanda-detention-militaire-illegale-et-torture
[6] https://www.state.gov/documents/organization/252929.pdf
[7] http://freeassembly.net/tag/rwanda/
[8] http://www.fdu-rwanda.com/fr/english-rwanda-the-fdu-inkingi-offices-in-kigali-are-under-siege/

 

Rwanda: Des détenues torturées suite à une évasion de canards

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C’est une histoire qui pourrait porter à sourire si elle n’avait pas eu de fâcheuses conséquences. Le jeudi 20 octobre 2017, des canards se sont « échappés » de la Prison « 1930 » de Kigali. S’en est suivi un lynchage public de dames d’un certain âge de la part des gardiens de la prison.

Ce vendredi 21 octobre, le Rwanda faisait les titres des journaux internationaux en raison de l’annonce du comité de l’ONU pour la prévention de la torture qui a indiqué avoir suspendu sa visite au Rwanda en raison « du manque de coopération du Gouvernement et d’une série d’obstacles imposés par les autorités ». Un jour plus tôt, c’est une histoire qui aurait eu tout pour paraitre cocasse mais qui a très mal finie pour des mères de famille incarcérées dans la Prison 1930 de Kigali.

Dans les prisons rwandaises, les détenus ont la charge de se débrouiller pour organiser le peu qu’ils ont à disposition pour se nourrir. C’est également eux qui ont la charge de préparer les mets des surveillant de prison. C’est ainsi que des dames s’occupent d’élevage de canards destinés au repas des gardes pénitenciers. Mais au milieu des multiples taches et des conditions de vies exécrables qui règnent dans le vétuste centre de détention de Kigali, la tâche est parfois ardue. Ainsi, des canards ont réussi à faire faux bonds et à s’exfiltrer de la prison. Les gardiens, prenant connaissance des faits, seraient rentrés dans une colère noire. Ils s’en sont alors pris à ces dames, d’un certain âge, pour avoir laissé échapper les canards de la prison. Jambonews a réussi à recueillir le témoignage d’un membre de la famille d’une détenue qui a assisté aux exactions. « Ils ont tabassés ces mamans avec tout ce qui leur passait par la main. Ils les ont torturées durant un très long moment. Au départ, ils étaient en colère mais à la fin, ils semblaient prendre plaisir. Pour l’une des mamans, ils ont pris un marteau et ils ont tapé de toutes leurs forces sur chacun de ses orteils ». L’auteur de ces tortures serait le Sergent Ryamukama Vertu. Une dame surveillante aurait également participé à ces agressions de manière très actif. Ce genre d’exactions ne serait pas rare au sein de la prison. « Tous les jours, des détenus sont torturés et tabassés, parfois pour des consignes non respectées mais très souvent sans raison apparente » a expliqué notre contact au sein de la Prison « 1930 » qui a requis l’anonymat.

Ces faits s’ajoutent à ceux relatés par Human Right Watch dans son rapport « Nous t’obligerons à avouer » d’octobre 2017. Ce rapport documente 104 cas de personnes détenues illégalement, dont une majorité auraient été victimes de tortures – bastonnades, décharges électriques, simulacres d’exécution – par les services de sécurité dans des prisons, camps militaires et autres centres de détention entre 2010 et 2016 au Rwanda.

Pour sa part, Arman Danielyan, le chef de la délégation du sous-comité de l’ONU en charge de la prévention contre la torture a indiqué dans un communiqué daté de vendredi 20 octobre que les autorités rwandaises les ont « empêché d’avoir des entretiens privés et confidentiels avec certaines personnes privées de liberté. De plus, beaucoup de ceux que nous avons réussi à interviewer ont exprimé des craintes de représailles ». Il en appelle au gouvernement rwandais afin de poursuivre sa coopération avec l’organe onusien et parvenir à « la création d’un mécanisme national de prévention contre les torture indépendant et efficace dans le pays »

La Prison Centrale de Nyarugenge (Kigali) ou autrement dit Prison « 1930 »

La Prison Centrale de Nyarugenge (Kigali) ou autrement dit Prison « 1930 » est tristement célèbre pour avoir été le théâtre de torture et maltraitance à l’égard des prisonniers, principalement ceux accusés de génocide, depuis 1994 et l’arrivée du FPR au pouvoir. Cette prison a été de nombreuse fois critiquée par les organes internationaux car, initialement construite pour 480 détenus (au début des années 1910), elle a compté jusqu’à 50000 détenus au milieu des années 1990. Au début de l’année 2017, elle comptait encore plus 5000 détenus avant qu’une partie des détenus masculin ne soit déplacée vers une autre prison. La Prison « 1930 » est également connue pour abriter Victoire Ingabire, opposante politique condamnée à 15 ans de prison en 2014. Cette prison est au centre des récits de celle qui est d’ores et déjà comparé à Mandela dans son livre témoignage : « Entre les 4 murs de 1930 ».

Norman Ishimwe

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Rwanda – Kizito Mihigo : que devient le chanteur chrétien muselé ?

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– Article d’opinion – 

Trois ans et six mois se sont déjà écoulés depuis l’incarcération du célèbre chanteur chrétien rwandais, Kizito Mihigo. Avant son emprisonnement, ce rescapé du génocide était devenu non seulement  l’artiste préféré du pouvoir politique en place au Rwanda, mais aussi une icône de la Paix et la Réconciliation grâce à ses chants et aux activités de sa Fondation. Même si le régime a tout fait pour museler cette voix, les rwandais n’oublient pas leur star, en particulier les chrétiens catholiques qui continuent d’utiliser, pendant les messes dominicales, de nombreux chants liturgiques composés par Mihigo.

Kibeho, cette petite localité dans le Sud du Rwanda devenue célèbre grâce aux phénomènes religieux officiellement reconnus par le Vatican comme apparitions de la Vierge Marie, la Mère de Jésus, et devenue désormais lieu international de pèlerinage pour les chrétiens du monde entier, c’est là que Kizito Mihigo voit le jour le 25 juillet 1981. Troisième de six enfants, Mihigo grandit dans une famille catholique très pratiquante. Ceux qui ont étudié avec lui à l’école primaire de Kibeho dirigée par son père Augustin Buguzi, le décrivent comme étant un élève passionné par l’église et la musique sacrée.  Enfant de choeur dans l’église de Kibeho, tous les matins le petit Kizito se lève très tôt pour arriver premier à la sacristie, afin de servir la messe matinale, avant d’aller en classe. C’est à l’âge de neuf ans qu’il  compose ses premières chansonnettes.

En avril 1994, pendant le génocide, alors que Kizito, sa mère et ses sœurs s’exilent au Burundi voisin, (un voyage de deux jours et deux nuits selon le témoignage du chanteur), son père Augustin Buguzi est assassiné à Kibeho.

Les réfugiés tutsis resteront trois mois au Burundi avant de rentrer au pays en  juillet 1994. Kizito Mihigo, dans ses témoignages publics, a toujours décrit ce temps en exil comme étant une période « pleine de frustrations, de colère et de désir de vengeance. »

Après son retour au Rwanda, le jeune Mihigo reprend l’école, notamment au Petit Séminaire Virgo Fidelis de Butare, Alors qu’il est élève à cette école religieuse destiné à former les futurs prêtres, Kizito commence à composer des centaines de chants de messes, vite exploités par les chorales dans les paroisses rwandaises.

D’église en église , son talent musical se  répand rapidement  dans tout le pays, jusqu’aux plus hautes autorités du pays. En 2000, à 19 ans, Kizito participe à l’écriture musicale du nouvel Hymne National du Rwanda. Il est ensuite recommandé par le Président Paul Kagame pour obtenir une bourse du gouvernement afin d’aller faire des études de musique en Europe.

C’est en 2003 qu’il arrive en Belgique et s’ inscrit à l’Académie de Musique de Court-Saint-Étienne à Ottignies. Il loge au Séminaire Saint-Paul de Louvain-la-Neuve. Son professeur d’orgue est Monsieur Dominique Bodson, directeur de l’Académie et professeur à l’IMEP (Institut de Musique et Pédagogie) de Namur. En 2004 il déménage en France pour continuer ses études au Conservatoire de Paris, où il suit les cours d’orgue et de composition avec les professeurs Madame Françoise Levechin Gangloff et Gisèle Dechorgnat. Il obtient son diplôme de fin d’études en 2008 et, avec un projet de fonder une école de musique classique au Rwanda, en 2010 il décide de rentrer au pays.

Activiste de  la réconciliation 

Pendant son séjour en Europe, le chanteur réuni à plusieurs reprises la communauté rwandaise dans des concerts de musique sacrée, suivies par une Messe souvent célébrée par Monseigneur Leonard, à l’époque Évêque de Namur, puis Archevêque de Bruxelles.

Dans une interview avec Jambonews, Monseigneur Leonard a décrit le chanteur qu’il a connu, comme quelqu’un de « ..très sincère, idéaliste, peut être parfois naïf qui faisait vite confiance… »

Lors de ces concerts organisés à Bruxelles, Kizito Mihigo n’a pas seulement interprété ses œuvres liturgiques. Il a surtout donné le témoignage de sa vie pendant le génocide et le cheminement qu’il a fait pour arriver à pardonner. Il a décrit le pardon comme étant la « seule clef de la réconciliation, cachée dans le cœur de la victime »

En 2010 lorsqu’il retourne au Rwanda, il crée la Fondation Kizito Mihigo pour la Paix, une Organisation non-gouvernementale pour la Paix et la Réconciliation.

Dès 2011 avec sa fondation, le chanteur parcourt les écoles et les prisons du pays en prêchant le pardon, la réconciliation et la paix au Rwanda. Ces tournées à travers le pays sont régulièrement diffusées à la radio et télévision nationales à travers l’émission hebdomadaire « Umusanzu w’umuhanzi » produite par la Fondation. Les membres de sa fondation parlent d’un homme passionné par son travail. « Depuis que j’ai connu Kizito, c’était toujours impossible de discuter avec lui pendant 10 minutes sans qu’il parle de sa fondation. KMP c’était son bébé qu’il a toujours voulu voir grandir » Nous déclare un membre de sa fondation actuellement en Europe.

Après trois ans d’existence, les activités de cette organisation ont valu au chanteur des prix nationaux comme celui donné en avril 2013 par l’Office Rwandais de la Gouvernance (Rwanda Governance Board) qui est attribué aux ONG locales qui contribuent à la bonne gouvernance ou encore celui donné par la Première Dame Jeannette Kagame aux jeunes rwandais les plus innovateurs. Le Président Kagame lui-même, dans ses discours, n’hésitait pas à citer les paroles des chansons de Mihigo.

Emprisonnement et procès 

La vie du chanteur et ses bonnes relations avec le gouvernement rwandais commencent à  prendre une autre tournure  au mois de Mars 2014, après la sortie de sa chanson « Igisobanuro cy’urupfu » (l’explication de la mort). Selon des témoignages de nombreux proches du chanteur, le mois de Mars 2014 fût une période horrible pour le chanteur qui se préparait à participer à la 20ème commémoration du génocide.

Dans le texte de la chanson chrétienne de 10 minutes, le chanteur rend hommage aux aux victimes du génocide, mais appelle à rendre également hommage à toutes les victimes en évoquant notamment celles de la guerre et celles des vengeances, en faisant une allusion claire aux victimes du FPR.

« Je suis rescapé du génocide mais ce n’est pas pour autant que j’ignore la souffrance des autres … la mort n’est jamais bonne, que ce soit du génocide, de la guerre ou des vengeances »

« Le génocide m’a rendu orphelin. Mais cela ne m’empêche pas d’avoir de la compassion pour d’autres personnes qui ont été victimes d’actes qui n’ont pas été appelés « génocide ». Ces frères-là, ce sont aussi des humains, je prie pour eux…ils ont toute ma compassion…je les porte dans mes pensées ».

Peu après la sortie de la chanson en question, Paul Kagame dit dans un discours : « …Moi je ne suis pas un chanteur qui veut émerveiller les ennemis du Rwanda… »

La chanson est immédiatement interdite sur tout le territoire et Kizito mis sous pression afin de demander pardon pour son message jugé révisionniste et négationniste. Le chanteur est ensuite porté disparu, et la police dit ne pas savoir où il se trouve.

Le 14 avril 2014, soit deux semaines après la disparition, la Police finit par admettre qu’elle détient le chanteur. Il est accusé de crimes graves d’atteinte à la sûreté de l’État et complot contre le pouvoir et le Président de la République. Avant le début du procès, deux interviews confessions sont rapidement organisées pour les médias locaux notamment la télévision nationale. Menottes autour desmains, le chanteur plaide coupable et demande pardon aux rwandais et au Président Kagame.

Ses aveux ne s’avèrent toutefois pas convaincants, la chanteur ne parvenant pas à concrètement expliquer comme il aurait planifié de renverser renverser le pouvoir de Kagame. Plusieurs journalistes et défenseurs des droits humains se demandent où était le chanteur durant les deux semaines de sa disparition. Ils dénoncent une détention illégale et le non-respect de la présomption d’innocence.

Le Ministre de la Culture de l’époque, Monsieur Protais Mitali (aujourd’hui en exil) n’attend en effet pas le procès pour qualifier le chanteur d’ennemi du pays et demande à la population de ne plus écouter ses centaines de chansons. Le 18 avril 2014, l’Office National de l’information (Rwanda Broadcasting agency) publie un communiqué officiel dans lequel il interdit à tous les journalistes d’utiliser les chansons de Mihigo.

Selon le rapport de Human Rights Watch publié en avril 2016, Kizito Mihigo a été détenu dans un lieu tenu secret durant les huit jours qui ont suivi son arrestation. Au cours de cette période, il aurait été torturé et fait l’objet de nombreux interrogatoires intempestifs, décrétés par la police ou par certains cadres gouvernementaux.

Durant le procès, à côté de trois coaccusés qu’il dit ne pas connaître, le chanteur continue de plaider coupable et de demander pardon.

Le 27 février 2015, il est jugé coupable de conspiration contre le gouvernement du Président Kagame, et condamné par la Haute cour de Kigali à 10 ans de prison. Il a fait appel de cette décision auprès de la cour suprême et, jusqu’à présent, il n’a pas encore été convoqué.

Voix muselée

Le pouvoir politique du FPR Inkotanyi qui a précédemment démontré son intolérance vis à vis de ses opposants, en les emprisonnant et en les assassinant, (on peut citer les cas de Madame Victoire Ingabire et les membres des FDU actuellement en procès, Deo Mushayidi, Diane Rwigara et les autres), ne s’attaque pas seulement aux femmes et hommes politiques, mais à de toute voix critique qui émerge y compris au sein de la société civile.

Détenu dans la prison centrale de Kigali, selon les dernières nouvelles, ce chanteur populaire n’a jamais trahi ses valeurs et son éthique personnelles. Depuis qu’il est arrivé en prison au mois d’avril 2014, Kizito n’a jamais eu l’autorisation de recevoir la nourriture venant de sa famille. Il se contente de la ratio prévue pour tous les prisonniers. Des témoignages recueillis auprès d’anciens codétenus nous disent que le chanteur ne s’est jamais plaint de ces conditions difficiles qu’il vit depuis plus de trois ans. Avec son orgue électronique, celui qui autrefois fût l’organiste de la chapelle Nôtre Dame du Saint Sacrement dans le 16ème arrondissement de Paris, anime désormais les messes dominicales en la prison de Kigali pour ces codétenus et tous les mois d’avril, il dirige la période des commémorations pour les prisonniers.

Selon le témoignage d’un ancien prisonnier publié par Mediapart, Depuis qu’il est arrivé en prison, le chanteur aurait «…contribué au retour de la confiance entre certains prisonniers qui étaient constamment en proie à  des haines ethniques »

Rappelons que, dans le dossier judiciaire du chanteur, il ne reste qu’un seul coaccusé, un dénommé Jean-Paul Dukuzumuremyi, ancien soldat démobilisé condamné à 30 ans de prison. Le journaliste Cassien Ntamuhanga qui était également coaccusé et condamné à 25 ans d’emprisonnement, s’est récemment évadé si l’on se réfère aux informations du gouvernement rwandais. Quant à la femme dénommé Agnès Niyibizi qui avouait avoir des liens avec les FDLR puisque son mari en ferait partie, elle a finalement été blanchie par la cour. Durant le procès, le chanteur Kizito Mihigo avait toujours nié connaître ces coaccusés et avait demandé en vain que leurs dossiers soient séparés.

L’emprisonnement de Kizito Mihigo, la star de la chanson rwandaise et icône de la Réconciliation après le génocide, est une démonstration de la fébrilité d’un régime qui connaît déjà sa fin. Les rwandais membres de sa fondation ou fans de sa musique, ne peuvent oublier sa contribution et ses rêves d’une société rwandaise fraternelle, unifiée, et profondément réconciliée.

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Agnès Uwimbabazi

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Quand le HCR bafoue les droits des réfugiés rwandais

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En octobre 2009 lors d’une visite à Kigali, le régime au pouvoir au Rwanda avait demandé au Haut Commissaire des Nations Unies pour les réfugiés d’invoquer la clause de cessation du statut de réfugiés prévue par la Convention de Genève de 1951 contre les réfugiés rwandais au motif que le Rwanda serait devenu un pays sûr. La clause, qui a été reportée à plusieurs reprises depuis décembre 2013 est sur le point d’être appliquée à dater du 31 décembre 2017 suscitant un vent de panique parmi les centaines de milliers de réfugiés rwandais qui craignent d’être livrés au régime dont ils ont fui les exactions.

En effet, à la suite de la guerre qui a débuté le 1er octobre 1990, par laquelle le Front patriotique rwandais (FPR) s’est lancé à la conquête du pouvoir au Rwanda, plusieurs millions de rwandais ont pris le chemin de l’exil en fuyant les exactions commises par l’APR, la branche armée du FPR actuellement au pouvoir au Rwanda. Aujourd’hui encore, plus de vingt ans après, ils sont encore des dizaines de milliers vivant dans des camps de réfugiés pour la plupart dans des pays d’Afrique subsaharienne notamment le Congo.

Ainsi, malgré le fait que le régime politique actuel au Rwanda, est régulièrement épinglé par les organisations de défense des droits de l’Homme pour les nombreuses violations des droits de l’Homme qui y sont commises, le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les Réfugiés (HCR), sous l’insistance de l’Etat Rwandais, a décidé d’appliquer la clause de cessation du statut de réfugiés.

S’il est aisé de saisir les intérêts du régime rwandais pour l’application de cette clause, qui permettra notamment à ce dernier de garder sous contrôle des témoins de ses exactions et se donner l’image d’un pays pacifié, l’insistance du HCR de voir les réfugiés, ayant fui le Rwanda avant le 1er janvier 1999 – les seuls visés par cette clause – est difficilement compréhensible.
La question du retour des réfugiés au Rwanda s’est en effet posée dès le mois de juillet 1994, au lendemain de la prise du pouvoir au Rwanda par le FPR. Afin de déterminer si les conditions d’un retour étaient réunies, le HCR a envoyé une équipe d’enquêteurs qui avait pour mission de déterminer si de telles conditions étaient réunies. La réponse de l’équipe fut catégorique : les réfugiés ne pouvaient pas rentrer au Rwanda. Et pour cause, les réfugiés qui rentraient au Rwanda étaient tués de manière systématique par le FPR. D’après le rapport publié par cette équipe, couramment appelé « rapport Gersony » du nom  du responsable de l’enquête, entre 5000 et 10000 ancien réfugiés par mois ont été tués entre  juillet et septembre 1994 dans les communes concernées par l’enquête et aucune distinction n’était faite entre les hommes, les femmes, les enfants et les vieillards qui étaient éliminés systématiquement à l’arme blanche ou par balles pour les fuyards.

Plusieurs centaines de réfugiés restèrent donc en exil, la plupart d’entre eux restant
installés dans des camps de réfugiés dans l’ex Zaïre, le pays voisin. En octobre 1997, un nouveau calvaire commença pour ces réfugiés lorsqu’au motif de traquer les ex-génocidaire le FPR actuellement au pouvoir au Rwanda lança une attaque massive sur les camps de réfugiés rwandais en RDC.

Plusieurs dizaines de milliers de réfugiés, hommes, femmes, enfants, personnes âgées furent alors systématiquement massacrés à l’arme lourde et légère et beaucoup de survivants des attaques armées furent achevés par armes blanches au point que le Haut-commissariat aux droits de l’Homme de l’ONU, estime, dans un rapport publié le 1er octobre 2010, que ces massacres  « révèlent plusieurs éléments accablants qui, s’ils sont prouvés devant un tribunal compétent, pourraient être qualifiés de crimes de génocide .»

Dans ces conditions et alors que le mouvement politico-militaire auteur de ces crimes est toujours au pouvoir au Rwanda, la décision du HCR  de considérer le Rwanda comme un pays sur, risquant par-là d’envoyer des rescapés de ces massacres à leurs bourreaux est difficilement compréhensible et apparait comme un véritable abandon.

Pourquoi parler d’abandon? Il est vrai que la Convention de Genève de 1951 prévoit que la qualité de réfugié puisse être retirée lorsque les circonstances ayant justifié la reconnaissance du statut de réfugié ont cessé. Néanmoins, il n’est aucunement question que cette cessation soit préjudiciable aux réfugiés concernés, comme c’est le cas en l’espèce pour les réfugiés rwandais. Plus encore, fixant les conditions de mise en œuvre de cette clause, le HCR avait prévu que la cessation ne pouvait intervenir qu’à condition que les réfugiés, une fois déchus de cette qualité, aient un statut juridique. Or, à la veille de l’entrée en vigueur de la clause de cessation, ce statut se fait attendre.

Pour ne prendre que l’exemple des réfugiés rwandais installés au Congo Brazzaville, on constate que seuls peu d’élus ont été exemptés, en ce compris les anciens témoins du TPIR ; le HCR et le Comité national d’assistance aux réfugiés n’ayant pas estimé que ces personnes continuent de craindre avec raison d’être persécutés ou qu’elles peuvent se prévaloir de raisons impérieuses tenant à des persécutions antérieures. Quant au rapatriement « volontaire », malgré la propagande du HCR, des autorités congolaise et rwandaise visant à convaincre les réfugiés qu’un avenir les attend au Rwanda, cette option suscite uniquement aversion et peur.

En effet, selon les chiffres, à jour depuis la dernière réunion tripartite entre la République du Congo, le Rwanda et le HCR, laquelle s’est tenue fin septembre 2017, sur les 9 260 réfugiés rwandais installés sur le territoire congolais, 11, seulement, ont opté pour le rapatriement volontaire au Rwanda, depuis le début de l’année 2017. Reste donc l’alternative de l’intégration locale par l’introduction d’une demande de carte de résident. Toutefois, si cette option semble être la solution idéale sur le papier, en pratique les réfugiés rwandais se heurtent à deux obstacles majeurs. En effet, en vertu la loi n°23-96 du 6 juin 1996 fixant les conditions d’entrée, de séjour et de sortie des étrangers en République du Congo, ces réfugiés doivent notamment produire la copie d’un passeport et celle d’un extrait de casier judiciaire délivré par leur pays de naissance. Or, solliciter un passeport auprès de l’ambassade du Rwanda, reviendrait pour ces réfugiés à se réclamer de la protection de leur pays d’origine de telle sorte qu’ils seraient présumés renoncer à leur statut de réfugié. Outre qu’il est incohérent d’exiger que l’extrait de casier judiciaire soit délivré par les autorités d’un pays dans lequel on ne réside plus depuis plus de 20 ans, la procédure à suivre à cet effet est totalement aberrante dans le cas d’un réfugié puisque ce dernier devra produire un passeport et un titre de séjour valables. En somme, il s’agit d’un véritable cercle vicieux.

En conséquence, à moins de deux mois de l’entrée en vigueur de la clause, les quelques 9 000 rwandais réfugiés en République du Congo se retrouvent dans une impasse totale. Alors qu’on leur dénie l’exemption, qu’ils se refusent à rentrer au Rwanda en raison des exactions commises par le régime au pouvoir au Rwanda et dont ils ont été victimes, ils ne peuvent satisfaire aux conditions requises en vue de l’obtention d’une carte de résident, et risquent de se retrouver en situation de séjour illégal au 1er janvier 2018.

Camp de réfugiés rwandais au Congo-Brazzaville

Aussi, on ne peut que s’indigner du courrier du 17 octobre 2017, de Madame Carol Batchelor, Directrice de la division des services de la protection internationale du HCR, en réponse à la pétition adressée, notamment au HCR, par la Communauté des réfugiés rwandais vivant en République du Congo, aux termes duquel elle a exhorté les réfugiés rwandais « à saisir les opportunités encore disponibles jusqu’au 31 décembre 2017 » et a invité chacun d’eux à « faire une analyse de sa situation personnelle et prendre la décision idoine afin d’éviter de se retrouver en situation irrégulière au 1er janvier 2018 ».
Pourtant, la solution est toute trouvée. Elle consiste à adapter le cadre juridique congolais afin que les conditions requises pour l’obtention d’une carte de résident prennent en compte la situation particulière dans laquelle se trouvent les réfugiés rwandais, il serait du devoir du HCR de recommander aux autorités congolaises de reporter, une nouvelle fois, l’entrée en vigueur de la clause de cessation du statut de réfugié pour les Rwandais.

L’usage du conditionnel est tout à fait indiqué compte tenu de l’incurie patente du HCR, qui conscient du fait que les conditions de mise en œuvre de cette clause de cessation ne sont nullement réunies, les réfugiés rwandais risquant de se retrouver tels des sans-papiers, ne semble pas se saisir du problème. Devant une telle faillite du HCR, le seul espoir restant aux réfugiés semble être de continuer à compter sur l’hospitalité et la bienveillance des autorités congolaises et que celles-ci se résoudront à prendre la seule décision humainement envisageable : différer l’entrée en vigueur de la clause de cessation dans l’attente que les mesures nécessaires soient prises afin de permettre que les réfugiés rwandais puissent bénéficier d’une intégration locale réussie.

Elie Umukunzi

Membre de SOS Réfugiés et de Sisteme VZW

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Rwanda – Belgique : la négation du génocide contre les Tutsis, bientôt un crime ?

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Le 24 juillet 2017, Gilles FORET, député fédéral MR[1], déposait une proposition de loi comportant pas plus de 7 articles et visant à sanctionner les personnes niant « le génocide commis par le régime hutu power rwandais en 1994 ». Quelques jours plus tard, plusieurs réactions faisaient leur apparition dans les médias. Bien que les avis étaient partagés en ce qui concerne l’opportunité d’adopter ce type de loi en démocratie, les avis sur le contenu de la proposition (terminologies utilisées, identification des victimes, identification des auteurs) étaient quant à eux unanimement très critiques.

Le 29 Septembre 2017, l’asbl JAMBO, s’invitait au débat en transmettant à l’ensemble des parlementaires fédéraux belges, néerlandophones et francophones, un dossier de 32 pages dans le but de « compléter le débat démocratique et d’éviter que le parlementaire belge ne vote une loi qui pourrait, en plus d’être liberticide, attiser des tensions communautaires, à l’opposé de ce qu’elle semble vouloir prôner » selon les termes de Natacha ABINGENEYE, Présidente de l’association.

Le dossier de l’asbl, disponible sur son site formule un ensemble d’observations et de recommandations liées, d’une part, à l’opportunité de la loi et, d’autre part, à son contenu.

Au sujet de l’opportunité de la loi, l’association de défense des droits de l’Homme renvoie le parlementaire à l’opinion de Anne STAQUET, Professeur de Philosophie à l’UMons, laquelle, dans une carte blanche diffusée par le quotidien « Le Soir » s’interrogeait sur la pertinence de promulguer ce type de loi, puisqu’il s’agit en fin de compte de faire la promotion d’« une forme de bien-pensance ou, pourrait-on dire, de « bien-parlance » ». Pour la philosophe, « promouvoir une telle loi met à mal un principe démocratique fondamental de nos sociétés : celui de la liberté d’expression ».

Concernant le contenu même de la proposition, à savoir les terminologies utilisées ainsi que « la vérité » à protéger, l’asbl JAMBO a exprimé de vives préoccupations portant essentiellement sur les termes « Hutu modérés » et « Hutu Power » qui sont « de nature à stigmatiser éternellement une partie des rwandais ». Sur ce point, JAMBO asbl renvoie le parlementaire à une analyse de Me Patrice Rudatinya MBONYUMUTWA, avocat au Barreau du Luxembourg, intitulée « Rwanda : de quels crimes les hutus et les Tutsis ont-ils été victimes » et publiée sur Jambonews en date du 3 octobre 2017.

Selon Me MBONYUMUTWA, l’utilisation de ces termes est regrettable car d’une part, désigner les victimes Hutu comme étant des « Hutu modérés » « induit implicitement mais nécessairement que les « Hutus », sans autre précision, n’auraient pas été modérés ou, pire, n’auraient pas été victimes », le comble étant atteint « lorsque certains définissent les « Hutus modérés » comme étant ceux qui ont refusé de participer aux massacres, induisant par-là que les Hutus qui n’ont pas été victimes des Interahamwe sont ceux qui ont accepté de participer au génocide des Tutsis. »

C’est ainsi que Me MBONYUMUTWA appelle à éviter « toutes ces désignations qui stigmatisent les auteurs de ce génocide dans leur ethnie comme ayant été les « Hutus », « le régime Hutu power », « les miliciens Hutus » ou les « génocidaires Hutus » mais à désigner les criminels au travers des « mouvements politiques et militaires auxquels ils ont adhéré pour commettre ces crimes » car c’est justement à partir de ce genre d’amalgames que l’idéologie génocidaire peut germer.

L’ensemble du dossier de JAMBO asbl, contenant donc ses propres observations et recommandations, ainsi que les textes du Professeur Anne STAQUET et de Me Patrice Rudatinya MBONYUMUTWA, a été particulièrement bien accueilli par la classe politique belge. Plusieurs parlementaires ont remercié l’association pour « cette contribution citoyenne », certains affirmant « partager les mêmes préoccupations ».

A cet égard, dans un long mail du 26 octobre 2017, le Député fédéral Gilles FORET à l’origine de la proposition, a répondu à l’association en l’informant qu’un certain nombre de modifications avaient d’ailleurs déjà été introduites « suite à un certain nombre d’avis et d’analyses, dont celui de Madame le Professeur Anne STAQUET ».

Le député fédéral précise en effet que les termes « Hutu modérés » et « Hutu Power » ont été supprimés car il rejoint l’observation de l’asbl JAMBO, selon laquelle « les termes utilisés par la proposition de loi pour désigner les responsables du génocide des tutsis et pour désigner les victimes sont inadéquats et susceptibles d’exposer les Hutus dans leur ensemble au mépris de l’opinion publique».

Tout en rassurant l’association qu’une telle loi « ne vise aucunement à brider la liberté de recherche historique » , le député s’est dit convaincu « que la loi est opportune dans son principe » car « la réalité de tous les génocides est remise en cause par un certain nombre de personnes. Cette négation de la réalité est une atteinte à la mémoire des victimes, empêche la réconciliation dans un climat apaisé et attise les haines. »

C’est donc dans cet esprit que la proposition de loi avait été substantiellement modifiée dans une deuxième version déposée le 15 septembre 2017 afin de « réprimer la négation, la minimisation, la justification ou l’approbation du génocide commis contre les Tutsis au Rwanda en 1994 (…) ». Les termes « Hutu modérés » et « Hutu Power » ayant donc disparu, que ce soit dans le titre, les développements et les articles de la proposition de loi.

Dans un entretien accordé à Jambonews, Natacha ABINGENEYE, Présidente de l’asbl a estimé que « ces amendements sont très positifs et répondent aux principales préoccupations formulées par Jambo asbl dans ses observations ». Elle salue notamment les modifications du Député fédéral qui évitent désormais que « les Hutus ne soient plus stigmatisés en tant que groupe ethnique responsable du génocide »

Toutefois, Natacha ABINGENEYE estime que malgré les garanties avancées par le député fédéral, des préoccupations persistent quant à la finalité même de la loi. En effet, « une fois adoptée, la loi risque d’être un obstacle à la recherche de toute la vérité sur ce qu’il s’est passé au Rwanda, notamment en ce qui concerne le rôle et les responsabilités du F.P.R. ou l’implication de certains gouvernements étrangers qui sont des éléments majeurs de l’histoire du génocide des Tutsis non encore élucidés ».

Natacha ABINGENEYE, s’interroge donc sur le sens de rédiger une loi « punissant la négation, la minimisation, la justification ou l’approbation du génocide des Tutsis du Rwanda alors même que la narrative qui a conduit à celui-ci n’est pas totalement établie ». Elle conclue notre échange en annonçant que l’asbl prévoit, dès 2018, un certain nombre d’initiatives pour que le débat citoyen continue avant que la question ne soit définitivement débattue en commission.

Emmanuel Hakuzwimana

Jambonews.net

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[1] http://www.gillesforet.eu

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